Partager
Nature & environnement

A Skopje, l'air est empoisonné, les hôpitaux sont bondés

réagir
La ville de Skopje un jour de forte pollution, le 30 janvier 2019 en Macédoine
La ville de Skopje un jour de forte pollution, le 30 janvier 2019 en Macédoine
AFP - Robert ATANASOVSKI

Skopje, ses écoles fermées, ses hôpitaux bondés: recouverte en quasi permanence d'un halo blanchâtre, la capitale macédonienne est l'hiver une des villes les plus polluées du monde.

"Ce n'est plus humain. Personne ne fait rien", dit Marina, qui ne donne pas son nom. Elle a dû prendre deux mois de congé sans solde pour rester avec son fils David, 16 mois, hospitalisé pour un asthme sévère. "Il est né en bonne santé. Aucun problème. Et maintenant, il est sans doute asthmatique à vie", dit-elle à l'AFP.

Dans l'hôpital pédiatrique de Skopje, fin janvier, plus de 100 enfants sont traités pour des problèmes respiratoires, liés à la pollution. Le plus jeune a deux mois.

Comme David, ils paient un ensemble de facteurs: cernée de montagnes, Skopje, 500.000 habitants, est dans une cuvette où l'air empoisonné est piégé. Le parc automobile y est vétuste, les industries y opèrent à proximité de la ville. Et l'hiver, le chauffage individuel vient ajouter sa dose de particules fines.

Selon le gouvernement, ce chauffage au bois, au charbon, voire à d'autres combustibles de récupération, pèse pour un tiers des émissions toxiques dans une ville où seuls les quartiers riches sont équipés de chauffage central.

Dans une étude de 2018, l'ONU estime que plus d'un tiers des résidents du centre se chauffent au bois, avec des dispositifs anciens et polluants. Dans ce pays pauvre des Balkans, un autre tiers utilise du combustible ramassé sur les chantiers ou dans les dépotoirs, y compris des pneus ou des déchets plastiques...

- 2.500 morts par an -

En 2018, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), a désigné Skopje capitale la plus polluée d'Europe.

Cette situation provoque, selon l'OMS, la mort prématurée de plus de 2.500 personnes par an dans un pays de 2,1 millions de personnes où d'autres villes comme Tetovo ou Kumanovo sont également confrontées au problème.

Fin janvier, la concentration en particules fines a atteint à Skopje 188 microgrammes par m3 deux jours de suite, soit quasiment quatre fois le seuil quotidien d'exposition recommandé par l'OMS.

Ce niveau de pollution a conduit le gouvernement à fermer les écoles, à exiger l'interruption du travail sur les chantiers, et à instaurer la gratuité des transports publics pour inciter à laisser sa voiture au garage.

Pour beaucoup, ces mesures sont des pansements sur des jambes de bois: "deux jours de fermeture des écoles en trois mois de pollution extrême... Il n'y a que dans une autre dimension que cela pourrait être considéré comme une mesure sérieuse", dit Dragi Zminjanac, d'une association de protection de l'enfance Megjashi.

"Nous sommes en contact régulier avec hôpitaux et professeurs dans les écoles, et c'est le problème N.1 en Macédoine", dit-il.

Selon Dejan Dokic, qui dirige le service pneumologie et allergologie du principal hôpital de Skopje, "il n'y a plus de lits disponibles, certains patients sont désormais traités dans les ambulances..."

- Pas 'des sauvages' -

Ouvrier du bâtiment, Veljko Trajchev vit à Lisice, banlieue de Skopje où les niveaux de pollution sont particulièrement sévères. Il s'offusque que les citoyens puissent en être rendus responsables: "les gens ont tendance à penser que comme nous nous chauffons l'hiver avec du bois (...) , nous n'avons pas de conscience environnementale, nous sommes des sauvages. Ce n'est pas vrai. Nous n'avons pas d'autre option pour survivre."

Veuf, il tente de faire vivre ses deux filles et son père avec 150 euros. "Je ne peux même pas me permettre de chauffer la maison entière. Parfois, je ne peux pas régler mes factures pour la nourriture. Je n’ai pas les moyens de protéger l'environnement. Je suis forcé de brûler des arbres", dit-il.

Vice-ministre de l'Environnement dans le gouvernement social-démocrate, Rani Multigradué accuse ses prédécesseurs de droite: "Nous héritons d'une situation, sur laquelle personne n'a jamais rien fait. On part de zéro".

Il affirme vouloir diviser par deux les émissions toxiques dans les deux ans, notamment en construisant des canalisations de gaz afin d'équiper plus de foyers en chauffage central.

Mais pour Tatjana Grozdanovska, de l'association "Stop à la pollution de l'air", il faudra que le gouvernement contrôle et réprime le cas échéant les pollueurs: "A Skopje, les industries de métaux lourds et de produits chimiques, sont littéralement en ville (...) Et il y a des centaines de petites usines et d’ateliers qui pour le chauffage brûlent des huiles ou des pneus... Les services municipaux d'inspection ne font rien contre ça."

Commenter Commenter
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications