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«Les écosystèmes ne peuvent pas continuer à absorber beaucoup de CO2»

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Une étude relativise la capacité de la végétation de la Terre à absorber nos émissions de CO2 si les sécheresses deviennent plus fréquentes.
par Margaux Lacroux
publié le 12 février 2019 à 6h26

 Tous les jours, retrouvez le fil vert, le rendez-vous environnement de Libération. Aujourd’hui, c’est la règle de trois : trois questions à un scientifique pour décrypter les enjeux environnementaux.

Il ne faut pas trop compter sur la végétation terrestre pour absorber nos émissions de CO2 sur le long terme. En cause, la multiplication des événements extrêmes, qui créent un contexte pas idéal pour l'absorption du dioxyde de carbone. C'est ce qui ressort d'un article scientifique publié par sept chercheurs dans la revue Nature. La géophysicienne suisse Sonia Seneviratne, co-auteure de ce travail, analyse les résultats.

Pourquoi les forêts sont-elles des puits à dioxyde de carbone moins efficaces que ce qu’on pensait ?

Pendant les années sèches, les écosystèmes (forêts, sols et prairies) capturent beaucoup moins de CO2. Et ça n'est pas compensé par les années humides pendant lesquelles il y a une saturation : il n'y a pas d'augmentation supplémentaire de la capture du CO2. La question principale est : dans quelle mesure va-t-on vers plus de conditions sèches dans le futur ou pas ? C'est un point qui reste à résoudre. Le rapport du Giec, sorti cet automne, montre, dans certaines régions, l'augmentation du risque de sécheresse au-dessus de 1,5°C, et d'autant plus avec des niveaux plus élevés de réchauffement climatique.

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Au début de votre article, vous rappelez que 25% des émissions de CO2 actuelles sont stockées sur les continents par les sols, forêts, prairies… Et sur le long terme ?

A un moment, il peut y avoir un retournement : avec une trop grosse augmentation des sécheresses, ce puits ne va pas continuer à se maintenir de manière indéfinie. Les possibilités de stockage vont diminuer. Et on sait que le risque augmente avec le réchauffement global. C'est particulièrement le cas sur le pourtour méditerranéen, où nous observons déjà une augmentation des sécheresses qui peut être attribuée au réchauffement actuel de 1°C. Et ce risque va augmenter si les émissions de CO2 persistent et induisent un réchauffement global à 1,5 et au-delà.

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D'autres études ont été trop optimistes en disant que dans le contexte d'une augmentation des concentrations de CO2, les plantes pourraient continuer à prendre du CO2 et en plus résister à la sécheresse. C'est ce que l'on appelle l'effet de fertilisation sur les plantes. S'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, les plantes évaporent moins. Mais si elles sont soumises à une pénurie d'eau, elles auront tendance à arrêter leur photosynthèse et donc à arrêter de prendre du CO2. L'effet de la sécheresse est donc très important et peut annuler l'effet de la concentration du COsur la croissance des plantes.

La séquestration du CO2 est de plus en plus présentée comme une solution miracle pour limiter et atténuer le changement climatique. A-t-on été trop optimiste ?

Ces processus sont représentés dans les modèles climatiques, donc en soi, on ne peut pas dire que les modèles sont erronés. Il faut prendre conscience du fait que les écosystèmes ne peuvent pas continuer à absorber beaucoup de CO2 si on va vers des conditions beaucoup plus sèches. Puisque le CO2 s'accumule dans l'atmosphère, la capture par les plantes peut aider un peu mais il y a ce phénomène de saturation. Ce serait rêver qu'imaginer qu'on peut simplement compenser en plantant plus de forêts ou de végétation. Et le stockage dans le sol peut ne pas être définitif. Il est donc avant tout important de diminuer les émissions de CO2, ce qui ne peut être atteint seulement avec un arrêt de l'utilisation des combustibles fossiles.

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