Sans contact, QR-code, biométrie… Comment paiera-t-on dans le futur ?

Les acteurs des technologies de la « confiance numérique » (cybersécurité et identité numérique) se sont réunis fin novembre 2018 à Cannes, à l’occasion du salon Trustech. L’occasion pour Usbek & Rica de faire le point sur les moyens de paiement du futur.

Sans contact, QR-code, biométrie... Comment paiera-t-on dans le futur ?

Du 27 au 29 novembre dernier, sur la Croisette, se déroulait – loin des flashs mais toujours sous les palmiers et avec la Méditerranée pour horizon – le Trustech, un salon professionnel autour des technologies de la « confiance numérique ». Ici, on entend parler d’open banking, de PSD2 – non, pas une console de jeux, mais l’acronyme de la directive européenne qui a pour objectif d’ouvrir le secteur du paiement – , de protocoles de sécurité et d’identification. Mais aussi d’objets connectés, de réalité virtuelle et augmentée, de biométrie et de magasins connectés. Les visiteurs sont d’ailleurs issus de différents secteurs : banque, assurance, automobile, énergie, commerce… En filigrane de l’évènement, une de leurs interrogations nous a interpellé : comment paiera-t-on demain ? 

À l’ouest, rien de bien nouveau : pour l’instant, on se préoccupe surtout du décollage (plutôt réussi) du paiement sans contact. Les Français y auraient de plus en plus recours. En 2018, 2 milliards de transactions ont été réalisées contre 1,2 milliard l’année précédente. Et les projections misent sur le dépassement du cap des 3 milliards de transactions en 2020. Pourtant, ce n’était pas gagné car cette « nouvelle » technologie a été lancée il y a déjà dix ans.

Paye ton IA

On pourrait aussi évoquer l’agitation autour de la question sensible de l’intelligence artificielle. Pour Sam Murrant, analyste chez Global Data, « contrairement à la hype autour des cryptomonnaies et du paiement mobile, sur l’IA, les acteurs du secteur joignent les actes à la parole. (…) Ce n’est pas juste le dernier sujet à la mode : un vrai changement du secteur est en train de s’opérer.  »

Et Sam Murrant d’évoquer comment Amazon, avec son service Amazon Payments, imagine une « approche naturaliste  » de l’expérience de paiement. Autrement dit, une expérience plus fluide. Amazon aspire à un boom des assistants vocaux. Le parcours de paiement passerait alors par la conversation, et une conversation se doit d’être la plus fluide possible. La société Mastercard, quant à elle, table sur l’IA pour renforcer son système de détection des fraudes et imagine à terme qu’on puisse remplacer la classique authentification via mot de passe par une authentification quasiment invisible, basée sur le comportement de l’utilisateur.

« On travaille sur la biométrie comportementale : la façon dont vous tapez sur votre écran, la vitesse à laquelle vous frappez et comment vous inclinez votre écran de smartphone »

Sur la chaîne LCI, Olivier Gabrielli, responsable innovation et paiement digitaux chez MasterCard France, reconnaissait d’ailleurs « travailler sur la biométrie comportementale. La façon dont vous tapez sur votre écran, la vitesse à laquelle vous frappez et comment vous inclinez votre écran de smartphone : tous ces éléments mis ensemble permettent de savoir si c’est bien vous qui utilisez le téléphone ou quelqu’un d’autre. » De là à dire que le moindre support physique de paiement disparaîtra, il y a un pas que peu d’acteurs présents à Trustech oseront franchir.

Et effectivement quand on voit que FaceID, le système de reconnaissance faciale d’Apple, a pu être grugé dans le passé par une fausse tête en 3D (ou l’invention d’un masque anti-iPhone X), on se dit que notre bonne vieille carte bancaire a sûrement encore de beaux jours devant elle.

