Les artistes femmes dans le cirque doivent apprendre à jongler

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Les artistes femmes dans le cirque doivent apprendre à jongler
Les artistes femmes dans le cirque doivent apprendre à jongler © AFP/Archives

Temps de lecture : 3 min

"Continuer le cirque quand on est mère demande une volonté de fer", raconte Raquel Rache de Andrade, ancienne acrobate. Si leur rôle a évolué dans le cirque contemporain, les femmes doivent encore franchir moult obstacles dans un milieu largement dirigé par les hommes.

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"Entre la direction de la compagnie, l'école, l'entraînement, il faut être sacrément organisée et ne pas laisser le tsunami arriver", témoigne la co-directrice de la Biennale internationale des arts du cirque qui se déroule actuellement à Marseille.

Mère de deux enfants, la quinquagénaire qui pouvait monter jusqu'à 20 mètres de haut pour effectuer saltos et autres figures impressionnantes, explique avoir effectué ses numéros jusqu'à sept mois de grossesse et repris l'entraînement un mois après l'accouchement avec 20 kilos de plus, très "vite perdus".

"Le plus dur ce n'est pas le physique, on a l'habitude de souffrir", explique l'artiste circassienne qui a dû raccourcir ses tournées pour l'adapter aux vacances scolaires, prendre des avions pour voir ses enfants gardés par la famille entre deux spectacles.

"J'ai mis des années avant de décider d'avoir des enfants. J'ai eu très peur avec ce métier, pas dans la modification du corps mais dans le temps qu'on peut leur consacrer", partage la Finlandaise Kati Pikkarainen, qui effectue un numéro de main à main avec son mari avec qui elle dirige la compagnie Aïtal.

Le couple confie ses deux enfants de 2 et 4 ans à une nounou qui les suit en tournée dans une caravane: "Je n'ai jamais pensé arrêter mon métier, j'aurais préféré m'arrêter plus longtemps pour m'organiser, mais ce n'était pas possible car on avait des dates à remplir", explique Kati qui chaque soir contorsionne son corps comme une poupée de chiffon.

Sexisme

La reprise peut s'avérer dangereuse, témoigne Yaëlle Antoine, qui, après une grossesse compliquée, a été victime d'une éviscération à la reprise de l'entraînement. "Par défaut", la fildefériste s'est consacrée à la mise en scène après son accident et milite aujourd'hui avec le collectif "Les Tenaces" contre le sexisme dans le cirque, où les femmes occupent trop peu de postes à la direction.

"Seulement 8 % des compagnies, selon le collectif, sont dirigés uniquement par des femmes", déplore Yaëlle qui relève aussi le manque de professeurs femmes dans les écoles de cirque.

"On encourage les femmes à être gracieuses, jolies, fines, à ressembler à l'idéal du prof de cirque homme alors que les garçons sont poussés vers des numéros spectaculaires avec des prouesses physiques", déplore la quadragénaire qui est également devenue enseignante au Centre des arts du cirque de Toulouse, "pour changer les choses".

"Comme je refusais les avances de l'homme qui tenait ma longe, du coup il me laissait chuter lors des entraînements, alors que la confiance est primordiale dans ma discipline. Dans la suite de ma carrière, je me suis mise dans des situations où je subissais", analyse-t-elle.

La funambule Tatiana Mosio-Bongonga trouvait "insupportable" d'entendre, pendant ses années d'études dans le vénérable Centre national des arts du cirque, que ses formes généreuses "n'étaient pas adaptées à sa discipline". Elle juge aujourd'hui "primordial" pour les femmes de transmettre leurs expériences, afin qu'elles ne s'imposent pas elles-mêmes des limites.

"Il y a un point de vue purement masculin qu'il est urgent de changer !", affirme Sophie Deschamps, présidente de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), lors d'une table ronde consacrée à la place des femmes dans le cirque, chiffres de l'Observatoire de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la culture et la communication à l'appui.

Pendant la saison 2017-2018, sur les 171 spectacles programmés par les 12 pôles nationaux des arts du cirque, seulement 34 % avaient été mis en scène par des femmes et 22 % écrits par elles. 44 % ont eu un poste de traductrice ou de chorégraphe, "postes les moins bien payés", relève Sophie Deschamps.

"Etre une femme ne doit pas être une punition", tient à souligner la représentante de la SACD à l'intention de la jeune génération.

28/01/2019 12:32:26 -          Marseille (AFP) -          © 2019 AFP