Ecrivaines, dramaturges, autrices : la longue histoire des femmes de lettres : épisode • 3/4 du podcast Femmes artistes

Marguerite Duras (1914-1996) ©Getty - Jacques Haillot/Sygma
Marguerite Duras (1914-1996) ©Getty - Jacques Haillot/Sygma
Marguerite Duras (1914-1996) ©Getty - Jacques Haillot/Sygma
Publicité

Moche, hideux, grotesque ? Pourquoi le substantif autrice suscite-t-il tant de réactions épidermiques alors qu'auditrice ou actrice ne heurtent personne ?

Avec
  • Aurore Evain Autrice, chercheuse et metteuse en scène
  • Corinne François-Denève Maître de conférences en littérature comparée à l'Université de Bourgogne
  • Christine Planté Professeur émérite de littérature française et d'études sur le genre à l'Université Lyon II

Emmanuel Laurentin s'entretient avec Aurore Evain, historienne de l’Ancien Régime, auteure d’une recherche sur l’histoire du terme “autrice”, Corinne François-Denève, maîtresse de conférences en littérature comparée à l'Université de Bourgogne et Christine Planté, professeure émérite de littérature française  et d'études sur le genre à l'Université Lyon II.

Autrice, un néologisme ?

Aurore Evain : Pas du tout ! C'est en travaillant sur les premières actrices aux XVIe et XVIIe siècle, dans les registres de comptes de la Comédie française du XVIIe siècle, que j'ai découvert ce mot. Autrice existe depuis l’Antiquité - auctrix, féminin latin du mot auctor - et depuis l’Antiquité on lui fait la guerre ! Au XVIe siècle, les premières écrivaines professionnelles comme Marie de Romieu ou Marie de Gournay étaient nommées ainsi. Mais quand l’Académie française s'est constituée au XVIIe siècle, le mot est rejeté et il n'apparaît pas dans les premiers dictionnaires de français.  Il continue pourtant à être revendiqué au XVIIIe siècle par des lectrices, des journalistes. Sauf qu’il n’a plus d’histoire : en l'espace de cinquante ans, elle a été effacée. Il continue d'être revendiqué mais en tant que néologisme, donc il perd sa légitimité, ce qui nous ramène à cette question de l’importance de la mémoire, de la filiation. On ne perd jamais sa trace : à la fin du XIXe siècle, la romancière Marie-Louise Gagneur interpelle l’Académie pour l'utiliser à nouveau. Mais ce n’est qu’au XXIe siècle, il y a seulement dix ans, que l’on commence à se ré-emparer de ce mot, à avoir connaissance de son histoire, et parce qu'il s'agit d'une question éminemment politique.

Publicité

Reconnaître l'existence d'une continuité entre autrices de toutes les époques est-il suffisant ?

Christine Planté : On ne sortira des stéréotypes de la minoration et du mépris pour les femmes seulement en répétant ce que l’on fait à chaque génération : qu’il y a eu des femmes admirables, qu’elles ont écrit, joué un rôle, etc. si l’on ne s’interroge pas aussi sur leurs relations avec leurs contemporains, sur les conflits, sur les enjeux de pouvoir. On peut espérer sortir un jour d’une histoire qui ignore et minore les femmes - ou les assigne à catégories ainsi : en observant comment la littérature est traversée des rapports de domination entre hommes et femmes, mais aussi comment elle les modifie. La littérature est en effet le lieu où l’on s’est beaucoup interrogé sur les rôles, les normes. Et souvent, si les femmes sont rejetées, méconnues ou inacceptables c’est parce qu’elles interrogent trop fortement les hiérarchies en place, comme on le voit avec George Sand ou Madame de Staël. L’approche en termes de genre revient à se dire qu’il n’y a pas un problème avec les femmes qui seraient des êtres particulièrement affligés au regard de l’humanité mais qu’il existe des relations - culturelles, sociales, symboliques - entre masculin et féminin qui expliquent la position que l'on attribue aux œuvres et aux êtres.

Musiques diffusées

  • Juliette, Rimes féminines
  • Ulrika Lindholm, God afton, flicka lilla, chanson d’amour interprétée par Astrid Pullar

Agenda

  • Lundi 11 mars, 20 h 30, Lecture de Un ange descendu du ciel, d’Anne Charlotte Leffler (traduction de Corinne François-Denève), Amphithéâtre de la Bibliothèque Sainte-Barbe, Paris. En association avec Les Lectures vagabondes / Rue du Conservatoire, l’association La rue Blanche-Ensatt, la Compagnie Benoit Lepecq, la Bibliothèque Nordique et la Bibliothèque Sainte-Barbe. Entrée libre sur réservation : bsgnordique@sorbonne-nouvelle.fr
  • Du 9 au 19 mai 2019 : Madame de Villedieu Le Favori, tragi-comédie (augmenté d'un prologue d'Aurore Evain) au Théâtre de l’Epée de bois - Cartoucherie de Vincennes 
C'était à la une
5 min

L'équipe