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France Bleu Hérault donne la parole aux femmes invisibles, "on ne se regarde plus dans un miroir"

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Elles représentent environ 20% des personnes aidées par les équipes du CHRS Regain, à Montpellier : les femmes SDF qui ont connu la rue, les coups, la drogue, la prison parfois. Les équipes du centre les aident à sortir de la précarité et à se reconstruire.

À Montpellier, le centre d'hébergement Regain accueille notamment des femmes qui ont connu la rue
À Montpellier, le centre d'hébergement Regain accueille notamment des femmes qui ont connu la rue © Radio France - Marie Rouarch

Elles sont souvent peu ou pas visibles. Et pourtant, les femmes sont de plus en plus nombreuses à survivre dans la rue. Dans l'Hérault, ces femmes SDF sont accueillies dans plusieurs structures pour quelques jours ou quelques mois. C'est le cas dans le CHRS - pour centre d'hébergement et de réinsertion sociale - Regain, géré par l'association Adages, à Montpellier.

Là, elles côtoient des hommes SDF, des femmes battues mises à l'abri, des migrant(e)s, d'anciennes prostituées, des enfants aussi. Des publics très divers qui bénéficient de l'accompagnement de travailleurs sociaux et qui partagent un but : la réinsertion sociale, sortir de la précarité et/ou de la violence. À l'image de Louise* : elle vit dans ce centre depuis un peu plus d'un an. Le temps nécessaire pour se soigner le corps et l'esprit et pour préparer l'après, sans pour autant oublier les années de galère.

"J'ai passé six ans dans la rue, peut-être plus, je ne sais plus", hésite-t-elle. On a du mal à l'imaginer lorsqu'on la voit entrer dans la pièce : petit bout de femme dynamique et à l'œil pétillant. Elle paraît peut-être un peu plus âgée que ses 45 ans. Pour Louise, tout est allé très vite, "trop vite" : "après une rupture, une agression, je me suis laissée aller, je me suis mise à boire, je ne payais plus mon loyer, j'ai dégringolé, la dépression a pris le dessus sur moi et je me suis retrouvée dehors".

Les femmes sont des proies dans la rue - Louise, ancienne SDF

Ces femmes qui ont un passé de SDF représentent environ 20% des personnes accueillies au CHRS Regain, à Montpellier. Toutes témoignent de l'insécurité qu'elles ont connu dans la rue, d'autant plus forte pour les femmes. "C'est trop violent. On voit trop de fous", lâche Louise. Caroline*, elle, connaissait la violence avant la rue, sous les coups de son conjoint. Elle poursuit : "on est sans arrêt aux aguets, on n'est jamais tranquille. Il y a toujours un chien qui aboie, on se demande qui c'est. Un homme qui approche, on se demande ce qu'il veut. Alors je me suis équipée : bombe déodorante, couteau, cutter, batte de baseball, tout ce qui me permettait de me défendre. Il faut se débrouiller".

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Pour se protéger, le meilleur moyen, "c'est de marcher seule", ajoute Louise. Elle a opté, à l'époque, pour un squat dans un bâtiment en chantier, à Montpellier. Caroline a récupéré une voiture qui lui a un temps servi de "refuge"

Le corps et l'esprit usés

Ces deux femmes finissent par être orientées vers le CHRS Regain où elles poursuivent leur reconstruction. Le corps de Louise avait dit stop : _"La fatigue... j'ai mis des mois à m'en remettre. Ça use et pas que le moral, ça use le corps et on ne s'en rend pas compte, parce qu'__on ne se regarde plus dans un miroir quand on est dehors._ Même quand on passe devant une vitrine, on n'a pas envie de se regarder"

À Regain, Louise et Caroline reprennent peu à peu une vie "normale". "C'est un cinq étoiles ici, lance Caroline dans un sourire, avec des WC, un lavabo, un robinet". "J'ai retrouvé un rythme, explique Louise, des heures pour manger, pour dormir. Avant je me levais avec le jour et j'attendais pour aller déjeuner ou me laver. Maintenant je me lève à 7 heures parce que j'ai envie de faire des choses, parce qu'il faut que ça bouge. Je m'interdis de m'ennuyer ici".

L'objectif des deux femmes : quitter le centre, vivre dans leur propre appartement, retrouver du travail. Cet objectif, Louise le touche du doigt, elle attend qu'on lui attribue un logement social. "Ça va être superbe, se réjouit-elle, je vais reprendre un travail à mi-temps, je vais pouvoir recevoir mes enfants, mon petit-fils". Elle est un peu inquiète quand même mais "j'ai la force", martèle-t-elle. 

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Derrière moi la misère, on n'en parle plus, maintenant c'est le bonheur ! - Louise

Des femmes comme Louise et Caroline, il y en a des dizaines dans l'Hérault. Elles sont bien plus nombreuses à être des personnes "sans chez soi". C'est l'expression utilisée par Claire Pollart, la directrice du CHRS Regain. Elles sont près de 500 dans notre département selon la préfecture. 500 femmes sans domicile fixe hébergées dans des structures d'accueil. Celles qui n'ont pas connu la rue ont, par exemple, été mises à l'abri dès qu'elles ont quitté leur domicile pour fuir les coups, dès qu'elles ont échappé à leur proxénète ou à leur arrivée en France après avoir fui leur pays d'origine.

Ce chiffre des femmes "sans chez elles" est en augmentation, constate Claire Pollart, les femmes qui représentent aujourd'hui la moitié des personnes accueillies au centre Regain : "c'est statistiquement prouvé, on accueille davantage de femmes ces dernières années. Elles se retrouvent davantage à la rue sans doute parce que la précarité est plus forte". Fait aggravant : la Région manque de places d'hébergement, il y a un "vrai décalage entre l'offre et la demande", regrette Claire Pollart.

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* Les prénoms ont été modifiés

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