INTERVIEW«Nous lançons un cri d'alarme car trop de gens dorment dans la rue»

Grand froid: «Nous lançons un cri d'alarme car trop de gens dorment dans la rue»

INTERVIEWFlorent Guéguen, directeur général de la Fédération des acteurs de solidarité, demande aux pouvoirs publics de se mobiliser pour mettre à l'abri tous les SDF qui le demandent...
Florent Guéguen de la Fédération des acteurs de solidarité
Florent Guéguen de la Fédération des acteurs de solidarité - Fnars
Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Selon Florent Guéguen, directeur général de la Fédération des acteurs de solidarité, les centres d’hébergement des sans-abri saturent dans les grandes villes.
  • Pourtant, le gouvernement a ouvert 15.000 places supplémentaires et temporaires pour cet hiver.
  • Mais la crise économique et celle des migrants ont fait augmenter le nombre de SDF.

Alors qu’une vague de froid est annoncée pour les prochains jours, des milliers de personnes sans abri n’ont pas de solution d’hébergement pérenne. Florent Guéguen, directeur général de la Fédération des acteurs de solidarité, qui regroupe 870 associations gérant 80 % des centres d’hébergement nationaux, fait le point sur cette situation critique.

Combien de SDF sont comptabilisés aujourd’hui en France ?

La dernière enquête de l’Insee de 2012 évoquait 140.000 SDF et stipulait que leur nombre avait augmenté de 50 % en 10 ans. Mais elle n’a pas été relancée depuis malgré nos demandes répétées, car elle coûterait trop cher. Sans doute l’Etat ne souhaite pas non plus que l’on communique trop sur la grande misère dans notre pays. Mais les associations qui œuvrent dans le champ de la grande pauvreté, estiment qu’il y aurait près de 200.000 SDF en France. Ces derniers sont accueillis dans des centres d’hébergement ou des hôtels, dorment dans des squats, des bidonvilles ou dans la rue.

Qui sont-ils ?

Une partie de ce public est composé de demandeurs d’asile et de personnes migrantes qui n'ont pas obtenu de place d'accueil dans les dispositifs prévus pour eux. Et de plus en plus de familles qui ont subi de plein fouet la crise économique et la flambée des prix des logements. Un appel sur deux au 115 provient d’ailleurs d’une famille. Il s’agit de mères seules avec enfants, de familles victimes d’une expulsion locative…

Pourquoi tous n’appellent-ils pas le 115 pour solliciter une place d’hébergement ?

Entre 60 et 70 % des SDF qui sont contactés lors des maraudes disent qu’ils ne sollicitent pas le 115. D’abord par découragement, car ils pensent n’avoir que peu de chances d’obtenir une place. Mais aussi parce qu’ils ont un chien qui ne serait pas admis en centre d’hébergement ou qu’ils y ont eu une mauvaise expérience. Enfin, certains ont peur de perdre leur abri de fortune s’ils sont accueillis temporairement dans un centre.

Ceux qui appellent le 115 obtiennent-ils quelqu’un au bout du fil ? Et quels sont ceux qui obtiennent une place ?

A Paris par exemple, seul un appel sur quatre est décroché car les écoutants sont débordés. Dans les grandes villes, nous estimons que seulement 30 % des appels permettent de d’obtenir une place d’hébergement. La situation est particulièrement tendue à Paris, à Toulouse, Lille, Lyon, Nantes et en Seine-Saint-Denis. Car à l’heure actuelle, 136.000 places sont ouvertes toute l'année, ce qui n’est pas suffisant face à une demande croissante.

Beaucoup de campements sont-ils reconstitués dans les grandes villes en hiver ?

Oui, mais il s’agit de petits campements car les personnes ont peur d’être délogées si ces installations de fortunes sont trop voyantes. On en voit beaucoup à l’Est de Paris et à Nantes. Ce sont surtout des personnes migrantes qui y vivent, parfois même des personnes qui ont obtenu le droit d'asile.

Quelles mesures ont été prises par le gouvernement pour venir en aide aux SDF cet hiver ?

Il a annoncé 15.000 places supplémentaires dans des gymnases ou des salles municipales entre le 1er novembre et la fin mars. C’est 5.000 places de plus que l’an dernier, mais qui sont de la simple mise à l'abri sans accompagnement ni insertion.. Par ailleurs, cinq millions supplémentaires sont prévus en 2019 pour assurer des maraudes. Un effort a été fait, mais il est encore insuffisant. Nous lançons un cri d’alarme car trop de gens dorment dans la rue.

Que demandez-vous aux pouvoirs publics ?

L’an dernier, nous avions obtenu la pérennisation de 5.000 places à la sortie de l’hiver. Cette année, aucun engagement n’a encore été pris par le gouvernement. Au-delà de ces mesures d’urgences, nous demandons aussi un plan pluriannuel de création de places pérennes d’hébergement et de logements accessibles aux plus pauvres . Il faut aussi une réponse qualitative : car dans le passé, le parc d’hébergement a été pensé pour les hommes seuls et pas pour les familles. Il faut créer des centres prévoyant un accompagnement social spécifique pour les familles et des solutions de gardes d’enfants. Actuellement, l’Etat finance 40.000 places d’hôtel pour les familles SDF pour un coût de 300 millions d’euros par an. On pourrait utiliser ces crédits différemment pour créer des centres d’hébergement pérennes et plus qualitatifs.

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