OBSCURITE TOTALEA Nice, on teste les entretiens d’embauche dans le noir

A Nice, on teste les entretiens dans le noir pour «remettre le recruteur et le demandeur d'emploi sur un pied d'égalité»

OBSCURITE TOTALECette « première en France avec de véritables recrutements à la clé » a été organisée par la métropole Nice Côte d’Azur
Des recruteurs et un demandeur d'emploi se rencontrent dans le noir, le 1er février 2019 à Nice
Des recruteurs et un demandeur d'emploi se rencontrent dans le noir, le 1er février 2019 à Nice - Rhino Production
Fabien Binacchi

Fabien Binacchi

L'essentiel

  • Vingt-huit demandeurs d’emploi et quinze recruteurs ont participé à une journée de recrutement à Nice, où les entretiens avaient lieu dans le noir.
  • Le nom et le CV du candidat n’étaient pas révélés.
  • « Le but est de remettre tout le monde sur un pied d’égalité. On est davantage sur le ressenti, sans a priori », selon une organisatrice.

«Décrivez-moi un peu votre parcours ? Dans la grande distribution, j’ai travaillé comme hôtesse de caisse. J’ai également fait de le vente en viennoiserie et en snacking »… Jusque-là, rien d’extravagant. Le début de cette conversation ressemble à n’importe quel entretien d’embauche… Sauf que vendredi à Nice, la responsable RH d’un supermarché et cette trentenaire en recherche d’emploi étaient plongées dans le noir. Complet. Sans s'être vues avant.

La métropole Nice Côte d’Azur proposait cette journée de recrutement originale, une « première en France avec des vrais recrutements à la clé », selon Ethik connection, le partenaire de la collectivité chargé d’organiser ces rencontres « à l’aveugle ».

Les entretiens ont eu lieu dans le noir le plus total
Les entretiens ont eu lieu dans le noir le plus total - Rhino Production

Tout un espace du musée national du Sport, à l’ouest de Nice, avait été calfeutré pour réaliser cette expérience baptisée « C’est à vous de voir ». Vitres bâchées et installations de sas multiples pour éliminer toutes sources lumineuses.

« Le fait que l’on ne voit pas mes origines est un plus »

Au total, 28 volontaires âgés de 26 à 55 ans, des demandeurs d’emploi privés de travail depuis au moins un an, et quinze recruteurs dans les domaines de la grande distribution mais aussi du service à la personne ou encore du nettoyage ont joué le jeu de l’anonymat. Dans les deux sens.

Pendant les sept minutes d’entretien, le nom des sociétés n’était pas dévoilé et aucun prénom ne devait filtrer. Les candidats qui avaient suivi un coaching pendant plus de trois semaines pouvaient se définir par un adjectif déterminé à l’avance.

Des sas ont été installés pour obtenir une obscurité totale
Des sas ont été installés pour obtenir une obscurité totale - F. Binacchi / ANP / 20 Minutes

Saïda Mohamedi, l’hôtesse de caisse âgée de 31 ans, était madame « structurée ». Pendant son grand oral, elle raconte d’ailleurs comme elle aime « les choses cadrées ». Le discours est fluide. L’échange est sympathique. Si l’on ne voit pas les sourires, on les ressent.

A la sortie du « dark lab », les yeux qui se réhabituent doucement à la lumière, la jeune femme témoigne de « la grande facilité » qu’elle a eue « à parler ». « Il y a moins de jugements, on élimine la question du physique. Je n’ai même pas eu de difficultés à évoquer le cancer qui m’a éloignée deux ans du marché du travail. »

Autre « plus », selon Saïda, le « fait que l’on ne voit pas [ses] origines ». « C’est malheureux à dire mais oui, c’est un plus. Il m’est arrivé une fois, en entretien, que l’on me questionne à ce sujet. J’ai dit que j’étais française, née en France. On m’a dit 'oui, mais vous avez des origines maghrébines'. J’ai répondu 'oui et alors ?' Et je n’ai pas eu de retour. »

« On part vraiment d’une page blanche »

« Cette initiative n’est pas un gadget, défend Karine Borée, responsable du service insertion à la métropole Nice Côte d’Azur. Le but est de remettre tout le monde sur un pied d’égalité. On est davantage sur le ressenti, sans a priori. » A chaque entretien, un spécialiste des ressources humaines non-voyant était également là pour « désacraliser » le moment.

« On n’a même pas le CV, on part vraiment d’une page blanche, juge Marie-Claire Flavio de la société de nettoyage GSF, venue recruter un chef d’équipe. Involontairement, dans un entretien normal, on se fait toujours une idée de la personne sur les trente premières secondes. La démarche, la façon de s’asseoir… Là, il n’y a rien de tout ça. »

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A la fin de la journée, sur les 28 candidats, vingt-trois « Périodes de mise en situation de travail », de cours stages en immersion dans les entreprises en vue de contrats durables, ont été signées. Et le maire LR de Nice Christian Estrosi, président de la métropole Nice Côte d’Azur, est venu promettre que certains recrutements de la collectivité auraient désormais lieu dans les mêmes conditions d’obscurité.

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