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Facebook a 15 ans: les 15 excuses les plus marquantes de Mark Zuckerberg

Bringuebalé de scandale en scandale, le plus large réseau social au monde se distingue par son goût particulier pour les excuses publiques. Au risque de donner un sentiment de déjà-vu.

Facebook n’a pas à rougir de ses résultats financiers exceptionnels. Pour le reste, à savoir l'ensemble des activités, expériences ou encore failles qui lui ont été associées ces dernières années, l'entreprise a pris l'habitude de faire régulièrement amende honorable. En quinze ans, et avec les quelques aléas que l'on lui connaît, Mark Zuckerberg est passé maître dans l'art du mea culpa.

Ses premières excuses publiques remontent avant l'éclosion même de Facebook. En 2003, un an avant la mise en ligne du réseau social, Mark Zuckerberg voit son site de comparaison des plus jolies étudiantes séduire les campus universitaires. En dix mois seulement, un million d'utilisateurs le consultent régulièrement. Dépassé par l'ampleur du phénomène, le jeune étudiant est également critiqué de toutes parts. "Je ne m'attendais pas à ce que les choses tournent ainsi et je m'excuse pour le mal qu'a pu causer ma négligence à l'égard de la croissance rapide du site et des conséquences qu'il pourrait avoir", rappelle Wired

"Calmez-vous et respirez un coup"

Trois ans plus tard, en 2006, Facebook est déjà sur de bons rails. Le réseau s'aventure dans le lancement d'outils pour consulter, en un clin d'œil, les activités de ses plus proches amis, leurs centres d'intérêt ou encore le statut de leur relation. Ces "NewsFeed" et "Mini Feed" suscitent une levée de boucliers. "Nous sommes d'accord, le "stalking" n'est pas quelque chose de cool", admet un Mark Zuckerberg faussement penaud, dans un post de blog intitulé "Calmez-vous. Respirez. Nous vous avons écouté". "Nous allons continuer à améliorer Facebook, et nous souhaitons que vous fassiez partie de ce processus", indique-t-il, en insistant sur le fait que les paramètres liés à la vie privée sont là pour favoriser une utilisation plus confortable du réseau. 

Le Mini-feed lancé par Facebook.
Le Mini-feed lancé par Facebook. © Facebook

Des "beacons" bien intrusifs

En 2007, nouveau scandale dans la courte vie de Facebook. Le réseau social met en place une fonctionnalité nommée "Beacon" pour que les amis d'un utilisateur de Facebook puissent voir ce qu'il a acheté sur des sites de e-commerce. L'option est activée par défaut et l'entreprise met plusieurs jours à réaliser les problèmes posés par une telle intrusion dans la vie privée. "Nous avons commis beaucoup d'erreurs en concevant cette fonctionnalité", concède Mark Zuckerberg à l'époque. "Nous avons fait du mauvais travail en la lançant et je m'en excuse. [...] Je ne suis pas fier de la façon dont nous avons géré cette situation et je sais que nous pouvons mieux faire". 

Les pratiques publicitaires de Facebook n'auront de cesse de lui causer du tort auprès du grand public. En avril 2017, une enquête du Wall Street Journal met en lumière l'accès donné aux annonceurs aux identifiants des membres de Facebook, et parfois à ceux de leurs amis. Autant d'informations utiles pour suivre leurs activités en ligne et mieux les cibler. Facebook prend un mois pour formuler sa réponse, par le biais d'un édito dans le Washington Post. "Il arrive parfois que l'on grandisse trop vite", se défend Mark Zuckerberg, avant d'annoncer une série de mesures pour permettre aux membres de Facebook de mieux "contrôler leurs informations personnelles". "Ces prochaines semaines, nous ajouterons des paramètres de contrôle de la vie privée beaucoup plus simples à utiliser". 

