C’est une décision potentiellement lourde de conséquences pour l'industrie minière, que vient de rendre un tribunal australien. Pour rejeter un projet de mine de charbon, celui-ci a en effet invoqué le changement climatique et l'Accord de Paris.

La contribution d’un projet industriel au changement climatique via ses émissions de gaz à effet de serre, est-elle un motif de refus de sa mise en œuvre ? Oui, a estimé le tribunal des affaires foncières et environnementales de l’État de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. Dans un jugement rendu le 8 février, il rejette un projet de mine de charbon en s’appuyant sur les études d’impact local et les répercussions secondaires en termes de réchauffement climatique liées à l’utilisation du charbon.
"Toutes les ressources naturelles ne doivent pas nécessairement être exploitées."
Le projet de mine de charbon à ciel ouvert de Rocky Hill, situé à Gloucester, au nord de Sydney, intervient "au mauvais endroit, au mauvais moment", a déclaré le juge Brian Preston. "Au mauvais endroit parce qu’une mine de charbon à ciel ouvert dans ce paysage spectaculaire et culturel (…) aura des impacts importants en termes visuels, sociaux et d’aménagements".
"Au mauvais moment parce que les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la mine de charbon et des produits du charbon accroîtront les concentrations mondiales de GES au moment où ce qui est nécessaire et urgent, pour atteindre les objectifs climatiques qui ont été agréés, est une baisse rapide et profonde des émissions de GES", écrit le juge. "Il faut éviter ces conséquences graves. Le projet doit être refusé", poursuit-il. "Toutes les ressources naturelles ne doivent pas nécessairement être exploitées."
La décision cite à de multiples reprises l’Accord de Paris sur le climat, que l’Australie a ratifié en 2016, et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Des climatologues ont également été appelés à témoigner, tel que Will Steffen, chimiste et spécialiste du climat. Il a rappelé que la température moyenne de surface avait augmenté en Australie d’un degré au cours du dernier siècle.
Le contentieux climatique est né
Les organisations environnementales ont fait de la mine de Rocky Hill un dossier "de référence" pour le droit australien en espérant qu’il crée un précédent. "C’est une décision d’une importance énorme", a déclaré l’avocat David Morris, conseil du Bureau des défenseurs de l’environnement (EDO), une ONG qui représente les habitants en lutte contre le projet. "Cela annonce l’arrivée du contentieux climatique en Australie", a-t-il dit à l’AFP. "C’est la première fois que le changement climatique est utilisé comme un motif de refus d’un projet d’énergie fossile dans ce pays et, à ce que je sache, ailleurs aussi."
Le tribunal avait été saisi par Gloucester Resources après que son projet de mine eut été rejeté par les autorités de Nouvelle-Galles du Sud. Le groupe minier non coté espérait extraire 21 millions de tonnes de charbon sur 16 ans et promettait la création de 170 emplois. Il peut encore faire appel de la décision.
Un impact potentiellement important pour l’industrie minière
La Fondation australienne pour la conservation (ACF) a de son côté présenté la décision judiciaire comme "importante". Si elle se voyait confirmée, elle pourrait être lourde de conséquences pour l’industrie minière, très forte en Australie. On pense notamment au gigantesque projet Carmichael du géant indien Adani, confrontés, comme de nombreux autres projets miniers, à de multiples recours judiciaires en raison de leur impact environnemental.
L’Australie est un des premiers producteurs de charbon au monde, et son premier exportateur, alimentant les centrales électriques de Chine, d’Inde, de Corée du Sud ou du Japon. En raison de sa dépendance massive au charbon et de sa population relativement restreinte, l’Australie est aussi l’un des pays qui génère le plus de gaz à effet de serre par habitant.
Le gouvernement conservateur traîne les pieds en matière de lutte contre le réchauffement, ayant fait du développement économique une priorité aux dépens des objectifs de réduction des émissions. Il a reconnu en décembre 2018 être mal parti pour respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 déterminés dans le cadre de l’Accord de Paris.
Béatrice Héraud avec AFP

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