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"Ligue du LOL" : les anciens "caïds de Twitter" accusés de harcèlement

Un groupe d'utilisateurs influents de Twitter est accusé d’avoir harcelé des internautes - des femmes la plupart du temps - au tournant des années 2010. Depuis cette semaine, les témoignages de victimes affluent.

Thomas Liabot , Mis à jour le

"Ces gens-là, ils pensaient faire des blagues, mais ils nous ont pourri la vie" ; "C’était le forum 18/25 de jeuxvideo.com avant l’heure" ; "Ils étaient complètement inconséquents". Depuis quelques jours, des victimes de harcèlement dénoncent les agissements sur Internet de plusieurs journalistes, publicitaires et communicants qui, au tournant des années 2010, se sont réunis dans un groupe Facebook appelé la "Ligue du LOL". Une libération de la parole qui s'est amplifiée avec la publication d'un article de Libération sur le sujet vendredi. Certains de ses membres, aujourd'hui reconnus dans leurs professions, ont présenté leurs excuses.

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"Un monstre" créé par Vincent Glad

Créée à la fin des années 2000, la "Ligue du LOL" est un groupe Facebook qui a regroupé une trentaine de journalistes, blogueurs, communicants et publicitaires parisiens. "Nous étions influents [...] Il y avait beaucoup de fascination autour de nous, on était un peu les caïds de Twitter", a expliqué à Libération Vincent Glad, le créateur du groupe. Le journaliste, qui travaille également à Libération, est revenu dimanche dans un long texte d'excuses sur la genèse de cette "ligue", en 2009, créée avec l'idée de "seulement de s'amuser". "Il y avait au départ une quinzaine de mecs et deux ou trois filles. Je n'en étais pas conscient mais déjà, cela partait très mal", reconnaît-il.

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"Je voyais juste un grand bac à sable, une grande cour de récré, dans laquelle rien n'avait de conséquence. Aujourd'hui, au vu des témoignages que je découvre, je ne peux que constater que je me suis profondément trompé", explique encore Vincent Glad. "En créant ce groupe, j'ai créé un monstre qui m'a totalement échappé", poursuit-il en estimant s'être "rendu coupable des agissements des autres".

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Un groupe "brillant" et "bête"

"Cette observation du petit monde de Twitter s’est cristallisée sur des personnes" et "s’est transformée en un truc que je supportais moins", affirmait avant cela Vincent Glad à Libération. "Si on critiquait quelqu’un, ça pouvait prendre beaucoup d’ampleur", reconnaît également Vincent Glad, tout en regrettant qu'on attribue "tous les malheurs d’Internet" à ses membres.

"Plein de twittos [y] tenaient un véritable observatoire des trucs drôles de Twitter", expliquait aussi le journaliste Henry Michel, qui en a été membre. "C’était brillant, c’était bête, il y avait ce côté observatoire des personnages de Twitter, on s’échangeait des liens, des photos, on se moquait des gens. C’est l’endroit où je me suis tapé les plus grosses barres de rire à l’époque" ajoute-t-il.

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Les témoignages de victimes se multiplient

Plus qu'un humour douteux, ce sont des faits de harcèlement qui sont aujourd'hui reprochés à certains des membres de la "Ligue du LOL". Ils "ont harcelé des meufs pendant des années et ont continué leurs carrières pépères sans jamais s’excuser ni avoir à rendre des comptes", dénonçait une utilisatrice de Twitter mercredi. "Pendant plusieurs années sur Twitter, moi et d’autres copines féministes, on a été la cible de ces petits mecs parisiens qui se foutaient de notre gueule", ajoute l'auteure féministe Daria Marx.

Depuis quelques jours les témoignages se multiplient :

  • "Un jour, l’un des membres de cette ligue a pris une image porno d’une nana grosse et blonde qui pouvait vaguement me ressembler et a commencé à faire tourner l’image sur Twitter en disant qu’il avait trouvé ma sextape", explique par exemple Daria Marx à Libération.
  • Un "journaliste m'avait appelée en se faisant passer pour le rédacteur en chef d'une émission très en vue pour me proposer de l'intégrer", avant de publier sur Internet ce "canular téléphonique", raconte l'auteur et youtubeuse Florence Porcel 
  • "La Ligue du LOL, c'est ce qui m'a poussée à quitter [Twitter]", explique la journaliste Mélanie Wanga, qui affirme avoir été victime de harcèlement "sexiste et raciste".
  • "La #liguedulol m’a repérée et a commencé son travail de sape petit à petit. Montages photos/videos visant à se moquer de moi. Archivage des petites bêtises que j’avais pu tweeter pour me les ressortir systématiquement pendant des années, critiques récurrentes sur mon apparence... tout ça de façon régulière, gratuite, et entraînant tout un tas de twittos dans leur sillage malsain & dévastateur", a également tweeté la journaliste Capucine Piot.

La secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes Marlène Schiappa a réagi à ces témoignages, affirmant son "soutien" et sa "solidarité" aux "blogueuses et journalistes qui ont eu à subir le harcèlement sexiste de la #LigueDuLol".

Les excuses des anciens membres

Depuis samedi, plusieurs journalistes ont réagi aux accusations, confirmant avoir été membres de la "Ligue du LOL" et présentant leurs excuses.

Journaliste à Libération, Alexandre Hervaud a expliqué sur Twitter qu'il "assume" ses "conneries" mais pas "celles des autres". "Aux personnes qui se sont senties visées ici ou ailleurs depuis 11 ans par une ou plusieurs de mes saillies ricaneuses, je peux difficilement dire autre chose qu'un sincère 'je m'excuse, c'était vraiment pas malin, et ça ne se reproduira plus'", a-t-il tweeté.

Un rédacteur en chef du site Internet des Inrocks a lui aussi reconnu avoir fait partie du groupe "durant 2 ans" et a publié une long message d'excuses sur Twitter (mise à jour du 16 octobre 2019 : il a depuis effacé son message). "Je ne devinais pas l'ampleur et les traumas subis. J'étais lâche et trop heureux de compter parmi cette bande que la twittosphère d'alors admirait, pour intervenir", a-t-il écrit. Il a notamment répondu aux accusations de Florence Porcel (qui n'avait pas mentionné son nom) et reconnu avoir participé à "deux canulars téléphoniques" : "Je mesure aujourd'hui la dégueulasserie de ces actes et je n'ai pas d'excuses pour cela."

Christophe Carron, rédacteur en chef à Slate, a dit sur Twitter qu'il était "désolé", assurant qu'il allait "tout raconter, et tout expliquer". Le youtubeur et animateur d'un podcast culinaire Guilhem Malissen s'est également excusé, expliquant ne pas avoir eu "conscience d'harceler" et regrettant ses "anciens tweets". Henry Michel a lui expliqué ce que représentait l'appartenance à ce groupe à l'époque, affirmant avoir voulu"jouir très lâchement du sentiment '"d’en être'". "Je m’excuse auprès de tous les gens qui m’ont connu 'd’après'", a-t-il tweeté.

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