A Strasbourg, cette école d’exception inspire Jean-Michel Blanquer

Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, veut multiplier les écoles internationales d’un nouveau genre, inspirés d’un établissement créé en Alsace en 2008. Le Parisien y est allé.

 Strasbourg (Bas-Rhin), lundi 4 février 2019. Cette école d’excellence, unique en France, est en priorité réservée aux enfants de fonctionnaires de l’Union européenne.
Strasbourg (Bas-Rhin), lundi 4 février 2019. Cette école d’excellence, unique en France, est en priorité réservée aux enfants de fonctionnaires de l’Union européenne. LP/Olivier Arandel

    Heike Seith se penche sur les cahiers de Lena et d'Ylvi. La leçon du jour pour ces deux petites filles de son CE1 : un cours de grammaire allemande. Logique, toutes les discussions dans sa classe se font dans cette langue et l'institutrice elle-même vient d'outre-Rhin. Quelques mètres plus loin, on ouvre la porte d'une autre salle où des ados suivent un cours d'économie en anglais. Autre pièce, autre langue : des adolescents débattent en français avec leur enseignante des muses de la Grèce antique. Plus classique ? Non, certains d'entre eux bavardent en anglais dès que le prof tourne le dos.

    Vous êtes perdu? Bienvenue à l'école européenne de Strasbourg (Bas-Rhin), un cas encore unique en France, mais que le ministère de l'Éducation nationale veut encourager dans la loi qui sera débattue à partir de ce lundi, à l'Assemblée nationale. Ses quelque 962 élèves de 4 à 18 ans représentent 48 nationalités et une trentaine de langues d'origine. « Et nos enseignants viennent de 13 pays différents, poursuit le directeur des lieux, Olivier Tedde. À l'arrivée, cela fait un sacré mélange pédagogique. »

    D'abord réservée aux enfants de fonctionnaires de l'UE

    Le prix pour inscrire son enfant dans cette tour de Babel éducative où il sera progressivement amené à multiplier les cours dans une autre langue? Nul, l'école est publique et gratuite. Mais y entrer n'est pas aisé puisqu'elle est réservée en priorité aux enfants des fonctionnaires du Parlement européen, que l'on aperçoit de l'autre côté de l'Ill à quelques centaines de mètres, et d'autres institutions comme le Conseil de l'Europe. Les autres peuvent y accéder… seulement s'il reste de la place.

    « Ce ne sont pas des règles élitistes, il s'agit juste de répondre à un besoin de scolarisation pour des familles qui viennent parfois juste vivre quelques années en France et qui ne parlent pas un mot de notre langue en arrivant », assume le président de l'association de parents d'élèves, Florent Didelot. « Ce n'est pas une école réservée aux riches, poursuit la vice-présidente Muriel Julien. Si vous travaillez comme vigile au Parlement européen, vous pouvez y inscrire votre enfant. »

    Cette école unique en France, membre d'un réseau d'établissements répartis dans l'Union, s'est érigée en 2008 grâce à l'appui de Nicolas Sarkozy. À l'époque, les élèves de fonctionnaires de l'Union européenne sont répartis entre une école similaire à Karlsruhe en Allemagne, d'autres établissements frontaliers et des écoles internationales à Strasbourg.

    Financée par le Parlement européen

    Dans la préfecture du Bas-Rhin, des associations de parents d'élèves ont pesté contre cet OVNI financé par l'argent public. Mais pas que : le Parlement européen verse 6500 euros pour chaque enfant scolarisé par l'un de ses employés dans le primaire, 9500 dans le secondaire. « Cet argent sert uniquement à monter des projets pédagogiques et les élèves dont les parents ne travaillent pas au Parlement européen en profitent aussi », insiste Olivier Tedde.

    À l'école européenne, les intervenants extérieurs se succèdent et les professeurs montent régulièrement des voyages au sein de l'Union européenne. Ici, même le cursus est différent puisque les élèves ne passent pas un bac classique, mais « européen ». « En théorie, ils doivent savoir maîtriser deux langues à ce stade, décrit le directeur du secondaire, Christophe Rauscher. Mais on a une bonne partie de trilingue. On n'est plus capables de dire quelle est la langue maternelle de tel ou tel jeune. »