
À la suite de l'affaire Harvey Weinstein, la libération de la parole a été un moment exceptionnel dans la lutte pour les droits des femmes. Enfin la société prenait conscience de l'ampleur et de la gravité du harcèlement et plus généralement des violences fondées sur le genre. Pour cette année 2019, j'espère que ce même mouvement salvateur fera sauter le verrou d'un autre tabou de nos sociétés, celui des mutilations sexuelles féminines. Alors que je travaille sur ce dossier depuis des années au sein du Parlement européen, je reste toujours abasourdie par les nombres: plus de deux cents millions de femmes vivent aujourd'hui mutilées et elles seront bientôt rejointes par des millions d'autres.
Six filles sont excisées chaque minute dans le monde.
Ces mutilations sont infligées aux filles, parfois très jeunes, dans une trentaine de pays dont la majorité des victimes vivent en Afrique et au Moyen-Orient. Mais l'Europe est loin d'être un continent sûr pour celles originaires de pays à risque. J'ai entendu des dizaines de témoignages de petites filles françaises pensant partir en vacances retrouver leurs familles en Égypte, au Mali ou en Guinée. Elles pensaient profiter de la mer, du soleil et d'une nature luxuriante, elles subiront une excision, une clitoridectomie ou une infibulation à vif et par l'usage de la force. Les vacances idylliques ont tourné au cauchemar et si elles survivent à cette barbarie qui provoque hémorragies et infections, elles en subiront les conséquences physiques, psychologiques et émotionnelles leur vie durant.
Bien sûr les législateurs n'ont pas attendu 2019 pour punir de telles pratiques criminelles par la loi. En France, l'auteur d'une mutilation s'expose à 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende. Mais de deux choses l'une: non seulement l'application de ces lois et les poursuites en justice sont très difficiles, mais elles n'ont pas permis de stopper ces pratiques barbares. Car même le meilleur cadre législatif ne suffit pas à changer les mentalités et les injonctions autour de pratiques millénaires. Les femmes mutilées excisent elle-mêmes des filles car la tradition passe avant l'intégrité physique.
Personne ne peut se targuer d'avoir la solution, mais parmi l'ensemble des projets menés par la société civile et les législateurs, j'ai foi en l'éducation des filles dans les communautés touchées; l'UNICEF ayant prouvé que la baisse des mutilations sexuelles était proportionnelle au niveau de scolarisation des mères.
En cette journée internationale de tolérance zéro à l'encontre des mutilations sexuelles féminines, je nous appelle à ne pas détourner le regard d'actes de torture pratiquées tous les jours sur des filles de plus en plus jeunes. Endiguer un tel phénomène est un travail de longue haleine qui nous incombe à tous, que nous soyons députés européens, élus nationaux ou membres de la société civile. Tout comme ce qui s'est déroulé en 2017 avec les violences faites aux femmes qui ont fait la une des journaux, je souhaite que les mutilations sexuelles féminines ne soient plus de l'ordre de la sphère privée et des familles. Il faut les rendre publiques.
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