Essonne : insulté et menacé de mort sur Facebook, l’élu départemental contre-attaque

Victime de menaces de mort et d’insultes antisémites sur les réseaux sociaux, Damien Allouch, conseiller départemental PS de l’Essonne, a déposé plainte. Il incite toutes les victimes à le faire.

 Damien Allouch conseiller départemental PS, a été touché par des insultes et des menaces sur Facebook. Il réfléchit afin de lancer des actions pour permettre aux victimes de se libérer et d’aller davantage déposer plainte.
Damien Allouch conseiller départemental PS, a été touché par des insultes et des menaces sur Facebook. Il réfléchit afin de lancer des actions pour permettre aux victimes de se libérer et d’aller davantage déposer plainte. DR

    «Il y a un chiffre noir en matière de délinquance sur le net. » Caroline Nisand, la procureure de la république d'Evry reconnaît que le nombre de plaintes n'est pas en rapport avec l'importance du nombre d'insultes, menaces ou faits de harcèlement constatés sur les réseaux sociaux. «Internet a libéré la parole, pour le meilleur comme pour le pire, » soupire-t-elle.

    Ce lundi, Damien Allouch, conseiller départemental (PS) de l'Essonne, et élu de Boussy-Saint-Antoine, a déposé plainte pour menaces et insultes à caractère antisémite. Sur sa page Facebook qui est publique, l'élu avait posté un message samedi à l'issu de ses voeux à la population. Stupeur : dans les commentaires, un homme lui a répondu, entre autre : «Je vais tuer cet Israélien de merde... »

    « Il ne faut pas que ces faits restent impunis »

    Après avoir effectué une capture d'écran Damien Allouch a déposé plainte au commissariat de Brunoy lundi, puis tout effacé des réseaux sociaux. Ce mercredi, l'homme suspecté d'être à l'origine de ces propos, ainsi que de six autres messages du même type à l'encontre de l'élu, a été interpellé, puis hospitalisé d'office. «Il présente des troubles importants », indique une source proche du dossier.

    «Je ne cherche surtout pas à être dans la victimisation, indique d'emblée Damien Allouch. Mais je veux inciter toutes les personnes touchées par des insultes ou des menaces sur Internet à aller déposer plainte. Même si ce n'est pas facile, qu'on est obligé de prévenir sa famille ou ses proches qui peuvent du coup s'inquiéter, c'est important. Il ne faut pas que ces faits restent impunis. Que ce soit pour des propos homophobes, racistes, islamophobes, sexistes ou grossophobes, les auteurs doivent être punis. » Lui, a toujours prêté attention à ne pas publier de messages clivants. «Car sur les réseaux sociaux la haine est démultipliée », reprend-il.

    Une nouvelle forme d'agression en forte progression

    Cela s'explique selon Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale, spécialisé dans le cyber-harcèlement, par l'instantanéité d'Internet : en gros, les gens ne prennent pas la peine de se calmer après avoir lu quelque chose qui les aurait énervé. «Et c'est bien plus facile que de poster et timbrer une lettre anonyme comme c'était le cas voici une quinzaine d'années, détaille l'auteur de Psychologie du bien et du mal. Et puis comme on n'est pas en face de la victime, ou caché derrière un pseudonyme, cela donne la sensation à l'auteur que ça atténue les risques en cas de malveillance : cela a été montré par des tests d'anonymisation en laboratoire. Mais déjà même en voiture, les gens sont moins agressifs dans une décapotable qu'avec le toit fermé. Par ailleurs, dans les cas de harcèlement, certains ne mesurent pas du tout l'impact de leurs propos comme ils n'ont pas le retour vocal ou visuel de la personne raillée. Mais c'est une nouvelle forme d'agression en forte progression. »

    « Me servir de cette expérience pour être utile à d'autres victimes »

    Dans les établissements scolaires déjà, de nombreux ateliers de prévention du cyber-harcèlement sont réalisés dès la primaire, en partenariat avec les forces de l'ordre. La gendarmerie a créé une brigade de prévention de la délinquance juvénile. Leur action dans les écoles a déjà touché 25 000 personnes. Du CE2 jusqu'au lycée. Du côté de la police, les commissariats ont mis en place un référent pour la sécurité dans les écoles.

    Et pour mener à bien toutes les enquêtes concernant les menaces ou les insultes discriminatoires, la plateforme Pharos créée en 2009 par le ministère de l'Intérieur se charge de traquer les personnes physiques cachées derrière des pseudonymes sur la Toile. «Dès que les faits sont caractérisés, les poursuites pénales sont engagées, affirme la procureure d'Evry. Car nous savons que ces propos causent un préjudice très important pour les victimes. »

    En effet, ces attaques verbales ne sont pas moins difficiles à vivre pour les victimes. «C'est peut être moins traumatisant que d'avoir vécu ces mots en direct, mais c'est plus pernicieux, car ça reste, c'est écrit, et de nombreuses personnes peuvent le voir, sans que l'on sache qui, commente Damien Allouch. Je commence à réfléchir pour mettre en place une action, je ne sais pas sous quelle forme, ni quand, mais je veux me servir de cette expérience pour être utile à d'autres victimes. »

    CE QUE DIT LA LOI

    Afin de préserver la liberté d'expression, les injures et diffamations sur internet sont soumises au même régime que le droit entourant la presse et des médias. Malgré tout, pour favoriser la répression de cette nouvelle délinquance, des modifications ont été apportées en 2017 et 2018.

    Le délai de prescription, au delà duquel une victime ne peut plus déposer plainte a été allongé. En cas d'insultes discriminatoires (homophobes, racistes, sexistes...), une personne peut être poursuivie jusqu'à 1 an après les faits commis et non plus seulement 3 mois, comme c'est toujours le cas pour les injures ou diffamations. En cas de menaces de mort, la prescription est portée à 3 ans.

    Dans les cas de harcèlement, un «raid numérique » d'un groupe avec un seul message posté, par plusieurs personnes est désormais considéré comme répréhensible. Il ne faut plus uniquement une répétition de l'humiliation de la part d'une seule et même personne.

    La peine encourue pour une insulte publique à caractère discriminatoire envers un particulier peut monter jusqu'à 1 an de prison et 45 000 € d'amende. En cas d'insulte simple, on peut écoper de 12 000 € d'amende. Les menaces de mort sont punies de 6 mois de prison et 7 500 € d'amende, mais si elles s'accompagnent de la circonstance aggravante de propos discriminatoires, l'auteur peut être condamné à 6 ans et 45 000 € d'amende.

    Il convient de préciser que la victime doit apporter la preuve que ces propos ont été tenus dans un « espace » public, une page donc ouverte à tous, et non pas une messagerie privée ou un groupe fermé. Et fournir une capture d'écran a minima comme preuve. Ne pas effacer l'attaque, permet aux enquêteurs de remonter plus facilement à la source si le pseudonyme masque l'identité de l'auteur.

    Dans le cadre du harcèlement sur Internet, la loi s'est durcie là aussi. Pour un cyber-harcèlement moral, une personne peut écoper de 2 ans de prison et 30 000€ d'amende. Et dans le cadre du harcèlement sexuel sur la Toile, un auteur risque jusqu'à 3 ans et 45 000 €.