Les "Pics d'or", la cérémonie satirique qui "récompense" les pires dispositifs anti-SDF

© KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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Anaïs Huet
Par cette cérémonie mercredi soir, la Fondation Abbé Pierre entend dénoncer "les pratiques inhumaines" des villes et sociétés qui mettent notamment en place du mobilier urbain anti-SDF.
INTERVIEW

Après avoir dénoncé les équipements urbains anti-SDF l'an dernier, la Fondation Abbé Pierre a décidé cette année de les "récompenser". "Evidemment, c'est satirique", précise Bruno Morel, directeur général d'Emmaüs Solidarité, au micro de Matthieu Noël sur Europe 1. Mercredi soir, lors de cette cérémonie baptisée "Les Pics d'or", en référence aux grillages surmontés de pointes qui empêchent les SDF de s'installer devant des banques ou des institutions, il remettra lui-même un prix, tristement ironique.

Des douches automatiques anti-SDF. "On va récompenser tous les gens qui ont des initiatives de mobilier anti-SDF : des barreaux, des grillages, des picots sur le sol… Toutes ces mesures qu'il faut impérativement dénoncer", explique Bruno Morel. L'an dernier, un exemple mis en exergue par les associations d'aide aux personnes sans domicile fixe avait particulièrement suscité l'indignation : les douches automatiques installées dans les porches de garage, qui se déclenchent en cas d'installation prolongée d'un SDF à cet endroit. "Ça s'est arrêté pendant quinze jours et ça a repris après. Et c'est très curieux, elle vient de s'arrêter il y a quelques jours", glisse le directeur général d'Emmaüs Solidarité.

Des dispositifs aberrants, en France et ailleurs. Les "Pics d'or" ne "récompenseront pas uniquement ces types de mobiliers urbains". Certaines villes tiennent un discours d'apparence solidaire, mais appliquent des dispositifs visant à excentrer au maximum les personnes en situation de pauvreté. "Dans les nominés, on peut citer Lourdes qui prend des arrêtés anti-mendicité pendant les pèlerinages", souligne Bruno Morel. Sur ce point, "l'imagination est aussi internationale", assure-t-il. Et d'illustrer : "Une petite ville de Suède donne une autorisation pour pouvoir mendier… mais il faut d'abord payer 15 euros."

"On ne peut pas rendre les pauvres invisibles". "Cette manifestation humoristique est un moyen d'attirer l'attention et de dire qu'on ne peut pas rendre les pauvres invisibles et les reléguer dans des zones de non-humanité. Les SDF se mettent de plus en plus loin, dans des endroits cachés, et ils se mettent ainsi en danger", soutient Bruno Morel, qui prône le retrait de tous les dispositifs anti-SDF. "Il faut d'ailleurs insister auprès des banques qui sont les spécialistes des équipements avec des picots ou autres formes de grillage."

La France comptait en 2012 143.000 personnes sans domicile fixe, un chiffre qui était en augmentation de 50% par rapport à 2002. Les associations déplorent que depuis, aucun recensement national n'a été effectué.