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Vêtements invendus: le gouvernement veut imposer des amendes aux marques qui les jettent

En France, près de 624.000 tonnes de vêtements, textiles et linges de maison ont été mis sur le marché en 2017 selon ECO TLC. JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP

L'exécutif envisage une sanction de 450 euros par vêtement si aucune solution n'est trouvée par les marques pour écouler leurs invendus, est-il indiqué dans sa feuille de route sur l'économie circulaire. Les acteurs du secteur disposent déjà d'un important arsenal de solutions pour éviter le gaspillage vestimentaire.

Le gaspillage vestimentaire est un fléau planétaire. Invitée de l'émission Capital sur M6 la semaine passée, Brune Poirson a réaffirmé l'ambition du gouvernement dans cette lutte. Le projet de loi sur l'économie circulaire «prévoira une disposition interdisant aux marques l'élimination de leurs invendus», précisait ainsi sur Twitter la secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique. Cette loi devrait être déposée au printemps prochain et votée à la fin de l'année 2019.

«Tout metteur sur le marché d'un produit textile devra trouver une solution pour écouler ses invendus, en rentrant par exemple leurs produits abîmés ou utilisés dans un circuit de recyclage», explique Guillaume Simonin, directeur des affaires économiques de l'Alliance du commerce, fédération regroupant de nombreuses enseignes comme H&M, les Galeries Lafayette ou encore Monoprix. Si les marques ne respectent pas ces conditions, «elles seront sanctionnées d'une amende de 450 euros par produit», précise-t-il après avoir obtenu la version provisoire du texte. Néanmoins, la nouvelle loi ne pourra pas s'appliquer ailleurs que sur le territoire français, et les marques qui écoulent leurs invendus à l'étranger ne devraient pas être tenues pour responsable de leur fin de vie.

En quinze ans la production mondiale de vêtements a doublé. En France, près de 624.000 tonnes de vêtements, textiles et linges de maison ont été mis sur le marché en 2017, selon la société à but non lucratif Eco TLC, qui collecte chaque année ces données auprès des marques. Allant de pair, avec cette augmentation, le gaspillage vestimentaire ne s'est imposé que récemment dans le débat public. On se souvient notamment du scandale déclenché par un documentaire danois de 2017 révélant que l'enseigne H&M brûlait plusieurs tonnes d'invendus chaque année. L'enseigne a eu beau se justifier en expliquant que les vêtements envoyés à l'incinération étaient uniquement ceux qui ne remplissaient pas pleinement les réglementations sanitaires en vigueur, l'image est restée.

La seconde vie de la «fast fashion» en Afrique

Pour écouler les invendus, la stratégie des marques dépend surtout de leur positionnement. Avec une dizaine de collections par an et des nouveaux vêtements en rayons chaque semaine, les marques de «fast fashion» comme Zara ou H&M se retrouvent chaque année avec des volumes conséquents de production à écouler. Dès la fin de la phase de commercialisation, après les soldes et multiples démarques pouvant atteindre 70%, ces enseignes tentent d'écouler leurs invendus dans les «outlets». Ces derniers n'achètent pas les vêtements mais disposent de partenariats avec les marques. Outre les outlets, une petite partie des invendus ou des fins de série est vendue à des soldeurs ou des déstockeurs en Europe, qui achètent à prix cassé. Parmi eux, le déstockeur Stokomani, qui dispose d'une centaine de magasins en France et de partenariats avec Celio, Asics ou encore Undiz.

Mais pour certaines enseignes, la fin de vie commerciale de leurs vêtements se passe de l'autre côté de la Méditerranée. À titre d'exemple, le groupe Inditex, propriétaire des marques Zara, Massimo Dutti ou encore Pull&Bear, revend à perte chaque année, pour deux euros voire un euro pièce, des centaines d'articles à des déstockeurs étrangers. Un reportage de France 2 en juin dernier montrait notamment comment Zara écoule ses invendus à Dakar, au Sénégal. Là-bas les marques ne possèdent pas de boutiques, ce sont des déstockeurs qui créent sur place des stands éphémères pour revendre les articles.

