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Bien avant le "grand débat": les cahiers de doléances, chapitre 1 de la République

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Bien avant le "grand débat": les cahiers de doléances, chapitre 1 de la République

L'Histoire éclaire l'actu

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Le 24 janvier 1789, le roi Louis XVI convoque noblesse, clergé et tiers état pour sauver le royaume de la banqueroute en rétablissant la confiance populaire. Le peuple est partout appelé à exprimer ses plaintes et ses attentes. Ni le roi ni son ministre ne peuvent imaginer la suite.

En ce mois de janvier 1789, il fait froid, très froid, dans tout le pays. Jusqu'à - 18 °C dans la capitale. Traversant la France, le comte de Mirabeau écrit à son père : « On dirait que l'ange exterminateur a frappé l 'espèce humaine d'une extrémité du royaume à l 'autre. Tous les fléaux sont déchaînés. J'ai trouvé partout des hommes morts de froid et de faim. »

Déjà, l'été précédent, la récolte de céréales fut catastrophique pour cause de grande sécheresse suivie de fortes grêles en juillet. On manque de blé et les rivières gelées interdisent aux moulins de fournir la farine.

La faillite de l'Etat

Les ventres sont vides, les caisses de l'Etat aussi. En revanche, dans le royaume, les rues et les routes sont pleines. Pleines d'émeutiers à l'assaut des boulangeries, des convois de grains, des résidences d'intendant et de notable. Pour ne rien arranger, une peste ovine a décimé le bétail en 1785 et le traité commercial franco-britannique signé en 1786 se révélera vite fatal aux industriels français. Déjà confrontés à une forte baisse des ventes de produits manufacturés liée à l'augmentation du prix des produits de première nécessité, ils subissent maintenant la concurrence des exportations anglaises aux prix imbattables. Aux pénuries alimentaires s'ajoute donc un chômage de plus en plus important.

Depuis deux ans déjà, l'agitation touche toutes les couches sociales. Les différents ministres ont épuisé tous les expédients possibles pour masquer la faillite de l'Etat. Toutes les tentatives ont échoué. S'accrochant à ses privilèges, la noblesse a refusé toute réforme. « L' imbécillité de l'aristocratie », selon l'historien Pierre Goubert, débouche sur une révolution. La leçon ne devrait pas être oubliée.

C'est dans ce contexte que le 24 janvier, après des mois d'hésitation, Louis XVI proclame la convocation des états généraux : « Sa Majesté a désiré que, des extrémités de son royaume et des habitations les moins connues, chacun fût assuré de faire parvenir jusqu'à elle ses vœux et ses réclamations. » Pour participer à la rédaction des cahiers de doléances et à l'élection, il faut être âgé d'au moins 25 ans, être inscrit sur le rôle des impositions sur la base de son lieu de résidence. Sont donc exclus les « sans-aveu », mendiants, sans-domicile, et tous les insolvables. Sans compter les femmes. Certes, les communautés religieuses et de marchandes, celles des couturières, des lingères, des fleuristes, comme les autres corporations, ont pu rédiger leurs propres cahiers. Mais elles devront se faire représenter par des hommes.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne