L'essayiste Laurent Alexandre, chirurgien urologue, énarque et entrepreneur.

Chirurgien, énarque, entrepreneur, Laurent Alexandre est aujourd'hui business angel.

B. LEVY

L'Univers a une durée de vie résiduelle assez longue. S'il est nécessaire de déménager du système solaire dans 4 milliards d'années en raison de la transformation du Soleil en géant rouge, il reste environ gogol années (10 puissance 100, c'est-à-dire 1 suivi de 100 zéros) avant la mort de notre Univers. Qu'allons-nous faire de tout ce temps ? Sans doute réaliser tout ce qui semblait impossible à nos ancêtres !

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A toutes les époques, les utopies ont été moquées. En 1956, le très respecté Lee De Forest expliquait : "Envoyer un homme dans l'espace dans une fusée, je puis vous dire qu'un tel exploit ne se réalisera jamais !" En 1970, Jacques Monod, Prix Nobel de médecine, écrivait : "L'échelle microscopique du génome interdit sans doute à tout jamais de le manipuler." Cinq ans plus tard débutaient les premières manipulations génétiques... Il y a vingt-cinq ans, les biologistes affirmaient que l'on ne saurait jamais séquencer la totalité de nos chromosomes. Ce fut terminé en 2003.

Cette sous-estimation du progrès technologique avait conduit Wernher von Braun à déclarer : "J'ai appris à n'utiliser le mot 'impossible' qu'avec beaucoup de précautions." Au XIXe siècle, la plupart des gens pensaient qu'il était impossible pour l'humanité de connaître le passé, que l'on imaginait fort court, comme l'enseignait l'Ancien Testament. En réalité, il est désormais possible de séquencer les chromosomes d'espèces disparues depuis près d'un million d'années. Et en séquençant les virus géants, les scientifiques ont découvert des milliers de gènes inconnus, ce qui ouvre une fenêtre sur l'apparition de la vie sur Terre avant même le Last Universal Common Ancestor (Luca, l'ancêtre commun à tous les êtres vivants).

Ces frontières qu'on ne repoussera pas

En 2012, la production de bosons de Higgs au Cern a éclairé les événements astrophysiques survenus un dix milliardième de seconde après le big bang. De nouveaux accélérateurs à partir de 2040 pourraient nous permettre de mieux comprendre le début de notre Univers, puisque nous ne savons pas encore ce qu'il s'est passé pendant 0,0000000000000000000000000000000000000000001 seconde au tout début du big bang.

Désormais, les transhumanistes ne veulent pas seulement comprendre le passé, ils veulent manipuler notre futur et casser de nouveaux impossibles : nous rendre immortels, augmenter les capacités humaines et façonner des bébés à la carte, coloniser le cosmos, développer l'intelligence artificielle et la fusionner avec nos neurones pour créer la vie artificielle. L'immortalité humaine, par exemple, pourrait prendre quelques siècles, mais elle semble accessible et la manipulation du vivant avance rapidement, puisque les trois premiers bébés OGM ont été fabriqués en Chine.

A long terme, restera-t-il des exploits inaccessibles ? Certaines barrières semblent difficiles à abattre. Changer les lois de la physique, aller dans le passé ou bien encore sortir de notre Univers pour voyager dans le "multivers", dans l'hypothèse où il existe plusieurs univers : les théoriciens estiment qu'il pourrait y avoir 10 puissance 1 000 univers (1 suivi de 1 000 zéros).

Il demeure une tâche qui semble définitivement impossible : empêcher la mort de l'Univers. Mais certains transhumanistes, comme le philosophe Clément Vidal, pensent que le but de la science est de combattre la mort de l'Univers, par la création artificielle de nouveaux univers. Après la mort de la mort, la cosmogénèse artificielle mobiliserait la toute-puissance de l'humanité dans le futur. En devenant Homo deus grâce aux technologies transhumanistes, nous sommes en train de réduire à néant les impossibles. Les croyants seront affolés par cette ultime vanité d'Homo deus : fabriquer des univers comme nos enfants jouent aux Lego.

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