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France

Ce patron qui plaide pour le rétablissement de l'ISF

Le restaurateur parisien Xavier Denamur, rend publique sa feuille d'impôt pour Challenges. Cet assujetti à l'ISF devenu "Impôt sur la fortune immobilière", lance une pétition pour que le patrimoine soit taxé afin de financer la transition écologique.

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Xavier Denamur exploite cinq restaurants et emploie 71 salariés à Paris.

"L'ISF doit être révisé et rétabli pour financer la transition écologique", soutien le restaurateur Xavier Denamur. 

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Xavier Denamur n'appartient à aucun parti politique et s'amuse qu'on le présente régulièrement comme un "gilet jaune", alors qu'il n'a jamais porté le fameux gilet réfléchissant. En revanche, ce petit patron qui emploie 71 salariés à Paris et qui a vu son ISF baisser spectaculairement de 17.000 à 7.000 euros en devenant "impôt sur la fortune immobilière", s'indigne de l'inégalité fiscale. Soucieux d'appuyer sa démonstration par un exemple très concret, ce lanceur d'alerte, récemment convié par Cyril Hanouna et la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa lors de leur émission sur le Grand débat national, a transmis l'ensemble de ses feuilles d'impôts à Challenges. Outre la baisse spectaculaire de son impôt sur le patrimoine, on peut constater que ce chef d'entreprise "en nom propre" s'est vu attribuer près de 100.000 euros par Bercy au titre du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi en 2018 (CICE) sur sa feuille d'impôt sur le revenu. Une somme qu'il a reversé intégralement à ses salariés sous forme d'augmentations de salaires.

Challenges - Vous êtes chef d’entreprise et vous souhaitez le rétablissement de l’ISF. Pourquoi?

Xavier Denamur, restaurateur: C’est précisément parce que j’ai eu la chance de créer cinq établissements qui tournent assez bien que je m’oblige à rémunérer dignement mes 71 salariés et que je m’efforce d’agir en citoyen. Notre fiscalité n’est pas assez redistributive. Indépendant, je me fais un devoir d’interpeller nos responsables politiques pour définir, une bonne fois pour toutes, une fiscalité moins injuste et enfin efficace. 

L'IFI (Impôt sur la fortune immobilière) vient à peine de remplacer l'ISF. Il n'est pas un peu tôt pour le supprimer?

Réformer vite, c’est bien, à condition d’évaluer vite et de corriger vite. C’est un réflexe de chef d’entreprise: lorsqu’une réforme est imparfaite, voire néfaste, il ne faut pas perdre de temps pour la corriger. Le bilan de l’IFI est déjà connu: plus d’injustices, moins de rentrées fiscales et pas davantage d’argent investi dans l’économie. S’entêter, en attendant qu’un miracle transforme une mesure mal pensée en coup de génie, ce n’est pas le genre de notre jeune président.

Concrètement, qu’est-ce qui cloche avec l’IFI?

Soyons concret! Prenons deux foyers disposant chacun de 2 millions d’euros de liquidités et ayant des revenus annuels de 500.000 euros. Le premier investit dans un mas dans la Drôme, vaste et charmant, mais en piteux état. Acheté un million et demi d’euros, il nécessite 500.000 euros de travaux de rénovation. Le second, qui a choisi de louer sa résidence principale, investit son argent sur une des valeurs technologiques de la Bourse de New York. Résultat? Le premier doit s’acquitter d’une contribution de quelques milliers d’euros par an au titre de l’IFI; le second en est totalement exonéré. Ainsi, le foyer qui dope une économie étrangère, en l’occurrence l’économie américaine, est avantagé par rapport à celui qui fait tourner l’économie nationale. Pour Apple, c’est bingo;  pour les artisans qui pourraient être mobilisés afin de restaurer la demeure, c’est la cata! Pire: dans cinq ans, si les deux investisseurs ont eu le nez creux, le premier sera taxé sur sa plue-value à 45%, plus 17% de contributions sociales, alors que  l’autre, le boursicoteur, ne subira qu’une petite flat tax à 30%. Même sans appartenir au corps de l’Inspection générale des finances, je sais assez bien compter pour voir qu’il y a un loup.

Vous proposez de revenir à l'ISF?

Je préconise plutôt d’inventer un nouvel impôt sur le capital, une formule inédite, qui tire les leçons des défauts incontestables de l’ISF et des limites évidentes de l’IFI. Je propose un prélèvement plus simple, qui porterait sur des patrimoines réellement confortables et dont le produit, non négligeable et en complément des autres prélèvements obligatoires, servirait la nécessaire transition socio-écologique de notre pays. L’assiette, ce sera celle de l’ISF, qui avait l’avantage de toucher et l’immobilier et les valeurs mobilières, évitant de créer des effets de bascule d’un capital sur un autre. En revanche, le seuil de déclenchement, qui situait un foyer disposant d’un appartement familial à Paris dans la catégorie des riches, devrait être relevé. Avec un seuil de 2 millions d’euros, on évitera le syndrome du petit propriétaire terrien de l’Ile de Ré. 

Quel serait le taux?

Il s'agit d'être efficace sans être confiscatoire. A partir de 2 millions d’euros de capital, je propose une contribution de 1%. Ainsi, avec 3 millions d’euros de patrimoine, un foyer versera 10.000 euros au fisc. Avec 10 millions, 80.000 euros. Le foyer qui détient 20 millions ne devrait pas s’appauvrir de manière excessive, même avec une contribution de 180.000 euros. Pour rappel, le taux supérieur de l’ex-ISF, à partir de 10 millions d’euros, était de 1,5%! Si j’osais, j’ajouterais même une tranche supplémentaire à 2% au-delà de 20 millions d’euros! Sans plafonnement! 

Votre idée va déplaire aux plus riches…

Qu’on soit riche ou pas riche, on peut souhaiter privilégier le travail aux dépens de la rente. Et tous les citoyens, à fortiori les plus fortunés dont l’empreinte carbone est bien supérieure à la moyenne, doivent  prendre part à une transition écologique réussie qui reste l’urgence absolue. Si une partie de cet ISF rénové peut être déduit par les assujettis qui investissent dans le secteur du développement durable ou effectuent un don à des associations luttant contre la précarité énergétique, je parie qu’une cohésion sociale nouvelle pourra se former derrière la banderole "make the planet great again".

Que répondez-vous à ceux qui s’inquiètent de la fuite des grandes fortunes françaises? 

La France n’est pas soluble dans l’impôt. Ce qui fait fuir les grandes fortunes, c’est l’absence de perspective pour leurs enfants. Et aussi la mauvaise gestion des deniers de l’Etat. En revanche, si un président courageux défend un impôt  juste et utile au pays, je fais le pari qu’il bénéficiera du patriotisme fiscal des élites. Je viens de mettre en ligne une pétition pour cet impôt de solidarité écologique sur la fortune, j’espère qu’un large public la signera et la diffusera. Et qui sait, le Président viendra peut-être y répondre personnellement.

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