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Iran : Quarante ans après, le désenchantement d'un ancien de la révolution islamique

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IRAN: QUARANTE ANS APRÈS, LE DÉSENCHANTEMENT D'UN ANCIEN DE LA RÉVOLUTION ISLAMIQUE
Des drapeaux nationaux iraniens sont visibles sur une place à Téhéran. /Photo d'archives/REUTERS/Morteza Nikoubazl
Morteza Nikoubazl

par Parisa Hafezi

DUBAI (Reuters) - Il y a quarante ans, Mohammad Reza était un jeune magistrat de Téhéran, opposant déclaré au shah.

Au moment de la révolution islamique de février 1979, il était dans la foule immense rassemblée à l'aéroport international de Mehrabad pour accueillir l'ayatollah Ruhollah Khomeini de retour de son exil en France.

"Je me rappelle très bien, on criait 'le démon s'en va et l'ange arrive!'", raconte-t-il aujourd'hui, joint par téléphone à Téhéran.

A 72 ans, il pense avec nostalgie aux espoirs engendrés par cette révolution qui unissait les marchands du bazar, les intellectuels et des gens de toutes les classes sociales contre le pouvoir sans partage du shah Mohammad Reza Pahlavi, un allié des Etats-Unis.

Aujourd'hui encore, le slogan "Mort à l'Amérique" retentit fréquemment en Iran. Mais il inspire moins Mohammad Reza et d'autres anciens révolutionnaires, devenus très critiques envers les autorités.

Lundi, à l'occasion des cérémonies d'anniversaire, le vice-président Eshaq Jahangiri a affirmé que la révolution avait apporté aux Iraniens "l'indépendance, la liberté et la justice". "Le peuple est aujourd'hui maître de son destin", a-t-il lancé.

Liberté, indépendance et justice sociale étaient bien les mots d'ordre de l'ayatollah Khomeini, admet Mohammad Reza, mais ils peuvent aujourd'hui vous conduire en prison.

REVENIR AUX VRAIS PRINCIPES

Il se rappelle qu'en 2009 son petit-fils Arash, qui contestait la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad, a été arrêté et détenu à la prison d'Evin à Téhéran, la prison où lui-même avait été jeté par la police du shah.

"On ne savait pas où il était, ni même s'il était encore en vie", raconte-t-il. "Grâce à de vieux amis du temps de la révolution, qui occupaient encore des postes importants, j'ai pu savoir où il se trouvait."

Après avoir pris sa retraite de la magistrature il y a dix ans, Mohammad Reza a ouvert une petite épicerie à Téhéran. Il ne veut pas d'une autre révolution mais réclame un retour aux vrais principes défendus par l'ayatollah Khomeini, mort en juin 1989.

"A chaque fois que la révolution a eu besoin de moi, j'ai répondu présent. J'ai fait ce que j'ai pu, à la mesure de mes moyens. J'ai aidé les pauvres. Pendant les huit ans de guerre contre l'Irak, ma femme et mes filles faisaient la cuisine pour les soldats."

"Aujourd'hui, je connais beaucoup de gens qui ne peuvent même plus acheter à manger pour leur famille. Ils viennent dans mon magasin et je leur donne ce que je peux. Nous n'avons pas fait la révolution pour enrichir une petite élite."

Les autorités reconnaissent les ravages de la corruption mais affirment la combattre sans pitié.

"MORT AU DICTATEUR !"

Lors des récentes manifestations contre les difficultés économiques, le cri de "Mort au dictateur !" a parfois retenti. Il ne visait plus le shah mais le président Hassan Rohani et le guide suprême de la République islamique, successeur de Khomeini, l'ayatollah Ali Khamenei, ainsi que les Gardiens de la révolution.

Fin janvier, le président Rohani a reconnu l'impact des sanctions américaines sur l'économie du pays, "confrontée à ses plus graves difficultés depuis quarante ans".

Le président américain Donald Trump a dénoncé en mai dernier l'accord international signé en juillet 2015 sur le nucléaire iranien et a réimposé des sanctions à Téhéran.

Après les grandes manifestations de l'an dernier, des rassemblements plus modestes sont signalés de temps en temps pour dénoncer les difficultés actuelles, notamment le non versement des salaires.

Mohammad Reza soutient les manifestants. "On ne leur verse pas leur salaire, comment voulez-vous qu'ils paient leur loyer ?"

Plus des trois quarts de 85 millions d'Iraniens ont moins de trente ans et n'ont donc pas connu la révolution.

"Quand je vois comment le système actuel éloigne la jeune génération de l'islam et des vrais principes de la révolution, je suis triste et désespéré", confie Mohammad Reza.

(Avec Tuqa Khalid; Guy Kerivel pour le service français)

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