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Un sans-papier sauve plusieurs vies à Autrans en s'interposant lors d'une agression à l'arme blanche

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Un cuisinier a été pris de folie mardi à Autrans (Isère) dans un centre de formation pour saisonniers. Après avoir attaqué une collègue à la scie à charcuterie, il a changé de couteau et est revenu pour la tuer. Mamoud Diallo, un sans-papier en formation, s'est interposé, sauvant plusieurs vies.

Mamoud Dialo, 21 ans, est arrivé en France l'été 2018. Auparavant dans le transport, en Guinée Conakry, il est maintenant en reconversion professionnelle dans les métiers de l'hôtellerie restauration.
Mamoud Dialo, 21 ans, est arrivé en France l'été 2018. Auparavant dans le transport, en Guinée Conakry, il est maintenant en reconversion professionnelle dans les métiers de l'hôtellerie restauration. © Radio France - Elisa Montagnat

"C'est certain, il a sauvé des vies. La gendarmerie de Villard-de-Lans tient à souligner le courage exceptionnel de Mamoud Diallo, qui n'a pas hésité à se sacrifier pour les autres." Ludovic Brassac, adjudant-chef en charge de l'affaire, n'en revient toujours pas.

Mamoud Diallo vient de Guinée-Conakry, il a 21 ans et est arrivé en France au printemps 2018. Il rencontre alors Stéphane Poulle, son bienfaiteur qui l'accueillera chez lui à Grenoble et lui permettra d'intégrer l'AFRAT, un centre de formation pour saisonniers à Autrans (Isère). Service, cuisine, accueil... Après trois mois de formation, l'AFRAT souhaite le garder à ses côtés, et lui propose alors un stage pour la saison d'hiver (ne pouvant l'embaucher au vu de sa situation irrégulière).

Le cuisinier devient fou et menace de tuer plusieurs personnes avec un couteau de boucher

Mardi, en début de soirée, Mamoud Diallo travaille en cuisine lorsqu'il entend un cri dans le couloir. Il sort, trouve une collègue à terre, en sang, blessée au visage par une scie à viande. Il voit l'agresseur revenir, cette fois avec un grand couteau de boucher, déterminé à tuer. C'est le cuisinier, un homme d'une quarantaine d'années, qui a été engagé un mois plus tôt. 

"Rien ne laissait présager ça." confie la directrice de l'AFRAT Martine Chalignié, encore sous le choc. "Et puis, la personne qu'il a agressée est tellement gentille et discrète... Il n'y a eu aucune altercation. On a appris ensuite que ce monsieur avait des antécédents psychiatriques."

Moi je sais que je vais mourir, je n'ai pas peur. Chaque jour, j'ai ça dans ma tête ! Nous, les Africains, on est habitué" - Mamoud Dialo, cuisinier saisonnier

Les quelques stagiaires du centre de formation, situé au milieu des pistes de ski, étaient en train de dîner dans une pièce juste à côté à ce moment-là. Ils sont paralysés par la peur. Mamoud Diallo ne réfléchit pas et attrape l'agresseur, qui tient encore le couteau. Il arrive à le diriger dans la cuisine et s'enferme seul avec lui, en cadenassant la porte. 

"J'ai compris qu'il allait tuer la fille et peut-être s'en prendre aux autres après. Alors c'était normal que je me sacrifie. Moi je sais que je vais mourir, je n'ai pas peur. Chaque jour, j'ai ça dans ma tête! Nous, les Africains, on est habitué." 

C'est dans ce centre de formation que le jeune sans-papier a accompli un acte dont tout le monde se souviendra. L'AFRAT forme environ 500 saisonniers par an aux métiers de l'hôtellerie-restauration.
C'est dans ce centre de formation que le jeune sans-papier a accompli un acte dont tout le monde se souviendra. L'AFRAT forme environ 500 saisonniers par an aux métiers de l'hôtellerie-restauration. © Radio France - Elisa Montagnat

Seul dans les cuisines, le jeune sans-abri fait alors barrage de son corps lorsque le cuisinier essaie de forcer la porte avec un chariot. Presque par miracle, il arrive à trouver les mots pour le calmer, et même... pour qu'il se remette au travail. Les deux hommes vont alors cuisiner, une vingtaine de minutes, jusqu'à l'arrivée des gendarmes. 

Pendant ce temps, le reste des stagiaires prend en charge la blessée. Pour tout le centre de formation comme pour la directrice, Mamoud Diallo "est le nouveau héros !". "Sans lui, cela aurait été un drame. Il reste extrêmement humble, même si maintenant il a du mal à trouver le sommeil", raconte la directrice_._ "C'est vrai", confie Mamoud Diallo, "je n'arrête pas de me demander pourquoi il a fait ça, je ne comprends pas."

Le gendarme écrit au préfet pour demander la régularisation de la situation de Mamoud Diallo

La victime a été hospitalisée avec une blessure importante au visage et a reçu plusieurs points de suture. Quant à l'agresseur, le médecin qui l'a examiné a conclu qu'il fallait l'interner. Il a donc été placé en hôpital psychiatrique en attendant de pouvoir être auditionné. Ludovic Brassac, adjudant-chef en charge de l'affaire, a fait remonter l'histoire à la préfecture pour tenter de faciliter l'obtention du permis de séjour de Mamoud Diallo. 

Il tient à souligner le fait que c'est un petit gabarit (contrairement à l'agresseur), qui s'est imposé par son courage et ses mots, et non par son physique. "Je veux que tout le monde sache qui il est : quelqu'un qui travaille dur, qui est respectueux, motivé... Et une belle personne. Il mérite le même traitement que ce jeune sans-papier malien qui a escaladé des balcons pour sauver un enfant. C'est clairement un acte héroïque, très rare de nos jours !"

Autrans-Méaudre, en Isère
Autrans-Méaudre, en Isère © Corbis - Denis Souilla

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