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Suicide : 7,2 % des Français âgés de 18 à 75 ans ont déjà tenté de mettre fin à leurs jours

Les femmes sont particulièrement touchées. Selon Santé publique France, près d’une Française sur dix est passée à l’acte au cours de sa vie.

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Publié le 05 février 2019 à 03h52, modifié le 05 février 2019 à 11h14

Temps de Lecture 4 min.

Les chiffres publiés, mardi 5 février, par Santé publique France à l’occasion de la 23e Journée nationale pour la prévention du suicide ne sont pas bons. En 2017, 7,2 % des Français âgés de 18 à 75 ans – soit plus de trois millions de personnes – déclaraient avoir tenté de se suicider au cours de leur vie. Ils étaient 4,7 % à avoir pensé à mettre fin à leurs jours au cours des douze derniers mois et 0,39 % à avoir tenté de le faire. Des proportions élevées, marquées par des évolutions différentes chez les hommes et les femmes.

Si les hommes représentent les trois quarts des 8 948 décès par suicide officiellement recensés en 2015 par le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès pour l’Inserm, un chiffre stable par rapport à 2014 (8 885 décès) après plusieurs années de « lente décroissance », les pensées suicidaires et les tentatives de suicide sont davantage le fait des femmes. Un paradoxe apparent, qui s’explique par le fait que les hommes utilisent des moyens plus létaux (armes à feu, pendaison).

Certains chiffres collectés dans le cadre du baromètre de Santé publique France (25 319 personnes interrogées) sont particulièrement alarmants. Près d’une Française âgée de 18 à 75 ans sur dix (9,9 %) déclarait ainsi en 2017 avoir tenté de se suicider au cours de sa vie (contre 4,4 % des hommes), une proportion en hausse de 2,3 points par rapport à 2005. Un pourcentage « énorme » qui peut s’expliquer par « le fait que c’est peut-être aujourd’hui plus acceptable de parler d’une tentative de suicide faite il y a dix ans, la majorité des tentatives ayant lieu à l’adolescence entre 15 et 19 ans », note Enguerrand du Roscoät, responsable de l’unité santé mentale à Santé publique France, coauteur de l’étude.

Profils « à risque »

Quelques données éclairent crûment certains profils à risque : près d’un tiers des femmes (31 %) et un quart des hommes (25,7 %) ayant subi des attouchements ou des rapports sexuels forcés ont déjà fait une tentative de suicide au cours de leur vie. Et près d’un quart des personnes ayant connu un « épisode dépressif caractérisé au cours de l’année » (25,1 % des hommes, et 22,6 % des femmes) ont eu des pensées suicidaires au cours de cette période. Par ailleurs, les « graves problèmes d’argent », les « menaces verbales », les « humiliations ou intimidations » et le fait d’avoir « vécu une séparation ou un divorce » au cours des douze derniers mois « multipliaient par deux environ le risque d’idéations suicidaires », relèvent les auteurs de l’enquête.

Une autre étude montre que, « quelle que soit l’année étudiée, les taux d’hospitalisations pour tentative de suicide par âge [sont] plus élevés chez les femmes que chez les hommes, sauf au-delà de 85 ans ». Les jeunes filles de 15 à 19 ans présentent « systématiquement le taux de séjour le plus élevé ».

Une tendance confirmée par l’enquête Escapad, menée en mars 2017, auprès de 39 115 adolescents de 17 ans, lors de la Journée défense et citoyenneté, et publiée mardi 5 février. Elle montre une « augmentation significative » des tentatives de suicide et des pensées suicidaires déclarées chez les jeunes filles entre 2011 et 2017. Si près d’un adolescent sur dix (11,4 %, soit un point de plus qu’en 2014) dit avoir pensé au suicide dans les douze mois qui ont précédé, ce sont 14,8 % des filles de 17 ans qui ont eu une telle pensée morbide (soit 62 000 filles), contre 8,2 % des garçons de cet âge (36 000 adolescents).

Autre chiffre marquant de l’enquête menée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies : 2,9 % des adolescents de 17 ans – soit 25 000 jeunes – disaient en 2017 avoir fait une tentative de suicide ayant entraîné une hospitalisation au cours de leur vie. Un phénomène, là aussi, très féminin : 4,3 % des filles de cet âge (+ 1 point par rapport à 2011) et 1,5 % des garçons (stable) disaient avoir déjà tenté de mettre fin à leurs jours.

« Deuxième cause de décès parmi les 15-24 ans »

« On peut conclure à une souffrance psychique plus forte chez les adolescentes », souligne Enguerrand du Roscoät, qui pointe à la fois « une pression sociale plus resserrée à un moment crucial de leur vie, celui de la conquête de leur autonomie », des « conditions sociales et culturelles plus difficiles », et aussi « une plus grande facilité à parler de leurs sentiments ». Les chiffres montrent d’ailleurs que ces jeunes femmes présentent davantage de troubles dépressifs, très présents dans les passages à l’acte suicidaire. « En France comme à l’international, le suicide demeure la deuxième cause de décès parmi les jeunes de 15-24 ans », après les accidents de circulation, rappelle Santé publique France.

D’autres indicateurs sont en revanche plutôt dans le vert, ce qui « ne permet pas d’appréhender de façon claire l’évolution des conduites suicidaires depuis 2000 », relève l’étude de l’agence sanitaire. Les pensées suicidaires et les tentatives de suicide au cours des douze derniers mois sont ainsi stables ou en légère baisse chez les hommes comme chez les femmes entre 2014 et 2017.

Le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide est également en baisse en dix ans, passant de plus de 100 000 par an en 2008 contre « un peu moins de 89 000 » en 2016 et 2017, ces chiffres ne prenant toutefois pas en compte les patients passés aux urgences après une tentative mais non hospitalisés ou ceux hospitalisés en psychiatrie sans être passés auparavant par un service de médecine.

Alors que la France continue de présenter un des taux de suicides les plus élevés d’Europe, derrière les pays de l’Est, la Finlande et la Belgique, les pouvoirs publics voudraient désormais non plus « se satisfaire d’une lente décroissance des chiffres », comme c’est le cas depuis 1985, mais souhaiteraient une « cassure de courbe importante », explique Enguerrand du Roscoät, qui cite la priorité désormais donnée à la prévention des personnes à risque, notamment par un meilleur suivi des personnes ayant déjà fait une tentative de suicide.

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