Image d'illustration d'une embarcation de migrants au large de la Libye. Crédit : InfoMigrants
Image d'illustration d'une embarcation de migrants au large de la Libye. Crédit : InfoMigrants

Pendant plus de 12h, la plateforme téléphonique Alarm Phone a alerté dimanche les autorités italiennes, maltaises et libyennes sur une embarcation en détresse au large de la Libye. Rome et La Valette ont, toute la journée, renvoyé la responsabilité à Tripoli qui a finalement coordonné le secours de ce canot en envoyant un navire marchand, plus de 12h après la première alerte.

"Je n’ai pas besoin de faire la une des journaux, j’ai besoin d’être secouru". Un cri d’alarme que des migrants perdus en pleine mer ce week-end ont lancé à maintes reprises, en vain. Dimanche 20 janvier, une embarcation de fortune partie des côtes libyennes avec à son bord une centaine d’exilés, dont 20 femmes et 12 enfants, a passé plus de 12h en mer Méditerranée sans qu’aucun secours n’intervienne.

La plateforme téléphonique Alarm Phone, - système d’assistance téléphonique pour les personnes en détresse en Méditerranée – qui était en contact avec les personnes à bord, a passé la journée à alerter les autorités des pays concernés. Puis, la situation s’enlisant, les bénévoles de la structure ont commencé à faire état de la situation via twitter pour informer les médias et l’opinion publique sur le sort de ces migrants. "Nous demandons une assistance urgente pour ces personnes en détresse", écrivent-ils ainsi peu avant 13h (heure de Paris).

Pourtant ce n’est que plus de douze heures plus tard que l’embarcation sera secourue. Alors que s’est-il passé dimanche en mer Méditerranée, au large de la Libye ? Retour sur les événements.

Retour sur les événements 

Vers 10h du matin, Alarm Phone reçoit un appel d’un canot en détresse avec à son bord 100 personnes, qui se trouve à environ 60 miles au large de Misrata, à l’est de Tripoli. La panique a gagné l’embarcation : l’eau envahit le bateau qui dérive vers l’est, et un enfant semble être inconscient, voire décédé.

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Selon sa procédure habituelle, Alarm Phone prend contact avec les autorités italiennes, mais ces dernières renvoient la responsabilité à Malte. La plateforme téléphonique se retrouve alors au milieu d’un imbroglio : ni l’Italie ni Malte ne semblent vouloir prendre en charge l’embarcation en détresse. La Libye, qui centralise normalement les opérations de sauvetage dans cette zone, ne répond pas quant à elle aux différents appels et mails d’Alarm Phone.

En effet, un accord conclu en juin 2018 entre la Libye et l’Union européenne stipule que les opérations de sauvetage dans la SAR zone - zone de recherche et de sauvetage – sont désormais gérées par Tripoli, et non plus Rome comme c’était le cas jusque-là.

Ni l’Italie ni Malte n’acceptent de prendre en charge l’embarcation en détresse

À 14h, quatre heures après l'appel de détresse, aucune autorité portuaire ne s’est portée volontaire pour secourir l’embarcation. "Nous exhortons les autorités à décider qui est en charge de coordonner la SAR zone", écrivent encore les bénévoles d’Alarm phone, n’arrivant toujours pas à joindre les Libyens. "Il est inacceptable (…) que des gens meurent à cause de jeux politiques", ajoutent-ils.

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À 15h, Rome avertit Alarm Phone que les informations ont été transmises "aux autorités compétentes en Libye". À bord, "la situation est désespérée" précise la plateforme : les gens sont de plus en plus inquiets, les bénévoles disent avoir entendu durant la dernière heure les migrants crier à "maintes reprises". "Je ne pourrais bientôt plus parler, je gèle", affirme un naufragé à Alarm Phone.

Huit heures après l'appel de détresse, à 18h, les migrants n’ont toujours pas vu arriver de secours. Seul un avion militaire a survolé la zone. "Ils sont persuadés qu’ils vont mourir", assure la plateforme téléphonique qui, à partir de 19h45, n’arrive plus à entrer en contact avec eux. "Sans téléphone satellite, ils ne peuvent plus appeler à l’aide et transmettre leur position GPS". 

"Un sauvetage rapide est nécessaire", alerte une énième fois Alarm Phone vers 21h.

"Violation du droit international"

Finalement, un peu après minuit, la plateforme téléphonique confirme une information parue quelques heures plus tôt dans plusieurs médias italiens : l’embarcation a été secourue par un navire marchand battant pavillon Sierra-Léonais.

Le navire de commerce "sous coordination libyenne, a commencé à prendre à son bord les 100 migrants du canot", a déclaré sur Twitter le ministre italien des Transports Danilo Toninelli. "Tout se déroule selon les conventions internationales, les naufragés iront à Tripoli", a-t-il ajouté. Il aura fallu attendre plus de 12 heures. 

Renvoyer les migrants en Libye, qui n’est pas considéré comme un "port sûr", "viole le droit international", insiste de son côté Alarm Phone. Depuis des mois, plusieurs ONG et organisations internationales interpellent les dirigeants européens sur les conditions de vie des migrants en Libye, et dénoncent leur renvoi systématique vers ce pays où nombre d’entre eux ont subi séquestrations et autres tortures.

 

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