La vie privée en première ligne

Ces nouveaux paramètres ne seront pas suffisants aux yeux de la FTC, le gendarme américain des télécoms. L'institution se penche en 2011 sur les pratiques de Facebook en matière de vie privée, et prêche en faveur d'un accord juridiquement contraignant. Un décret d'autorisation, signé à l'époque, exige que Facebook demande et obtienne l’autorisation expresse des utilisateurs avant de partager leurs données avec des tiers, et que l'entreprise tienne la FTC informée d'éventuels abus dans l'utilisation de ces informations. "Je suis le premier à admettre que nous avons commis beaucoup d'erreurs", déclare Mark Zuckerberg à l'annonce de la signature. "Récemment, la FTC a conclu des accords avec Google et Twitter qui contribuent à l’établissement de nouvelles normes de protection de la vie privée pour notre industrie. Aujourd'hui, la FTC a annoncé un accord similaire avec Facebook."

Une expérience psychologique de grande ampleur

Trois ans plus tard, visiblement plus à l'aise avec les données personnelles des membres de son réseau, Facebook publie une étude scientifique sur la "propagation des émotions" en ligne. Le hic: pour parvenir à ses résultats, l'entreprise a manipulé durant une semaine, en janvier 2012, le fil d'actualité de près de 700 000 utilisateurs du réseau social américain, sans leur demander leur avis. Certains étaient exposés à des messages majoritairement positifs, d'autres à des contenus jugés "négatifs". La tonalité des messages postés était par la suite étudiée.

Après une vague d'indignation face à ce manque de consentement, un des analystes employés par Facebook a indiqué que le but de l'expérience était "d'améliorer le service et non d'embêter les gens". "Je peux comprendre pourquoi certaines personnes sont inquiètes, et moi et mes co-auteurs sommes désolés de voir le trouble qu'a causé la description de cette étude", avait-il fait savoir par ailleurs. 

Un rôle politique

En 2016, fort de plus d'un milliard et demi d'utilisateurs, Facebook commence à peser dans le débat démocratique... et son rôle ne passe pas inaperçu. En mai, en pleine campagne présidentielle, le réseau se voit accusé d'être pro-démocrate. Le reproche tient aux contenus choisis sur la plateforme pour ses "sujets populaires", qui écartent systématiquement de sa sélection les contenus à teneur libérale ou conservatrice, d'après le sénateur républicain John Thune.

Mark Zuckerberg n'en démord pas. Facebook est selon lui une plateforme "neutre". Le PDG confirme par ailleurs sa ligne directrice: rester un réseau social ouvert "à toutes les idées". Des changements au sein de l'équipe éditoriale sont néanmoins annoncés pour en assurer l'impartialité. 

Des "Facebook live" non modérés

En avril 2017, quelques jours avant le F8, la grande conférence annuelle des développeurs de Facebook, le réseau fait face à un drame. L'un de ses utilisateurs a recours à "Facebook Live", l'outil de diffusion de vidéos en direct", pour mettre en ligne la vidéo d'un meurtre, à Cleveland (Ohio). Lors du F8, les premiers mots de Mark Zuckerberg vont à la famille de la victime. "Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher ce genre de tragédies de se reproduire", indique-t-il, par des propos rapportés sur le Washington Post. Par la suite, Facebook annoncera le recrutement de 3000 personnes exclusivement chargées de supprimer les vidéos live de suicides ou de crimes en direct. 

Ingérence russe et Yom Kippour

En octobre 2017, alors que Facebook est accusé d'avoir permis la diffusion massive de propagande pro-Trump et pro-russe, Mark Zuckerberg se fend d'un post Facebook dont il a le secret, à l'occasion de Yom Kippour. "Je demande pardon à ceux que j'ai heurtés cette année, et j'essaierai de m'améliorer. Je demande également pardon pour la façon dont mon travail a pu être mis à profit à des fins de divisions", fait savoir ce message légèrement sentimental. 

Un mea culpa inattendu de Mark Zuckerberg.
Un mea culpa inattendu de Mark Zuckerberg. © Facebook

2018, excuses en série

Grand habitué des résolutions de début d'année, Mark Zuckerberg fait début 2018 un voeu annonciateur: "réparer Facebook". Le jeune PDG le fait savoir dans un énième post sur le réseau. Il s'agit pour lui de protéger ses utilisateurs de la haine en ligne et des phénomènes d'addiction. "Mon défi personnel pour 2018 est de me concentrer sur le fait de régler ces problèmes importants. Cette humble posture en dit long, alors que Facebook s'apprête à vivre une année noire. 

