Laissons nous déplacer par cette drôle de question qui dit l'incongruité de faire des femmes l'étalon, en particulier du politique, et des hommes l'altérité. Notre malaise, empreint de lucidité plus que d'un comique léger, témoigne de la persistance d'une asymétrie analysée par Simone de Beauvoir il y a déjà soixante-dix ans comme l'association des femmes à l'altérité absolue: «la femme se détermine et se différencie par rapport à l'homme et non celui-ci par rapport à elle; elle est l'inessentiel en face de l'essentiel. Il est le Sujet, il est l'Absolu: elle est l'Autre.»
Notre héritage est ainsi celui d'une société française où les hommes sont perçus comme légitimement politique, au double sens de raisonnant et de puissant. Historiquement, leur qualité est d'être reconnus comme représentants légitimes de l'intérêt général, comme ayant la capacité, la liberté de trancher contre les intérêts particuliers. Les femmes, elles, ont été renvoyées à leurs prétendues «qualités» de médiation et de consensus, qualités pour le moins ambivalentes car contradictoires avec l'autorité nécessaire pour être numéro 1.
Père de la Nation, chef du gouvernement, présidents des chambres parlementaires, majoritaire à la tête des exécutifs locaux, les hommes politiques sont encore aux femmes politiques ce que la fraternité est à la sororité, le général au particulier, la norme à l’altérité. La remise en cause de la légitimité d’une démocratie représentative perçue comme représentant les intérêts des plus forts, et non l’intérêt général, est une occasion de penser une démocratie où tou.te.s les citoyen.ne.s seront des semblables politiquement, des égaux sans condition.