Pr David Khayat. « Nos émotions négatives et le cancer sont liés »

Par Propos recueillis par Claire Steinlen

Ce lundi est la journée mondiale de lutte contre le cancer. L’occasion d’interroger le Professeur David Kayat, ancien chef de service d’oncologie de la Pitié Salpêtrière et dernier médecin de Johnny Hallyday. Dans son dernier livre (*), il propose une véritable enquête policière et scientifique pour nous aider à comprendre le cancer, qui se déclare chez 400 000 personnes chaque année. Il fait aussi le lien entre le stress et cette maladie… et propose des méthodes pour s’en prémunir.

Pr David Khayat. « Nos émotions négatives et le cancer sont liés »
(Photo Léonard de Serres)

À qui s’adresse votre dernier ouvrage, « L’Enquête vérité » ?

Aux millions de malades qui ne comprennent pas cette maladie et se sentent menacés. La peur n’évite pas le danger mais mieux connaître l’assassin est primordial. Savoir qui est le serial-killer. Dans le monde, en 2018, le cancer touchait 18 millions de personnes.


Vous parlez de défense lymphocytaire, de macrophages, de PDL1… N’avez-vous pas trop peur que les lecteurs ne suivent pas ?

Je vulgarise depuis des années. C’est mon quinzième livre, j’ai l’habitude de me faire comprendre dans des conférences et j’ai fait le choix de ne pas sous-évaluer l’intelligence de mes lecteurs. Je leur parle comme je parlerais à un étudiant en médecine.

« Une bonne hygiène de vie peut apporter trois années de vie, c’est énorme ! » 

Quelle est la part de cancers héréditaires ?

Contrairement aux idées reçues, ils ne représentent que 5 % des cancers et ça vient toujours d’une anomalie de nos gènes. Le reste, 95 %, ce sont des gènes « normaux » et l’on abîme notre corps par notre comportement. Une bonne hygiène de vie peut apporter trois années de vie, c’est énorme !


Y a-t-il de nouveaux facteurs de risque ?

Oui, par exemple, aux États-Unis, l’augmentation en flèche de prescriptions à base de morphine fait baisser l’espérance de vie. Ou alors en Russie, avec l’alcoolisme et la violence.


Vous dites aujourd’hui que le stress en est un également…

Oui. Après 43 ans de cancérologie, j’affirme aujourd’hui que nos émotions négatives et la maladie sont liées. C’est la question que l’on me posait à chaque dîner, et comme on ne pourra jamais le prouver scientifiquement, j’ai toujours éludé. Il faudrait, par exemple, prendre 40 femmes qui viennent d’accoucher et retirer le nouveau-né à 20 d’entre elles et voir comment le stress les affecte. C’est impossible. Mais aujourd’hui, fort de mon expérience, je l’affirme : oui, les émotions peuvent bel et bien contribuer au développement d’une maladie maligne.


Vous parlez de cette femme quittée par son mari ?

Oui, certains malades sont plus marquants que d’autres. Cette femme, je l’ai baptisée Florence, âgée de 29 ans, se battait depuis sept ans contre son cancer. Quand son mari l’a quittée, le cancer s’est mis à se développer à une vitesse folle. Résistant aux médicaments, à la radiothérapie… En moins de trois mois, la maladie l’a emportée. J’ai mis des années à accepter de faire le lien entre ce qu’elle avait vécu et l’évolution inattendue et mortelle de son cancer.


Quels sont les types de cancers qui sont en augmentation ?

Dans le monde, le cancer du pancréas se développe. Mais on voit aussi de plus en plus de cancers du sein chez les femmes jeunes. C’est aussi lié à nos modes de vie : quand le réfrigérateur s’est installé dans les foyers, le cancer de l’estomac a baissé. Comme celui de l’utérus, depuis le développement du frottis. Pour le poumon, le chiffre devient alarmant chez les femmes non fumeuses. Et, de manière générale, puisque les Français fument largement plus que la moyenne européenne et que l’on a 37 % de fumeurs chez les jeunes… Selon les époques et les pays, la nature des cancers change.

« Un homme sur deux développera un cancer dans sa vie, contre une femme sur trois » 

Est-ce que les hommes et les femmes sont égaux face au cancer ?

Non, un homme sur deux développera un cancer dans sa vie, contre une femme sur trois. Mais ça baisse chez l’homme et ça augmente chez la femme. Quand il s’agit d’hygiène de vie, ça prend trente ou quarante ans pour « faire » un cancer. Ça dépend du comportement, de la façon de vivre. Les hommes fument plus mais, en parallèle, ont aussi plus d’activité physique…


Est-ce que la pollution a un impact ?

Pour le moment, pas de façon prononcée. Mais dans une petite proportion, sur le cancer du poumon, à cause des particules fines, du diesel. Mais par rapport aux dégâts du tabac, c’est minime.


Comment vous est venue cette passion pour votre métier ?

À 19 ans, en première année de médecine, la petite amie d’un copain est tombée malade. Elle a été soignée pendant deux ans, elle a guéri. Je me suis dit que c’était incroyable. Elle aurait dû mourir. J’ai décidé que c’est là-dedans que je voulais travailler, c’était le début de la cancérologie, les balbutiements. J’ai été chef de service à 33 ans et j’ai passé presque 30 ans à la tête du service de cancérologie de l’hôpital de la Salpêtrière, à Paris.

« Il y a dix ans, le taux de survie était à 45 %, aujourd’hui il est à 65 % » 

Un service aussi lourd, ça devait être un sacerdoce ?

Oui, quand j’ai commencé, c’était un tout petit service, il n’y avait que six lits. La notoriété du service a ensuite été reconnue un peu partout, on avait 25 lits, une équipe fantastique de 200 personnes. Mais c’est 24 h sur 24, 7 jours sur 7, le dimanche, les vacances… Stop ! Aujourd’hui, j’ai quitté tout ça, je ne m’occupe plus que de mes malades.


Pourra-t-on un jour éradiquer le cancer ? Ou le faire baisser drastiquement ?
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Je ne peux pas imaginer que quelque chose va résister à l’intelligence humaine même si ça n’est pas sûr qu’on le voie de notre vivant. Mais quand on regarde les chiffres, le cancer du sein est guérissable à 85 %, la prostate à 75 %… Le cancer chez les enfants est quasi toujours guéri. Il y a dix ans, le taux de survie était à 45 %, aujourd’hui il est à 65 %. Nous avançons pas à pas, mais c’est quand même une véritable révolution.

* « L’Enquête vérité. Vous n’aurez plus jamais peur du cancer », Éditions Albin Michel. 19,50 €.
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