Viol sur le campus de Bordeaux : nuits d’angoisse pour les étudiantes

Depuis deux mois et le viol d’une étudiante, la peur plane sur le campus de l’université de Bordeaux. Les autorités cherchent des solutions pour rassurer… et interpeller le violeur.

 Talence (Gironde), le 4 février. A la station de tram Faculté qui dessert le campus, chacun presse le pas à la nuit tombée.
Talence (Gironde), le 4 février. A la station de tram Faculté qui dessert le campus, chacun presse le pas à la nuit tombée. LP/Patrick Bernard

    Un soir de semaine comme les autres sur le campus de Bordeaux (Gironde). Il est 20 heures, les cours de la journée se terminent. La nuit enveloppe les lieux. Le gigantesque parking est presque désert et les restaurants universitaires ont baissé le rideau depuis longtemps. Les étudiants pressent le pas pour quitter les bâtiments. Souvent par petits groupes, rarement seuls.

    Noémie, en première année de licence de philosophie, assure faire « attention quand il fait nuit. Personne n'est rassuré ». « Oui j'ai peur de rentrer chez moi. On s'organise sur les réseaux sociaux pour revenir à plusieurs quand on sort. Près de chez moi, il y a un bosquet qui est dans le noir. Ce n'est pas rassurant », ajoute Emma, une étudiante en lettres.

    Le 17 précomposé sur son smartphone

    Depuis deux mois, l'ambiance est pesante sur le domaine universitaire. Fin novembre, une étudiante qui venait de descendre du tramway à la station Doyen Brus, vers minuit, a été violée dans un petit bosquet à proximité. Personne n'a rien vu ni entendu. Venant quelques semaines après une première tentative de viol dans les mêmes circonstances dans le secteur, ce crime avait suscité un profond émoi dans la communauté étudiante.

    « On a peur. Le viol a eu lieu sur le chemin que je prends. Je n'ose même plus sortir le soir à cause de ça », confie Luna. Juliette rentre chez elle le soir sur le campus avec le 17 (numéro de la police) précomposé sur son téléphone portable. Domitille, elle, n'oublie jamais sa bombe lacrymogène dans son sac, à portée de main.

    Rondes de nuit et caméra longue portée

    Pauline, une étudiante en droit, a voulu agir. Elle a lancé une pétition sur les réseaux sociaux adressée aux présidents des universités concernées. Elle demande « une vraie lutte contre les agressions sexuelles sur le campus », notamment grâce à un meilleur éclairage public. En ce début de semaine, le texte avait recueilli plus de 15 000 signatures.

    Les présidents des deux universités de Bordeaux et Bordeaux Montaigne ont pris plusieurs mesures depuis le mois de décembre. Des rondes supplémentaires des personnels de sécurité et de la police se déroulent chaque nuit lors du passage du dernier tramway vers 1h30, heure à laquelle l'éclairage public des communes de Talence, Pessac et Gradignan s'éteint, une demi-heure plus tard qu'auparavant. Les conducteurs des derniers tramways de la ligne B ont été sensibilisés pour signaler tout incident ou comportement suspect à bord des rames ou dans les stations desservies. Une caméra longue portée à vision nocturne a été installée à la station Doyen Brus. Enfin, des marches exploratoires pour identifier les secteurs les plus à risques s'effectuent régulièrement. La deuxième de l'année civile se déroulera ce mardi soir et partira de la station Doyen Brus.

    «On veut du concret»

    Marion Paoletti, chercheuse en sciences politiques, est chargée de mission sur la parité, l'égalité et la diversité pour l'université de Bordeaux et compte sur cette initiative « pour permettre de ne pas se louper sur la localisation des espaces à aménager. J'espère que de nombreuses étudiantes y participent afin que nous collions au mieux à leurs besoins ». La précédente, le 24 janvier, effectuée en plein jour, n'avait intéressé qu'une petite vingtaine de personnes.

    « On veut du concret. Il faut la lumière sur tout le campus et vite, s'agace Amandine, étudiante en économie. On sait tous qu'il y a un problème de sécurité. Il est temps que ça change. » Pendant ce temps, l'enquête de la police continue. Plus de deux mois après les faits, le violeur du campus court toujours. Et chaque soir, quand la nuit tombe, les étudiantes pressent le pas.