À Strasbourg au Moyen-Âge, une étrange épidémie de danse

"Il faudrait se souvenir de ces événements pendant mille ans", lit-on dans les archives strabourgeoises de l'année 1518. - Benoit Finck / Point du Jour
"Il faudrait se souvenir de ces événements pendant mille ans", lit-on dans les archives strabourgeoises de l'année 1518. - Benoit Finck / Point du Jour
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"Il faudrait se souvenir de ces événements pendant mille ans", lit-on dans les archives strabourgeoises de l'année 1518. - Benoit Finck / Point du Jour
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Un documentaire à voir en replay sur France 3 Grand Est se penche sur un phénomène mystérieux. Un jour, en juillet 1518, une femme s'est mise à danser dans la rue de Strasbourg. Puis des centaines de personnes se sont mises à faire comme elle...

Cette histoire se passe à Strasbourg en juillet 1518. Un jour, en pleine rue, sans aucune raison et sans musique, une femme s’est mise à danser. Elle a dansé pendant six jours, sans pouvoir s’arrêter. Plus surprenant encore, son mal était contagieux : des gens, en la voyant, se sont mis à danser aussi. Des dizaines, des centaines de personnes furent atteintes de cette étrange maladie. Ils ont gesticulé pendant des heures, des jours et des nuits. Une épidémie de danse !

Un documentaire nous plonge dans cette histoire captivante, avec ce qu’il faut de rigueur scientifique et de poésie. Le film s’appelle « les danseurs fous » : il a été diffusé sur France 3 Grand Est lundi, il est désormais disponible en replay partout en France. 

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Deux mois d'épidémie contagieuse

Le romancier Jean Teulé avait aussi consacré un livre à cette épidémie ("entrez dans la danse"). Est-on sûr que cette histoire est vraie ? Elle est très documentée, en tout cas ! De nombreuses archives la racontent, avec précision. On a même retrouvé les billets rédigés par le conseil municipal de Strasbourg pour interdire la danse dans l’espace public : il fallait réagir pour ne pas que la ville toute entière sombre dans la folie, cela mettait en péril les affaires ! Car Strasbourg, au 16ème siècle, est une ville riche, une ville marchande. L’épidémie s’est terminée au bout de deux mois, après un pèlerinage collectif et forcé vers une chapelle de Saint Guy, dans une grotte. Oui, Saint Guy comme la danse de Saint Guy !

Benoit Finck, l’auteur de ce documentaire montre comment ce phénomène a été analysé de façon très différente au cours des siècles. Le tout premier à enquêter sur cette épidémie de danse fut Paracelse, un célèbre médecin du 16ème siècle. On a parlé d’intoxication alimentaire. D’hystérie collective. Puis la psychologie sociale s'y est intéressée : une discipline qui décortique le comportement des foules (et qui explique pourquoi parfois, les gens font n'importe quoi quand ils sont en groupe). 

Résistance à l'oppression

Le documentaire nous conduit ensuite vers des chercheurs d’aujourd’hui. Un infectiologue, spécialiste des épidémies. Une chercheuse en neurosciences. Toujours avec ces questions : ces danseurs étaient-ils fous ? Et comment expliquer cette contagion ? Je ne vais rien spoiler en vous disant que l’épidémie garde une épaisse couche de mystère, même avec les réponses de tous ces spécialistes, mais la piste la plus intéressante se trouve du côté de la désobéissance. Peut-être est-ce parce que la danse a été interdite, cet été-là à Strasbourg, que tout le monde a eu envie de danser. C’est l’expression collective d’une résistance à l’oppression. Voilà qui parle à chacun de nous et dépasse largement le contexte médiéval ! 

D’ailleurs une chercheuse américaine qu’on voit dans ce film, plongée dans un livre de Paracelse, est aussi danseuse. Et ce qu’elle a lu sur les symptômes de cette épidémie - des mouvements irrépressibles, un lâcher prise total, une joie intense – elle aimerait le vivre en dansant. Cesser de réfléchir et se laisser habiter par la joie. Décidément, cette épidémie de danse traverse le temps pour venir nous délivrer un message... 

« Les danseurs fous » (52 minutes) :  documentaire de Benoit Finck, à voir en replay sur France 3 Grand Est.

A voir : une exposition, à Strasbourg, sur cette étrange épidémie médiévale, jusqu'au 24 février 2019

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