C’est l’un des derniers coups de semonce de Didier Migaud, à la tête de la Cour des comptes depuis neuf ans. Alors qu’il devrait bientôt rejoindre le conseil constitutionnel, l’ex-député socialiste présentait, le 6 février, son traditionnel rapport annuel. L'occasion pour lui de sermonner, une nouvelle fois, le gouvernement sur sa stratégie de finances publiques, pointant "l’insuffisance et la grande fragilité du redressement opéré jusqu’à présent."
Un CICE très coûteux
Sans surprise, les magistrats s’inquiètent de l’impact des mesures prises lors de la crise des "gilets jaunes", qui vont alourdir le déficit public d'au moins sept milliards d’euros. Et encore, à condition que les mesures de compensation évoquées soient bien prises. Or, le gouvernement n’a pas encore traduit dans les textes son souhait de restreindre la baisse de l’impôt sur les sociétés et de taxer les géants du numérique. De même, il n'a pas détaillé les économies sur les dépenses de l’Etat, attendues à 1,5 milliard. Alors que la croissance économique ralentit, la Cour juge donc "fragile" la prévision de déficit public à 3,2% du PIB en 2019, après 2,7% en 2018.
Mais ce n’est pas tant ce chiffre qui inquiète les magistrats. En effet, si la France dépasse les 3%, c’est en partie dû à un événement exceptionnel: le basculement du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègements de charges, qui coûte 0,9 point de PIB. La Cour s’alarme surtout de l’incapacité de la France à réduire son déficit structurel, calculé hors aléas liés à la conjoncture économique. Cet indicateur est considéré comme le juge de paix de la capacité d’un pays à redresser sa situation financière.
Seules l'Espagne et l'Italie font pire
Les règles européennes imposent que la France le réduise de 0,6 point par an pour arriver sous les 0,5% du PIB. Or, le déficit structurel atteindra au mieux 2,3% en 2019, comme en 2017. Seules l’Espagne et l’Italie font pire au sein de la zone euro. Du coup, le poids de la dette publique continue à augmenter, en décalage avec nos voisins européens. Et la Cour de conclure: "ce constat ne fait que confirmer que la France, du fait du caractère incomplet de l’assainissement de ses finances publiques, ne dispose que de peu de marges budgétaires pour faire face à un retournement conjoncturel ou à une situation de crise."
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