Des migrants expulsés du centre Castelnuovo di Porto, près de Rome, montrent leur permis de séjour. Crédit : Imago/Christian Minelli
Des migrants expulsés du centre Castelnuovo di Porto, près de Rome, montrent leur permis de séjour. Crédit : Imago/Christian Minelli

Après 10 ans d’existence, le centre pour demandeurs d’asile de Castelnuovo di Porto, au nord de Rome, est en train de fermer ses portes. Les 500 migrants qui y sont logés vont être, pour certains, envoyés dans d‘autres centres plus petits situés sur tout le territoire italien. ONG, élus et habitants de la commune se disent indignés par cette fermeture.

"On leur a donné une dignité, un parcours d’intégration et là on leur demande de partir". Riccardo Travaglini, le maire de Castelnuovo di Porto, une localité de 9 000 habitants au nord de Rome, s’insurge contre la fermeture d’un des plus grands centres d’accueil de migrants d’Italie situé sur sa commune. Le centre, qui accueillait plus de 500 personnes – pour la plupart des demandeurs d’asile - dont 120 femmes et 14 enfants, était ouvert depuis 10 ans.

"On peut changer les politiques de gestion de l’immigration mais on ne peut pas jeter les gens comme ça dans la rue", proteste le maire. "Sur ce territoire, nous avons beaucoup œuvré pour l’accueil et, en quelques heures, il a été décidé de démanteler notre communauté", ajoute l’élu.

"Je vis ici depuis deux ans, je ne sais pas où je vais être envoyé, je suis dans le brouillard"

Annoncée avec un préavis de 48 heures, l’évacuation du centre a commencé mardi 22 janvier avec le départ de 30 migrants en autocar vers des centres d’accueil de Campanie et de Basilicate (régions du sud de l’Italie).

Les migrants ont été transférés en bus dans des centres en Italie. Crédit : Imago/Christian Minelli Elle s’est poursuivie mercredi, quand 75 personnes sont parties vers d’autres régions d’Italie suscitant l’indignation et aussi quelques larmes chez certains employés du centre qui avaient tissé des liens d’amitié avec les migrants. La structure doit être totalement évacuée d’ici la fin du mois.

"Après les avoir accompagnés, parfois pendant des années, dans un parcours d’intégration, il a fallu leur annoncer qu’ils allaient partir, sans même connaître leur destination", a déclaré à l’AFP Rosanna Just, responsable juridique du centre. "Les enfants étaient scolarisés à l’école ou au collège, certains avaient même trouvé un travail et du jour au lendemain on leur enlève tout ça", déplore la jeune femme.

"J’ai trouvé une famille ici, j’ai travaillé avec le curé de la paroisse, je servais la messe, j’allais à l’école, ça va être difficile de reconstruire tout ça ailleurs", a raconté à l’AFP Anthony Ehikwe, un Nigérian de 27 ans. "Je vis ici depuis deux ans, je ne sais pas où je vais être envoyé, je suis dans le brouillard", a précisé le jeune homme qui dit avoir fui son pays en raison de persécutions religieuses dont il était victime.

Parmi les migrants évacués, certains ont préféré ne pas attendre leur transfert et ont quitté le centre à pied dès lundi en direction de la gare romaine de Termini "parce qu’ils ne savaient pas où aller", a expliqué le maire de Castelnuovo di Porto.

Indignation des ONG et des habitants

"Nous sommes indignés par le manque de préparation et le caractère arbitraire d’une décision susceptible d’avoir un impact négatif sur la santé de ces personnes vulnérables", a réagi Médecins sans frontières Italie sur Twitter. "Parmi ces migrants, se trouvent des personnes victimes de torture que nous suivions et qui risquent de voir leur parcours de réhabilitation et d’intégration interrompu", a déclaré Anna Garella, chef de mission MSF en Italie, au site italien Fanpage.

Cette fermeture est la conséquence de la loi Sécurité et immigration, récemment votée en Italie, qui a durci la politique migratoire du pays. Le texte voulu par Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur et chef de file du parti d’extrême-droite la Ligue, réorganise notamment le système d’accueil des demandeurs d’asile en prévoyant la fermeture des grands centres, comme celui de Castelnuovo, dont Matteo Salvini estime qu’ils coûtent cher et ne font qu’accroître la criminalité.

D’autres centres italiens devraient également fermer dans les mois à venir, notamment le plus important d’Italie à Mineo, en Sicile.

La loi Salvini abolit également les permis de séjour humanitaires accordés aux personnes vulnérables, familles ou femmes seules avec enfants, victimes de traumatismes pendant leur périple vers l’Italie. Le texte devrait laisser des milliers de personnes sans papiers et sans droits.

Mardi soir, une marche rassemblant plusieurs dizaines d’habitants de la commune a été organisée à Castelnuovo pour protester contre la fermeture du centre.

Matteo Salvini a lui justifié sa mesure mercredi, rappelant qu’il s’était "engagé à fermer les mégastructures d’accueil où il y a des gaspillages et des crimes". "C’est une intervention de bon sens qui fera économiser aux Italiens six millions d’euros par an sans enlever de droits à personne", a-t-il assuré.

 

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