Après seize ans d’incertitudes et de rebondissements, le sort des 42 000 tonnes de déchets ultimes, enfouis à 500 mètres sous terre dans une ancienne mine alsacienne, a été tranché. Le gouvernement a choisi de les laisser là où ils sont, contre l’avis d’un rapport parlementaire. Élus locaux et associations environnementales montent au créneau en raison du risque de contamination qui pèse sur la plus grande nappe phréatique d’Europe.

Déstocker ou confiner ? Tel était le dilemme auquel était confronté l’État depuis maintenant seize ans avec le dossier "Stocamine". Finalement, les 42 000 tonnes de déchets hautement toxiques, dits "ultimes", resteront là où ils sont : à 500 mètres sous terre dans une ancienne mine de potasse de la commune alsacienne de Wittelsheim (Haut-Rhin), sous la plus grande nappe phréatique d’Europe.
"Compte tenu des enjeux, de la balance des risques et du surcoût lié au déstockage, la solution la plus adaptée demeure la poursuite du chantier de confinement des déchets restants, sans déstockage supplémentaire", indique le document officiel. "La poursuite du déstockage présenterait (…) des risques qui apparaissent plus graves que la poursuite du confinement déjà prévu, sans être assurée d’être menée à bien", ajoute la préfecture du Haut-Rhin dans un communiqué.
Une insulte aux Alsaciens
Ouvert en 1999 et censé devenir le premier site de stockage de déchets ultimes en France, Stocamine n’a fonctionné que pendant près de quatre ans et a été stoppé après un incendie dans l’une des galeries, en 2002. Depuis, ces déchets industriels contenant de l’arsenic, du mercure ou encore de l’amiante, attendaient qu’on statue sur leur sort. En mars 2017, un arrêté préfectoral a autorisé leur confinement définitif pour une durée illimitée, avant un revirement de situation un an plus tard. Une étude de faisabilité pour un déstockage intégral des déchets est alors commandée et une mission parlementaire lancée.
Celle-ci a rendu ses conclusions en septembre dernier. Les élus sont formels, il faut s’orienter vers un déstockage total. "Les déchets doivent être extraits si cela est techniquement possible, afin de ne pas faire peser un risque grave sur l’environnement, mais également sur la population (…), sous réserve qu’un site de stockage présentant de meilleures conditions puisse accueillir ces déchets". Mais le gouvernement en a décidé autrement.
L’un des coauteurs du rapport, Bruno Fuchs, député (apparenté Modem) du Haut-Rhin, condamne "sans réserve" une décision prise "sans concertation préalable", allant "à l’encontre de l’esprit du Grand Débat national". "C’est une grave erreur et une insulte aux Alsaciens et aux générations futures". "Je désapprouve vivement cette décision brutale", a renchéri l’autre rédacteur du rapport, Raphaël Schellenberger, député Les Républicains du Haut-Rhin. De son côté, EELV-Alsace estime que l’État a pris la "pire des décisions".
Des risques limités sur la nappe phréatique
En 2014, une première extraction des déchets contenant du mercure a été réalisée. Au total, 2 270 tonnes de colis ont été extraits et acheminés en Allemagne où ils ont été enterrés dans une autre mine de sel. Un travail qui a duré quatre ans. "C’est à ce moment-là qu’on s’est rendu compte que les parois de la mine avaient commencé à se refermer bien plus vite que prévu. On était censés extraire 72 colis par jour, mais on était plutôt à une douzaine. On a eu trois ruptures d’appareil respiratoire en raison de chutes de parement. On va au carton si on s’oriente vers un déstockage complet", témoignait Alain Rollet, liquidateur de Stocamine, interrogé par Novethic en avril dernier.
Outre les conditions de travail, ce spécialiste des mines évoquait également des risques liés au transport de ces colis. "Là-dessous, j’ai 6 000 tonnes de trioxyde d’arsenic – l’équivalent de la mort-aux-rats. Si un camion se renverse et que cette substance se déverse sur la chaussée ou dans une rivière, nous risquons de tuer beaucoup de personnes."
Le BRGM, qui a rendu son étude de faisabilité en décembre, estime quant à lui le déstockage des déchets (hors bloc incendié) comme "encore techniquement possible". Mais il évalue aussi que les risques sur la nappe phréatique, en cas de défaillance du confinement, sont "limités" et n’apparaîtraient que dans "600 ans à 1 000 ans". Pour se laisser une porte de sortie, le gouvernement a reporté le rebouchage des puits "afin de permettre une surveillance in situ du confinement".
Concepcion Alvarez, @conce1

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