Selon un sondage réalisé par l'Alliance du Commerce auprès d'une quinzaine de marques très présentes dans les centres commerciaux, les invendus ne représenteraient finalement que 1 à 5% du stock mis sur le marché chaque année par les marques. «En réalité, les enseignes de fast fashion, qui commercialisent des volumes de textile conséquents, ont des pratiques plus vertueuses que les autres marques, car elles anticipent des canaux d'écoulement d'invendus», affirme-t-il. Pour lui, les produits qui peuvent se retrouver incinérés représentent entre 0 et 0,5% des volumes de vêtements mis sur le marché, et leur mise à feu est souvent «liée à des problèmes réglementaires concernant la dangerosité du produit». Les contrefaçons sont aussi détruites, mais dans ce cas ce sont les douanes qui sont à la manœuvre.

Une réduction fiscale pour les dons aux associations

Pierre Duponchel, fondateur de l'association Le Relais qui collecte 110.000 tonnes de vêtements d'occasion par an, explique être «sollicité par des marques pour un don. Soit l'enseigne nous autorise à revendre le produit en France ou à le réparer, soit elle nous permet de le revendre mais seulement à l'étranger, comme en Afrique». Mais parfois, les enseignes sollicitent le Relais pour détruire ses invendus afin de les recycler en chiffons, serviettes ou autres textiles, à l'aide d'un effilocheur. Parmi ces destructions, le fondateur du Relais estime la présence de seulement «0,01% de déchet dans le tri».

En France, la moitié des invendus des marques sont donnés aux associations, selon l'Alliance du commerce. Ce faisant, elles bénéficient d'une réduction fiscale à hauteur de 60% du prix de revient de la marchandise qu'elles donnent. Les dons sont néanmoins limités à un plafond de 0,5% du chiffre d'affaires de l'entreprise. Des marques comme Camaieu, Jenniyfer ou encore DIM ont décidé de confier tous leurs invendus à des associations. Ces dernières donnent le plus souvent les vêtements à des réseaux de boutiques solidaires présents sur l'ensemble du territoire, comme par exemple à Nanterre, où l'association «authenti'cité» vend tous ses articles au prix de 3 euros. De fait, ce canal d'écoulement a le mérite de répondre aux préoccupations des Français sur leur pouvoir d'achat.

L'industrie du luxe pointée du doigt

Mais le gaspillage vestimentaire reste surtout le grand tabou de l'industrie du luxe. L'été dernier, Burberry s'était retrouvé sous le feu des critiques pour avoir détruit en 2017 des milliers de vêtements pour une valeur de 28 millions de livres, afin que ses célèbres trenchs ne se retrouvent pas sur les marchés dégriffés, ou pire, dans des circuits de distribution bas de gamme. Le mythe de la rareté véhiculé par les maisons de luxe s'accomode naturellement mal de l'obligation d'écouler les stocks à n'importe quel prix.

Cependant, depuis quelques années des marques comme Zadig&Voltaire, Michael Kors, Dolce&Gabana ou encore Gucci entretiennent des partenariats avec des sites de vente en ligne, comme VentePrivées.com, qui revendent certains de leurs produits à des prix moins élevés qu'en magasin. «Il est certain que ce type de village de marque en ligne est amené à répondre au besoin de ces marques d'écouler leurs produits, car à la fin elles auront forcément des invendus», indique Guillaume Simonin. Et donc une amende potentiellement très élevée.

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34 commentaires
  • ALBATROS92

    le

    Personnellement je réclame une loi pour obliger les politiques à racheter les invendus à prix rée, pour un total fixé en proportion du total de leurs salaires et de leurs avantages!

  • Opium 75

    le

    Oui,pour une fois une mesure de bon sens d'un gouvernement idiot.

  • Paul Meirion

    le

    Quid de la la pollution des eaux par les microplastiques qui se détachent lors des lavages des vêtements ?

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