Partager
Politique

La dérive financière du RN sous Marine Le Pen

INTERVIEW - Un ancien du FN dénonce la gestion du parti par la cheffe de l’extrême droite. En sept ans, la dette a explosé de +785% pour atteindre 24 millions d’euros, alors que la subvention publique grimpait dans le même temps de 1,8 à 5 millions d’euros par an.

1 réaction
LE PEN DE NOUVEAU SUR LE SENTIER DE LA GUERRE ANTI-UE

Marine Le Pen

Gonzalo Fuentes

Conseiller régional dans les Hauts-de-France, André Murawski a claqué la porte du Rassemblement national en septembre dernier. Cet intendant dans un collège déplore la dégradation des comptes du parti qui a conduit à "une spirale folle de l’endettement". "Si Marine Le Pen n’est même pas capable de gérer un parti, on la voit mal s’occuper du budget de la France", assène-t-il.  

Challenges - Vous avez ausculté l’évolution des comptes du Front national, devenu Rassemblement national, depuis que Marine Le Pen en a pris les rênes, quelle conclusion en tirez-vous ?

André Murawski - Il existe une véritable dérive de la gestion financière du FN depuis que Marine Le Pen en est la présidente. Depuis 2012, le parti est en effet en déficit permanent alors même que ses recettes ont sensiblement augmenté. En six ans, les recettes ont progressé de 26% et, si l’on retire des rentrées financières exceptionnelles de 2011, la hausse atteint même 136% ! Les financements publics payés par les contribuables sont par exemple passés de 1,8 million d’euros en 2011 à 5 millions d’euros en 2017. Les dons ont grimpé de 262.600 euros en 2011 à 960.000 euros en 2017 (+265%) et les contributions des élus de 577.760 euros en 2011 à un million en 2017.

Avec de telles augmentations de recettes, comment le parti de Marine Le Pen peut-il être en déficit permanent depuis six ans ?

Tout simplement parce que les dépenses ont progressé encore plus vite et de manière continue. Entre 2011 et 2017, leur montant a explosé de 284%, passant de 5,9 millions à près de 23 millions d’euros ! Marine Le Pen a laissé filer les dépenses sans mesure. Exemple : la masse salariale du FN représentait la moitié de la subvention publique annuelle en 2011 et en pèse plus de 90% aujourd’hui, alors même que cette subvention a été multipliée par 2,7… D’après mes calculs, les cinquante salariés du parti bénéficiaient en 2017 d’un salaire moyen de 7.693 euros par mois, charges sociales comprises, soit environ 3.900 euros net [Une moyenne qui inclut les membres du staff de la campagne présidentielle de Marine Le Pen salariés par le parti en 2017. La masse salariale des seuls permanents du RN représentait 2,3 millions d'euros en 2017 (charges comprises), ndlr]. La ligne budgétaire incluant les déplacements, voyages et frais de bouche a, elle, bondi de 230 % en six ans, de 2,2 millions d’euros à 7,3 millions d’euros.

Dès lors, le parti a été contraint d’emprunter…

Avec des dépenses qui progressent plus vite que les recettes, le Front national, devenu Rassemblement national, a en effet été obligé d’emprunter tous azimuts. En 2017, la dette du parti a ainsi atteint la somme record de 24 millions d’euros, soit le double de la dette de 2016. Outre le fameux emprunt de 9,4 millions à une banque tchéco-russe, le Rassemblement national avait emprunté un million d’euros auprès de Cotelec, le micro-parti de Jean-Marie Le Pen, et pas moins de 12,6 millions d’euros auprès de particuliers, dont 7,7 millions auprès d’une seule personne. En comparaison, les prêts de particuliers représentaient à peine 1,8 million d’euros en 2016.

Le Rassemblement national ne risque-t-il pas la banqueroute ?

Le parti est pris dans une spirale folle de l’endettement. En sept ans, sa dette a explosé de + 785% ! Au vu des comptes du parti, je ne vois pas comment le prêt russe de 9,4 millions d’euros pourrait être remboursé dans sa totalité en septembre 2019 sans remettre en cause gravement le fonctionnement du parti. Le Rassemblement national paraît en situation de grande difficulté financière et la fermeture de ses comptes bancaires par la Société générale il y a un an semble presque logique. Quand on pense que Marine Le Pen promettait durant la campagne présidentielle de "remettre de l’ordre dans les finances publiques", cela prête à sourire. Si elle n’est même pas capable de gérer les comptes d’un parti, on la voit mal s’occuper du budget de la France.

DROIT DE REPONSE 

A la suite de cette interview, nous avons reçu de Marine Le Pen le droit de réponse suivant, que nous publions dans son intégralité.

"Mis en cause le 28 janvier 2019 dans un article du site internet (voir ci dessus) le RASSEMBLEMENT NATIONAL désire rectifier un certain nombre d’affirmations. 

Vous publiez le 28 janvier 2019 un article intitulé « la dérive financière du RN sous Marine Le Pen ». Cet article reproduit les propos de Monsieur Murawski, ancien conseiller régional qui a quitté le RN. Les affirmations de Monsieur Murawski sont des contrevérités et le RASSEMBLEMENT NATIONAL entend rétablir la vérité par le présent droit de réponse. En chapeau de cette interview, vous mentionnez le montant de la dette du FN en 2017 puisque votre article se fonde sur les comptes de 2017, derniers comptes publiés à ce jour. Aujourd’hui, en janvier 2019, le montant de cette dette a considérablement baissé. Puis, votre interviewé prétend que la masse salariale du FN représente en 2017, 90 % de la subvention publique annuelle. D’abord, c’est inexact. Ensuite, n’est pas pris en compte le fait que les dépenses salariales relatives à la campagne de l’élection présidentielle sont incluses dans le chiffre figurant dans le compte de résultat 2017 du RN (cela avait d’ailleurs été indiqué au téléphone par le trésorier du RN à votre journaliste). Et, ces dépenses salariales de la présidentielle ont été remboursées dans le cadre du compte de campagne de cette élection. En conséquence, le calcul de l’interviewé que vous reproduisez selon lequel le salaire moyen de 2017 des salariés du RN est de 7693 € par mois, est évidemment totalement erroné.

En ce qui concerne la ligne budgétaire incluant les déplacements, voyages et frais de bouche qui serait de 7,3 millions d’euros en 2017, je ne vois pas où votre interviewé a pu trouver ce chiffre, il est, en réalité, très inférieur.

Votre interviewé constate les déficits annuels du Front National devenu Rassemblement national. Il me suffira d’indiquer que ces déficits représentent ce que le mouvement a dû chaque année prendre en charge au titre des dépenses électorales et cela pour l’unique raison que notre parti politique ne peut jamais avoir recours à quel qu’emprunt que ce soit auprès d’une banque française ou européenne. En ce qui concerne l’endettement, j’ai indiqué qu’en janvier 2019, il était de beaucoup inférieur à celui de 2017, nous avons pu en rembourser une grande partie.

Il n’existe donc aucune « dérive financière ». Le Rassemblement national a toutefois dû toujours faire face à des dépenses importantes, ce sont ces dépenses électorales qu’il a été contraint de prendre en charge à cause du boycott général du secteur bancaire."

 

 

1 réaction 1 réaction

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications