Sécurité routière : marche arrière sur les 80km/h

Le Premier ministre lance, ce lundi, le débat sur la très controversée limitation de vitesse. Des aménagements route par route sont envisagés. Au grand dam des associations de victimes.

 Les conseils départementaux pourraient décider tronçon par tronçon s’ils veulent rester aux 80 km/h ou repasser aux 90 km/h.
Les conseils départementaux pourraient décider tronçon par tronçon s’ils veulent rester aux 80 km/h ou repasser aux 90 km/h. LP/Thibault Chaffotte

    Les 80 km/h ne vont pas sortir indemnes du rouleau compresseur du Grand débat. Appliquée depuis le 1er juillet sur les routes secondaires et vivement critiqués, tant par les élus locaux que par les Gilets jaunes, cette limitation de vitesse généralisée sur les routes secondaires est aujourd'hui en mauvaise voie.

    A la faveur de la publication des chiffres 2018 de la sécurité routière et d'un déplacement à Coubert (Seine-et-Marne) dans un centre qui soigne des polytraumatisés, le Premier ministre va ouvrir la porte à des aménagements.

    Dès le 15 janvier, Emmanuel Macron semblait l'envisager. « Est-ce qu'il faut tout arrêter? Franchement, non… Est-ce qu'on peut faire quelque chose qui soit mieux accepté et plus intelligent? Sans doute, oui », glissait-il au cours d'un débat à Grand-Bourtheroulde (Eure).

    « On a conservé les vieux panneaux »

    « Je n'y suis pour rien dans cette affaire. C'est le Premier ministre, et c'était une connerie. D'ailleurs, cette mesure n'était pas dans mon programme », s'est même justifié le président jeudi au cours d'une rencontre en tête à tête avec Laurent Wauquiez, le patron des Républicains.

    Mais dimanche, depuis l'Egypte où il effectuait une visite officielle, le chef de l'Etat a adouci le propos : « C'est un engagement courageux, tous les experts montrent que c'est utile ».

    A Matignon, on essaie désormais de relativiser cette marche arrière. « Edouard Philippe n'a jamais fait de la sécurité routière l'alpha et l'omega de sa politique, explique-t-on dans l'entourage du Premier ministre. On va profiter des résultats qui sont bons pour l ancer le débat avec les présidents des départements, avec une évaluation route par route. »

    Selon nos informations, on pourrait donc permettre aux départements d'avoir plus de marche de manœuvre sur les vitesses maximales autorisées. Les opposants aux 80km/h proposent depuis des mois de décider tronçon par tronçon s'ils veulent y rester ou repasser aux 90 km/h. Un élu local malicieux précise : « Ça ne sera pas compliqué, on a conservé les vieux panneaux, il suffira de les replanter ».

    Ce lundi, la sécurité routière devrait pourtant livrer des résultats positifs. Sur toutes les routes confondues. Entre novembre 2017 et novembre 2018, il y a déjà eu 245 morts de moins. Mais, efficace ou pas, il semble que ce ne soit plus vraiment la question.

    « Ce serait la fin de la mesure »

    La mesure n'en finit pas d'être impopulaire. Selon un sondage réalisé par Opinion Way pour LCI, 78 % des sondés se disent favorables à la suppression de cette limitation. Elle a été l'origine de la vague de dégradation sans précédent contre les radars, près de 60 % des flasheurs ont été vandalisés.

    Beaucoup d'analystes estiment que cette mesure a aussi été un des détonateurs de la colère des Gilets jaunes. Si le gouvernement rend la main aux départements pour fixer les vitesses maximales autorisées, il leur fait un cadeau empoisonné : les élus locaux seront aussi comptables de chaque grand blessé, de chaque mort sur des tronçons repassés à 90 km/h.

    En prévision, la présidente de la ligue de lutte contre la violence routière, Chantal Perrichon, ne décolère pas. « Si chaque département fait sa tambouille ce n'est pas un aménagement, mais la fin de la mesure. En santé publique, ce serait impensable de laisser chaque élu décider de s'il faut ou non vacciner les enfants, ou s'il faut ou non interdire les produits chimiques dangereux ». Elle feint de s'étonner : « Les Gilets jaunes réclament aussi bien la fin de l'ISF ! Je ne comprendrais pas que Macron choisisse de céder sur la vie plutôt que sur le pognon. »