Vue d'artiste du futur lanceur européen Ariane 6, communiquée par Airbus Safran.

Vue d'artiste de la future Ariane 6, communiquée par Airbus Safran et prise le 25 janvier 2016

afp.com/-

Les 1090 pages du rapport annuel de la Cour des comptes ne sont pas tendres envers les finances publiques françaises. Mais les 30 pages consacrées à la filière spatiale sont particulièrement épicées. L'institution y pointe des dysfonctionnements préoccupants et les défis à venir. L'espace est un secteur stratégique en pleine transformation, souligne le texte. S'il concernait historiquement la défense, les communications et l'observation, la révolution du New Space [nouvel espace, ndlr], qui se traduit par des applications allant de la surveillance du réchauffement climatique, la géolocalisation, l'explosion des objets connectés, sans oublier l'avènement à venir des voitures autonomes, promet des opportunités commerciales majeures.

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"Dans ce contexte, l'accès souverain à l'espace constitue plus que jamais un enjeu stratégique majeur pour la France, mais aussi pour l'Europe, estime la Cour des comptes. Il s'agit d'avoir l'assurance de pouvoir lancer des satellites à des prix compétitifs et sans restriction d'usage", mais aussi de s'assurer que "les mises en orbite se font en toute sécurité, tant la sophistication technologique des satellites les rend vulnérables aux menaces en termes de cybersécurité et aux manipulations indésirables avant leur lancement."

Ariane 6 déjà dépassée

Si l'Europe s'est dotée d'un tout nouveau programme de lanceurs, Ariane 6 - attendu en 2020 - et ses versions modifiées, l'ensemble serait déjà obsolète, tacle le rapport. "Ariane 6, dont le développement a été décidé par l'Agence spatiale européenne en 2014 pour faire face à la concurrence, ne constituera qu'une réponse transitoire à ce défi", écrit la Cour des Comptes, qui rappelle qu'elle avait critiqué les décisions des pouvoirs publics dès 2014. Le lanceur européen est sommé d'évoluer rapidement s'il veut rester compétitif, notamment grâce à des évolutions technologiques, comme des lanceurs partiellement réutilisables ou des moteurs à bas coût.

La principale crainte vient de l'entreprise privée américaine Space X, "qui a ravi à Arianespace la position de leader mondial sur le marché commercial depuis 2017". En quelques années seulement, la société fondée par le milliardaire Elon Musk, largement financée par la Nasa, a effectivement réussi à créer des fusées réutilisables particulièrement concurrentielles. La comparaison est cruelle. "Sur le seul premier semestre 2018, SpaceX a ainsi réussi 12 tirs avec son lanceur Falcon 9, soit davantage que ce que réalise Arianespace en une année", poursuit le rapport. L'arrivée de nouveaux acteurs, comme Blue Origin, la société du milliardaire et patron d'Amazon Jeff Bezos, promet elle aussi de tendre encore le marché.

L'Europe doit jouer plus collectif

Pour prévenir la catastrophe, la Cour des comptes préconise de "mieux anticiper les risques budgétaires importants inhérents à la politique spatiale". Elle appelle les différents acteurs européens à "une plus grande participation" dans l'investissement des lanceurs, principalement pris en charge par la France. "Les Européens n'ont d'autre choix que de mettre des moyens en adéquation avec leur ambition et d'unir leurs efforts alors que les États seuls ne disposent plus des moyens budgétaires suffisants pour faire face à cette compétition stratégique globale", pointe-t-elle.

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La Cour rappelle par ailleurs qu'en 1974, l'Agence spatiale américaine (Nasa) avait interdit aux Français et aux Allemands de lancer des satellites "visant une exploitation commerciale", ce qui avait "convaincu les Européens de la nécessité de disposer de leur propre lanceur". Aujourd'hui, il s'agit de pérenniser son existence sans quoi l'Europe risquerait de retomber dans une inconfortable position de faiblesse.

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