Gérald Darmanin : «Je continue ma tâche au gouvernement»

Le ministre de l’Action et des Comptes publics répond aux rumeurs qui l’annoncent sur le départ du gouvernement depuis que le maire de Tourcoing, sa ville, est décédé il y a plus d’une semaine.

 Paris, 26 juin 2018. Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics.
Paris, 26 juin 2018. Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. LP/Olivier Arandel

    Depuis plusieurs jours, la rumeur enflait sur un éventuel départ de Gérald Darmanin du gouvernement. Laissant présager une possible tempête dans la majorité, au moment où le ministre de l'Action et des Comptes publics est sous les feux des projecteurs avec la mise en place du prélèvement à la source.

    Voilà une dizaine de jours que la rumeur d'un possible départ du gouvernement bruisse. Qu'en est-il exactement ?

    GÉRALD DARMANIN. Servir la France c'est un honneur, une chance. Alors, tant que le président de la République et le Premier ministre me feront confiance, je continuerai ma tâche au gouvernement. D'autant que le pays connaît des moments difficiles et que je ne suis pas du genre à ne pas assumer mes responsabilités, à abandonner au milieu du chemin.

    Un retour anticipé à Tourcoing, après le décès de Didier Droart, vous a-t-il effleuré l'esprit ?

    Il y a eu d'abord un moment de deuil à la suite du décès d'un ami très proche, et qui a touché toute la ville. Mon fil conducteur, c'est la loyauté. Vis-à-vis du président de la République et du Premier ministre, et aussi à l'égard de l'équipe municipale que j'ai menée à la victoire en 2014. J'ai discuté avec eux. Nous avons donc trouvé une solution qui me permet de remplir mes responsabilités au sein du gouvernement, et d'être dans une équipe municipale soudée, très proche, dont je continuerai à être le premier adjoint. J'aime Tourcoing, c'est là où je retournerai quand mon expérience gouvernementale se terminera. Et je serai bien sûr candidat aux élections municipales en 2020, car je n'imagine pas la vie politique sans passer par le suffrage universel, sans avoir un ancrage local.

    Macron et Philippe ont-ils cherché à vous convaincre de rester ? Vous leur avez demandé quelque chose ?

    Je suis fils d'une femme de ménage et petit-fils d'un tirailleur algérien. Je sais ce que je dois à la République. Il ne m'est jamais venu à l'idée de leur demander quelque chose en échange : jamais je ne me comporterai comme un enfant gâté. Ils ont simplement eu la gentillesse de me recevoir. Je leur ai fait part de ma peine, je me suis assuré que j'avais toujours leur confiance et je leur ai demandé du temps pour faire le deuil de mon ami et parler avec mon équipe. C'est tout ce que j'ai demandé.

    La question de cumuler Bercy et mairie de Tourcoing s'est-elle posée ?

    J'ai tout de suite écarté cette hypothèse. Je l'ai d'ailleurs dit expressément au président de la République. Tout simplement car je ne crois pas qu'on puisse être maire et ministre en même temps.

    Le prélèvement à la source est entré dans sa phase d'application. Vous êtes rassuré ?

    La mission est accomplie. Le lancement de l'impôt à la source s'est fait sans bug, alors que le défi était énorme. Le mérite en revient au courage du chef de l'État, alors que tous ses prédécesseurs avaient toujours repoussé aux calendes grecques cette grande réforme, et bien sûr aux 40 000 agents de l'administration des finances publiques qui l'ont bien mise en œuvre.

    La piste d'un référendum, avec des questions à choix multiples, est envisagée pour entériner les choix du grand débat. C'est une bonne piste ?

    En tant que gaulliste, j'ai toujours été favorable à la voie référendaire, mais quand elle est encadrée. L'idée d'un référendum comme finalité du grand débat, pourquoi pas, mais ce n'est pas la seule solution. Il appartiendra au président de la République de choisir quelle est la meilleure voie.

    La question de l'ISF revient souvent dans les débats. Vous excluez vraiment tout retour ?

    Il y a un paradoxe : les Gilets jaunes se sont initialement mobilisés contre l'augmentation des taxes et impôts. Ce serait donc paradoxal qu'à la fin ce mouvement termine par plus d'impôts! Vouloir taxer encore plus le capital, juste par idéologie fiscale, ça ne marche pas. Ça ne donne même que de la pauvreté et du chômage.

    Que préconisez-vous alors ?

    On peut imaginer d'autres sujets qu'un retour plein de l'ISF. Les niches fiscales par exemple, c'est 14 milliards d'euros. Soit quatre fois plus que l'ISF ! Et plus de la moitié de ces 14 milliards profite aux 9 % des Français les plus riches. Eh bien, je propose que l'on revienne dessus en diminuant le plafond global des niches, ou alors qu'on les mette sous conditions de ressources pour qu'elles profitent aux classes moyennes et populaires plutôt qu'aux plus aisés. Voilà une idée de justice fiscale.

    Et une réforme de l'impôt sur le revenu ?

    J'y suis défavorable. Je rappelle que seuls 45 % des Français sont imposables, et que les 10 % les plus aisés payent déjà 70 % du total de l'impôt sur le revenu ! Mais d'autres questions peuvent être posées. Par exemple, on ne le voit pas toujours, mais s'il y a autant d'impôts, c'est parce que tous les Français bénéficient des services publics gratuits qui font le pacte social français. L'école est gratuite, l'hôpital est gratuit, les allocations et les prestations sociales sont parmi les plus élevées d'Europe, etc. Donc je formule une deuxième proposition : qu'on envoie chaque année à tous les Français le coût réel des services publics qu'ils ont utilisés, sous la forme d'une simulation personnalisée. Non pas pour leur facturer, mais pour que chacun prenne conscience de la façon dont leurs impôts sont employés. Je vais le proposer au président de la République.