Pas de question sur l'alimentation durable, les déchets, une transition écologique conditionnée à la compétitivité économique... les questions posées dans le grand débat national sur le thème de la transition écologique sont trop orientées estiment plusieurs experts. Une semaine seulement après son lancement, le grand débat national exacerbe déjà les tensions qu'il devait soulager. 

Une semaine seulement après avoir été lancé, le grand débat national est déjà sous le feu des critiques. En cause, notamment, les questions de la fiche Transition écologique auxquelles les participants peuvent répondre en ligne. Ce thème fait partie des quatre grands retenus dans les échanges.
Sur la forme d’abord, les questions sont soit très globales : "Que faudrait-il faire selon vous pour apporter des réponses aux dérèglements climatiques ?" ou "Que pourrait faire la France pour faire partager ses choix en matière d’environnement au niveau européen et international". Réponse attendue…en trois à quatre lignes ! 
Des questions contestées sur le fond et la forme
A l’inverse, certaines questions sont très fermées. Il faudra ainsi décider, avec des réponses à cocher, entre sauver en priorité le climat, la biodiversité ou le littoral. Un choix cornélien pour des sujets pourtant intimement liés.
Sur le fond, les différents thèmes restent extrêmement cloisonnés entre eux. Ainsi, la fiscalité écologique est cantonnée au thème transition écologique, sans être mentionné dans celui de la fiscalité et des dépenses publiques… 
Mais surtout, les experts dénoncent des formulations orientées. La seule question sur la protection de la biodiversité est ainsi conditionnée aux performances économiques. "Que faudrait-il faire pour protéger la biodiversité et le climat tout en maintenant des activités agricoles et industrielles compétitives par rapport à leurs concurrents étrangers, notamment européens ?", interroge le formulaire en ligne.
La transition écologique, un coût plus qu’une opportunité
"La transition écologique est uniquement présentée comme un coût dont le financement pose problème. Jamais comme une source d’économies, d’emplois, d’opportunités d’activités", estime l’avocat en droit de l’environnement, Arnaud Gossement. Et ses enjeux "réduits à quelques banalités sur la voiture et le chauffage". Rien – ou presque – "sur la biodiversité, les déchets, les produits chimiques ou l’eau", étrille-t-il encore sur twitter.
Sur le même réseau social, la climatologue Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du groupe de travail sur les sciences du climat du GIEC, fait, elle aussi, part de ses doutes sur la pertinence des questions posées. " Pas de référence au système alimentaire (agriculture – alimentation), ni de référence aux importations vis-à-vis des enjeux d’émissions de gaz à effet de serre qui ne baissent pas. Pourquoi ?", demande-t-elle.


La crainte des désillusions
Faut-il alors craindre une occasion manquée ? Le débat sur ce thème avait pourtant bien commencé. Yannick Jadot, tête de liste EELV aux élections européennes avait affirmé, la veille du lancement, que les écologistes participeraient à ce dernier. Le remplacement de Chantal Jouanno, démissionnaire de l’organisation du GDN, par Sébastien Lecornu, ancien secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire, et par sa remplaçante, Emmanuelle Wargon, pouvait symboliser la place des enjeux écologiques dans le grand débat national.
Mais, pour l’instant, les experts semblent plutôt circonspects sur l’avenir de ce questionnaire, à l’instar de Jean-Marc Jancovici, fondateur et président de The Shift Project. "Tout cela sent bon l’amateurisme, la démagogie et la désillusion à venir, puisque des questions mal formulées ne pourront sûrement pas déboucher sur des réponses exploitables", dénonce-t-il sur le réseau Linkedin.
 Marina Fabre @fabre_marina
(1) sondage publié le 17 janvier par Odoxa Dentsu pour Franceinfo et Le Figaro

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