Du numérique au digital
 

Et ce n’est pas Michael Gardiner, directeur général de Tactilis, qui dira le contraire.  « Ça fait des années qu’on prédit la mort de la carte bancaire », fanfaronne-t-il en présentant sa solution. Une solution qui consiste en une carte « physique » avec lecteur d’empreinte biométrique intégrée – on s’identifie avec le doigt, donc – et qui permet un paiement sans contact bien plus efficace qu’un paiement classique. Un autre avantage avancé par le directeur : le gain de sécurité. Et Michael Gardiner de pointer les vols de carte et de code, encore fréquents aujourd’hui. Avec la solution qu’il propose, l’empreinte digitale est enregistrée au sein même de la carte : « On peut éviter les fraudes. Et si vous perdez votre carte, personne ne pourra l’utiliser.  »

Carte biométrique intelligente

Une authentification vraiment digitale (et non numérique). © Tactilis/Nexxt

Sans contact, par le toucher ou la voix, tout semble être pensé pour que les espèces sonnantes et trébuchantes deviennent muettes, invisibles et surtout indolores. Le paiement ne sera-t-il bientôt plus qu’une vue de l’esprit ? « Le but est de créer une expérience de paiement en ligne encore plus seamless (sans coutures, sans douleur, Ndlr). Le confort d’expérience est primordial pour les clients, et c’est encore plus vrai dans l’e-commerce », étaye Sam Murrant.

En Chine, QR-code mon amour
 

En Chine, on diffère sur les moyens même si la philosophie est la même. Rappelons que la Chine abrite des milliard de « mobinautes » plus que d’internautes : 97,5% des internautes chinois – ils seraient près de 800 millions – se connecteraient essentiellement sur leur téléphone. Là-bas, le paiement en ligne est donc d’abord mobile. Fun fact : d’après Tencent, les trois quarts des achats en fast-food se feraient via paiement mobile.

Au salon Trustech, la question du modèle chinois de paiment mobile a été largement débattue. Pour Annie Guo, la fondatrice de Silkpay, qui entend accompagner les entreprises françaises à accepter les moyens de paiement mobile chinois, ces derniers constituent bien un modèle à part entière. Un modèle dont le coeur ne repose ni sur un système biométrique sophistiqué, ni sur une carte bancaire (très peu de Chinois possèdent une carte de crédit), mais sur la génération de QR-code sur mobile.

« Nous ne sommes pas une solution de paiement mais de lifestyle »

En 2016, à la conférence Money2020 Europe, la présidente d’Alipay, Sabrina Peng, déclarait : « Nous ne sommes pas une solution de paiement mais de lifestyle.  » Pour mieux comprendre ses propos, il faut se pencher sur le développement récent des géants du Web chinois comme Alibaba ou Tencent, et de leurs solutions de paiement respectives.

Femme payant à un restaurant avec son mobile

Une femme règle son achat avec un QR-code (Shutterstock)

Alibaba s’impose d’abord dans l’e-commerce et imagine assez rapidement Alipay. Un service de paiement pensé pour faciliter les transactions sur Taobao (sorte d’Ebay chinois). Alipay bascule alors très vite sur mobile, et ça coïncide justement avec le boom du smartphone en Chine. Tencent, de son côté, s’appuie sur Wechat, au départ jumeau extrême-oriental de Whatsapp. Sauf que sur Wechat, on ne fait plus que chatter mais on peut aussi commander un taxi, acheter de la nourriture ou rembourser son ami. Dans les enseignes physiques d’Alibaba, les supermarchés Hema, le consommateur shoppe et paye via son smartphone ou un dispositif de reconnaissance faciale (tout est cashless). La traçabilité des produits et la question de leur fraîcheur étant particulièrement sensible en Chine, toutes les informations relatives à ces questions s’affichent sur les smartphones des citoyens chinois. Des chefs peuvent ensuite cuisiner directement en magasin les courses du client. On comprend alors mieux la dimension lifestyle mise en avant par la patronne d’Alipay.

En 2017, en France, 1,8 millions de touristes chinois auraient dépensé la bagatelle de 4 milliards d’euros

À l’étranger, surtout dans les pays massivement visités par les touristes chinois, se joue donc aujourd’hui une drôle de partie : faire accepter le QR code comme moyen de paiement. Alipay a ainsi passé un partenariat avec les opérateurs de portefeuilles mobiles locaux : en Italie avec Tinaba (de la Banco Populare), au Japon avec Paypay (rejeton de Softbank) dans la perspective des Jeux Olympiques de 2020, et en France avec Natixis.

En 2017, 1,8 million de touristes chinois ont découvert la France. Ils auraient dépensé la bagatelle de 4 milliards d’euros. Une manne qui pourrait être encore bien plus importante si les commerçants locaux acceptaient le paiement via Wechat ou Alipay. D’ailleurs, les Galeries Lafayette l’ont bien compris

 

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