Transport, énergie, chimie, médecine, agriculture… Le pétrole est présent dans chaque segment de notre civilisation. Et nous sommes loin d’en avoir fini avec cet hydrocarbure. Le passage du seuil des 100 millions de barils de pétrole consommés chaque jour le prouve. Si la sortie du charbon est en bonne voie, celle du pétrole s’annonce beaucoup plus compliquée.

Ce n’est qu’un symbole mais il marque les esprits. Depuis fin 2018, les gosiers mécaniques de l’humanité engloutissent plus de 100 millions de barils de pétrole par jour, soit 15,9 milliards de litres d’or noir quotidiennement. L’équivalent de plus de 6 400 piscines olympiques, à raison d’une piscine vidée toutes les 13 secondes.
En 2017, le monde en consommait 97 millions par jour et, en 2008, "seulement" 87 millions. "L’évolution de la consommation n’est pas en ligne avec la transition énergétique. Il faudrait diminuer cette consommation qui ne fait que croître", constate Guy Maisonier, directeur général adjoint de l’Institut Français du pétrole énergies nouvelles (IFPEN).
Tandis que les pays industrialisés stabilisent leur consommation, celle des pays émergents explose à la faveur de l’augmentation du pouvoir d’achat de la population. Selon l’institut français, la demande va croître de 11 millions de barils par jour jusqu’en 2040, avec une dynamique particulièrement soutenue jusqu’en 2025.
Résilience de l’industrie pétrolière
Cette augmentation prend en compte les atténuateurs que sont l’essor des véhicules électriques, l’optimisation des moteurs thermiques et le recours aux énergies renouvelables. Les principaux secteurs contributeurs sont par ordre décroissant la pétrochimie, le transport routier lourd, l’aviation et le secteur maritime. En revanche, le secteur énergétique va réduire sa consommation de plus de 2 millions de barils par jour d’ici 2040.
Le seuil des 100 millions de barils et ces perspectives de croissance mettent en avant deux éléments clés. Le premier est l’incroyable résilience de l’industrie pétrolière. À partir du second semestre 2014 et les deux années qui suivirent, les prix se sont effondrés passant de près de 120 dollars par baril à 30 dollars. Une chute qui a mis tous les pétroliers de la planète dans le rouge et a relégué au placard les projets d’extraction les plus complexes.
Depuis les cours se sont stabilisés aux alentours de 60-70 dollars. On aurait alors pu croire que cette industrie avait mangé son pain blanc. Mais en rationalisant ses process, elle a abaissé drastiquement son point mort, c’est-à-dire le prix à partir elle gagne de l’argent. Il est passé, en moyenne, de 80 à 50 dollars par baril, renouant avec les bénéfices.
Parité avec l’investissement dans les renouvelables
Preuve en est avec Total, la cinquième major de la planète. Le Français vient d’annoncer des résultats 2018 en hausse de 28 %, à 13,6 milliards de dollars. "Ces excellents résultats ont été tirés par la forte croissance de plus de 8 % de la production d’hydrocarbures qui a atteint un niveau record de 2,8 millions de barils équivalent pétrole par jour", se réjouit le PDG Patrick Pouyanné.
Le second élément est le fait que la limitation de la ressource pétrolière, le fameux peak oil (pic pétrolier), imaginée dès les années 50, n’est décidément qu’un mythe. Tant qu’on cherche du pétrole, on en trouve. Quand bien même les forages en mer – trop coûteux – ont reculé de 4 % en 2018, ceux à terre ont cru de 7 %. 67 000 puits à terre ont été forés l’année passée. Le pétrole de schiste américain en alimente une bonne part. Loin d’être le feu de paille prédit par certains, il permettra, selon l’Agence Internationale de l’énergie, aux États-Unis de devenir exportateur net de pétrole à partir de 2020. Une situation inimaginable pour ce pays, qui était importateur net depuis 1953 !
Cette solidité de l’industrie pétrolière se voit dans ses investissements. L’année passée, 382 milliards de dollars ont été dépensés dans l’exploration-production, en croissance de 7 % par rapport à 2017, rapporte l’IFPEN. Cette somme est à mettre en regard des investissements dans les énergies renouvelables. Ils ont atteint 340 milliards de dollars l’année passée. Cette quasi-parité est réjouissante car elle est entre autres due à l’implication des pétroliers – qui ont de moyens financiers considérables- dans la transition. Reste que dans les années à venir, l’investissement pétrolier devrait progresser plus vite que le reste.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin

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