Dès le mois de mars, l'entreprise est ébranlée par les révélations du scandale Cambridge Analytica. Facebook est sous le feu des critiques pour avoir permis à l'entreprise de données d'accéder aux informations personnelles de 87 millions d'utilisateurs du réseau. Dans un long message mis en ligne sur Facebook, puis via une série d'interviews accordées au New York Times, à Recode et Wired, la cinquième fortune mondiale exprime ses regrets au sujet de l'affaire. Auprès de CNN, il concède que la "principale responsabilité" de son entreprise était le respect de la vie privée de ses utilisateurs et que toute entorse à ce principe était un problème digne d’une "grande indignation". "Je suis désolé de ce qui est arrivé", s'est-il par ailleurs contenté de dire. 

Des excuses aux sénateurs

Pour cette affaire Cambridge Analytica, Mark Zuckerberg sera amené à comparaître devant le Congrès américain. Plusieurs heures durant, le PDG de Facebook s'en est tenu à des excuses concises et simples sur des sujets aussi divers que l'influence russe, la propagation de fausses informations, les "profils fantômes" ou encore le délai de suppression et de rétention des données". 

"L'erreur me revient, je suis désolé", a-t-il notamment avancé à propos de Cambridge Analytica. "Il est évident aujourd'hui que nous n'avons pas fait assez pour empêcher ces outils d'être utilisés de façon malintentionnée (...). Nous n'avons pas pris une mesure assez large de nos responsabilités et c'était une grosse erreur." Cette allusion au manque de responsabilités sera évoquée à plusieurs reprises.

Des excuses mondiales

Ce contexte tourmenté mène Facebook à des excuses publiques, fin avril 2018. L'opération, baptisée "Here Together" est d'une ampleur inégalée pour un géant du numérique. Elle passe par une simple vidéo, qui reprend les dernières erreurs commises par le réseau social. 

En matière d'exploitation abusive des données personnelles, Facebook ne s'est néanmoins pas arrêté en si bon chemin. Le 28 septembre dernier, le réseau révèle l'existence d'une faille de sécurité ayant affecté 50 millions de comptes. "La confidentialité et la sécurité des personnes sont extrêmement importantes et nous regrettons que cela se soit produit", s'excuse simplement Facebook à la fin de son communiqué.

Moins de trois mois après, rebelote pour le réseau social. Une nouvelle faille de sécurité a rendu accessible à des applications tierces l'ensemble des photos postées sur Facebook par 6,8 millions d'utilisateurs durant une dizaine de jours. Cette vulnérabilité, dévoilée mi-décembre, est restée béante en septembre et a été corrigée en une douzaine de jours. "Nous sommes désolés que cela ce soit produit", récidive Facebook par le biais de Tomer Bar, son directeur de l'ingénierie. 

Le 25 janvier, une tribune de Mark Zuckerberg publiée dans Le Monde vient clore cette année mouvementée et en tirer un bilan. L'occasion pour l'entreprise de faire une fois de plus amende honorable. Son PDG ne présente pas explicitement des excuses mais entend clarifier son modèle basé sur la gratuité et la publicité. 

"Je suis convaincu que tout le monde doit pouvoir faire entendre sa voix et interagir. La meilleure façon d'y parvenir, c'est d'offrir un service gratuit, et c'est ce que permet la publicité". Mark Zuckerberg rejette les soupçons sur le fonctionnement de son réseau social, promettant qu'il ne mettait pas en avant "les pièges à clics et contenus sensationnalistes" de manière "intentionnelle". Une fois de plus, il table sur "l'imperfection" des outils amenés à modérer les contenus pour justifier les erreurs du réseau. "Les équipes et les systèmes d'intelligence artificielle sur lesquels nous nous appuyons pour examiner ces contenus ne sont pas parfaits", légitime-t-il. Les prochaines excuses publiques ne devraient pas se faire attendre.

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech