LE SEXE SELON MAÏA
Depuis deux ans, les chiffres sur la consommation de pornographie des jeunes ont suscité toutes sortes d’angoisses – justifiées. On s’inquiète de l’influence du X lors des premiers émois, des attentes irréalistes, des déconvenues qui adviendront : la pornographie prépare mal à la « vraie » sexualité. Mais au-delà du porno, est-il possible d’être prêt lors de sa première expérience sexuelle ?
Selon les sociologues Didier Le Gall et Charlotte Le Van, cette étape reste émotionnellement très investie, pour les filles comme pour les garçons. Elle marque l’entrée dans l’âge adulte. Le scénario idéal implique de « faire coïncider expérience amoureuse et expérience sexuelle… ce premier rapport n’est pas appréhendé comme un “aboutissement”, mais comme un “moment” particulier d’une histoire à deux. Aussi ne fait-il sens que s’il donne un devenir à la relation ». Dans l’ordre attendu des choses, les filles sont censées « être prêtes », tandis que les garçons doivent « assurer ».
Cela signifie en creux que les garçons disposent rarement de l’opportunité de se demander s’ils sont prêts. On estime qu’ils voudront se débarrasser de leur pucelage au plus vite, comme d’un fardeau embarrassant. La question devient logistique : non pas « est-ce que je veux », mais « est-ce que je peux ». Quant aux filles, elles font face à une équation étrange : faut-il attendre d’être prête, ou faire en sorte de l’être ? Et comment se préparer à un acte qui reste tabou ?
Leurs incompétences sont les nôtres
Même flou du côté de l’injonction à « assurer » : de quoi parle-t-on ? Assurer, c’est surtout se rassurer, c’est-à-dire ne pas perdre son érection au moment-clef. La performance attendue des garçons, et portée par la pression des pairs, est présentée comme une simple prouesse technique (soit la voie royale vers la débandade, quand on sait à quel point les érections sont émotionnelles). En plus, grâce à ce merveilleux sens des priorités, on peut « assurer » en faisant mal. Sur ce point, on aurait tort de blâmer les adolescents. Nous persistons en effet à leur enseigner que le premier rapport sera forcément douloureux : leurs incompétences sont les nôtres (sauf problème médical, si ça fait vraiment mal, c’est qu’on s’y prend mal).
Parlons donc de compétence. Outre-Manche, une équipe de chercheuses a opté pour une approche pragmatique de la question (London School of Hygiene and Tropical Medicine, 2019). Elles ont évalué la compétence sexuelle des adolescents lors de leur entrée dans la phase relationnelle de leur sexualité. Cette compétence combine quatre facteurs : compréhension du consentement, capacité décisionnelle (était-on ivre ?, sous pression des copains ?, fou amoureux ?), contraception, ressenti (se sent-on prêt/e ?).
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