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Santé

Les cellules souches pour la médecine esthétique, un tabou qui fascine

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Utiliser les cellules souches pour la médecine esthétique, les praticiens en rêvent mais se heurtent à un mur réglementaire
Utiliser les cellules souches pour la médecine esthétique, les praticiens en rêvent mais se heurtent à un mur réglementaire
afp.com/Archives - Anwar Amro

Transformer des tissus graisseux en fontaine de jouvence, en extrayant leurs cellules souches: la médecine esthétique en rêve, mais se heurte à un mur réglementaire, légitimé par le manque de recul sur l'efficacité et les risques de ces techniques régénératives.

Au congrès parisien de la chirurgie plastique et esthétique IMCAS, de petits mixeurs au design soigné et aux couleurs chatoyantes trônent sur le stand de la société italienne Rigenera.

"C'est pour extraire des cellules souches?" s'enquiert un homme d'affaires indien, l'air intéressé. "Oui, mais on ne peut pas le dire!" lui répond une commerciale avec un sourire gêné.

Dans l'Union européenne comme aux Etats-Unis, l'extraction de cellules régénératives de tissus graisseux par un procédé enzymatique est interdite, sauf pour des essais cliniques dans des laboratoires de thérapie cellulaire, explique à l'AFP le Docteur Guy Magalon, professeur de chirurgie plastique de Marseille.

Car les enzymes "détruisent la matrice extracellulaire, donc ils dissocient les cellules" de la graisse, ce qui est considéré par les autorités de santé comme "une manipulation substantielle" aux conséquences inconnues, ajoute le professeur.

C'est pourquoi des moyens "mécaniques" plus rudimentaires, comme le mixeur de Rigenera, fleurissent dans le commerce de l'esthétique médicale. Ils consistent à transformer la graisse prélevée sur le patient en une solution liquide prête à être réinjectée sous sa peau, dans le but d'améliorer sa vigueur.

"C'est autorisé, à condition qu'on ne parle pas de cellules. On parle à la place de graisse modifiée, émulsifiée, micronisée... Ce qui ne veut rien dire! C'est une zone grise", relève le Dr Magalon.

- Risques de complications -

En outre, "personne ne sait si ça marche", car on obtient "dix fois moins de cellules" avec de tels procédés par rapport à l'extraction enzymatique, selon lui.

Personne ne connaît le dosage idéal de cellules à avoir, dont la qualité varie aussi selon chaque patient. "On est au début de l'histoire", rappelle le professeur marseillais, soulignant la nécessité de se doter de protocoles standardisés et contrôlés.

Un travail d'autant plus nécessaire que comme pour d'autres traitements esthétiques, les thérapies cellulaires peuvent engendrer des complications, avertit le Docteur Gordon H. Sasaki, président d'une société scientifique américaine étudiant l'intérêt des cellules souches dans l'esthétique.

Elles peuvent provoquer "des nodules, des infections, faire perdre du volume à la peau", voire activer des cellules cancéreuses dans certains cas, prévient M. Sasaki. "Les résultats sont encore très incertains".

Mais ces traitements peuvent aussi être très efficaces, assure-t-il à l'AFP. Dans sa clinique californienne, des clients sont ainsi prêts à débourser "2.000 à 2.500 dollars par session" de thérapie cellulaire pour favoriser la repousse de leurs cheveux, qui peut nécessiter "six sessions" sur un an.

D'autres thérapies cellulaires pour renforcer la fermeté et l'élasticité de la peau grimpent à 5.000 dollars par session, ajoute-t-il.

- "Vampire lift" -

La recette du professeur Sasaki: une "nano-graisse" extraite mécaniquement du patient, dont la qualité des cellules est augmentée en ajoutant du plasma riche en plaquettes (PRP), lui aussi "autologue", c'est-à-dire obtenu à partir d'une prise de sang du même patient.

Surnommé "vampire lift", le PRP, riche en facteurs de croissance, est plus couramment utilisé seul, car "il est simple d'utilisation, peu onéreux et non réglementé pour l'instant" aux Etats-Unis, explique-t-il.

L'usage du PRP à des fins esthétiques est aussi autorisé ailleurs dans le monde, y compris en Europe. Mais pas en France, où les autorités ont toujours en mémoire le traumatisme de l'affaire du sang contaminé.

"On le pratique plutôt pour la réparation des articulations et aussi dans des cas pathologiques de perte de cheveux", selon le Dr Magalon.

Le PRP mériterait lui aussi une harmonisation des protocoles, car pour l'instant "tout le monde fait un peu sa cuisine", estime Xavier Migaud, directeur général de la société bretonne Benewmedical, un distributeur de dispositifs médicaux, dont des "kits" de prélèvement de PRP pour la chirurgie plastique.

Le marché mondial de l'esthétique médicale a presque doublé entre 2014 et 2018, passant de 5,6 à 10 milliards d'euros grâce notamment au dynamisme de l'Asie, selon des données compilées publiées par les organisateurs du congrès IMCAS.

C'est aussi en Asie que les thérapies cellulaires anti-âge sont le plus en vogue et d'où la plupart des innovations dans le domaine devraient émaner à l'avenir, souligne le Dr Magalon.

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