JUSTICE - "J'aurais aimé que la femme de 43 ans que je suis devenue ait pu protéger celle de 32 ans que j'étais." Ce jeudi 7 février, Cécile Duflot faisait partie des personnes invitées à témoigner dans le cadre du procès intenté par Denis Baupin. Accusé d'agression sexuelle par des femmes politiques et des médias, l'ancien député Europe Écologie-Les Verts a décidé de contre-attaquer avec un procès en diffamation.
Et ce jeudi, c'est l'ancienne cheffe du parti écologiste qui avait accepté de livrer son récit face à la justice, "parler pour soutenir celles qui ont eu le courage de parler", comme elle l'expliquait la veille dans un billet publié sur Mediapart. Un texte dans lequel elle racontait aussi comment elle a ouvert les yeux sur le sexisme qui régnait au sein de son parti du fait de certains cadres.
En ce quatrième jour du procès intenté par Denis Baupin, Cécile Duflot est donc revenue sur les agissements de l'ancien député et vice-président de l'Assemblée nationale, comme elle l'avait déjà fait devant la police, devenant la quatorzième femme à témoigner dans cette affaire. Face aux enquêteurs, elle avait par exemple relaté comment l'ex-adjoint à la mairie de Paris avait tenté d'entrer dans sa chambre, lui caressant le cou en lui disant "Allez, laisse-toi faire".
Mais ce jeudi, face à la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, l'ancienne ministre en a dit encore plus, en larmes parfois. Comme le rapportent plusieurs journalistes présents à l'audience, dont Marie Barbier de l'Humanité, elle est longuement revenue sur cette même agression survenue à Sao Paulo au Brésil en 2008, à l'occasion d'un congrès, cinq ans après qu'elle a eu vent de premières rumeurs.
Cécile Duflot vient alors de donner naissance à sa fille, elle doit tirer son lait "toutes les quatre heures". Après une dispute, Denis Baupin lui demande donc son numéro de chambre, tente d'y pénétrer, lui explique qu'elle "en a autant envie" que lui. Et alors qu'il insiste pour entrer et qu'il lui caresse le cou, elle lui donne "un coup de pied dans le tibia", le pousse dehors et claque la porte. "Ça ne m'a jamais traversé l'esprit de porter plainte, je n'en ai jamais parlé", continue-t-elle.
Comme le décrit Marie Barbier, Cécile Duflot est revenue, un peu plus tard dans l'audience et alors qu'elle était interrogée par la défense, sur l'épisode de Sao Paulo. "J'étais vulnérable, j'avais un bébé de trois mois. Je ne comprends même pas comment il a pu croire qu'il y avait une ouverture (...) Son regard m'a fait peur. Pour tout vous dire, j'étais en train de tirer mon lait, j'avais juste rabattu mon tee-shirt, le stress a fait couler mon lait, je me sentais tellement vulnérable..."
Une autre journaliste, de "Radio Parleur", complète: "Il m'a vue dans un moment de vulnérabilité. Il a pris ça pour une opportunité, une ouverture. C'est quand même un truc de dingue!"
Visiblement très émue au moment de livrer ce témoignage, Cécile Duflot s'en excuse presque: "Juridiquement, c'est (Denis Baupin, ndlr) un agresseur sexuel, mais je n'en avais pas conscience. J'avais oublié des faits. C'est pour ça que je suis émue ici parce que plein de choses remontent." Elle poursuit: "C'est grâce à cette faculté d'oublis sélectifs que j'ai pu avoir cette carrière politique brillante."
Tout au long de son intervention, Cécile Duflot est longuement revenue sur la manière dont elle a pris conscience des faits qui se déroulaient au sein de sa formation politique, des qualificatifs qui s'y appliquaient. "C'est mille fois pire dans les autres partis. On achète le silence des femmes avec de l'argent. Ça, c'est dégueulasse. Moi je n'ai jamais fait ça (...) Ce qu'il s'est passé à EELV, ça se passe dans toute la société. Ça se passe dans les autres partis, ça se passe chez les avocats", assure-t-elle.
"Finalement, on était très complaisants avec la violence", conclut-elle. En cela, Cécile Duflot "ne doute pas un instant" de la véracité des accusations de militantes écologistes contre Denis Baupin. "Maintenant que c'est dit, les filles après nous, non seulement elles auront des responsabilités, mais, en plus, elles sauront qu'elles ne sont pas obligées de subir ça."
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