Netflix passe devant Canal+ en France
Avec 5 millions de comptes, l'Américain dépasse le Français en nombre d'abonnés. Pas en termes de revenus.
Flashback automne 2014 : Netflix se lance en France. Les télévisions nationales sont sereines : le service de vidéo à la demande (SVOD) américain par abonnement n'a que des contenus tricolores bas de gamme, il ne se passera pas ce qui s'est produit en Grande-Bretagne. Le public local ne mordra pas.
Quatre ans et demi plus tard, Netflix est devenu le premier acteur de la télévision payante en France en nombre d'abonnés, puisqu'il a dépassé les 5 millions de comptes, comme l'a confirmé la société suite à une information du « Figaro ».
Avec ses 4,757 millions d'abonnés individuels (le chiffre, datant de novembre, va être mis à jour jeudi avec la publication des annuels de Vivendi), Canal+ est devenu le challenger en son domaine, même s'il faut bien entendu prendre en compte que son revenu par abonné reste bien supérieur puisque le revenu moyen des abonnés Canal tourne autour d'une quarantaine d'euros contre une dizaine pour ceux de Netflix. Et en termes d'usage, les Français ne passent pas encore 10 % de leur « temps d'écran télé » devant Netflix comme aux Etats-Unis mais seulement entre 1 % et 2 %.
Mais en moyenne, 1,7 million de personnes regardent tous les jours Netflix et autres services de vidéo à la demande (dont 60 à 70 % Netflix) en prime time, selon une étude de NPA Conseil. Sur ce créneau horaire, Netflix est même devenue la cinquième chaîne française . N'en déplaise aux chaînes gratuites, les investisseurs sur les marchés financiers ont commencé à prendre en compte l'impact sur l'audience qu'ont les services de vidéo à la demande .
15 productions françaises en cours
Netflix en était à 3,5 millions d'abonnés en avril dernier, comme l'avait révélé « Libération ». Et la dynamique ne faiblit pas, assure la société, dont le patron Reed Hastings était à Paris la semaine dernière. Le service va ouvrir son bureau français cet été avec une vingtaine de personnes. Selon les estimations de la société, le bureau parisien devrait compter autant de personnes que celui de Londres - environ 70 - d'ici quelques années. Une quinzaine de projets audiovisuels sont à divers points de préparation dans l'Hexagone, dont le film « Paris est à nous » et la série « Osmosis ».
Face à un Netflix conquérant, un Amazon Prime Video pour l'instant plus hésitant mais peut-être pas pour toujours, un Disney et un WarnerMedia (avec HBO) qui vont sans doute arriver bientôt en service de streaming se vendant directement aux consommateurs, Canal+, l'ex roi de la télé payante se voit désormais en position de challenger. D'autant qu'aux services américains pourraient bientôt succéder des services chinois dans quelques années. L'actionnaire principal de Mediapro, qui a racheté les droits de la Ligue 1 est d'ailleurs lui-même chinois. D'où l'importance pour Canal qu'on allège la réglementation française avec la réforme de l'audiovisuel et qu'on le mette sur un pied d'égalité avec les services étrangers.
Alléger les règles pour les télévisions françaises
Pour résister au rouleau compresseur Netflix, Canal+ cherche à se différencier en se positionnant d'abord comme un modèle unique dans le monde avec une offre généraliste premium proposant à la fois du sport et des fictions. Et pour élargir sa base d'abonnés et attirer de nouveaux clients avec des formules moins onéreuses, il multiplie ses offres ; un service de séries autour de 10 euros pour les jeunes, devrait ainsi se concrétiser bientôt.
La filiale de Vivendi fait aussi le pari que son modèle et son expertise dans des contenus européens peuvent s'exporter, comme le prouvent les succès récents de son internationalisation. L'acteur français ne sera sans doute jamais aussi puissant que le poids lourd américain mais il cherche à trouver sa place avec une promesse différente et plus cher.
En France comme à l'international, Canal+ se fait aussi fort de développer son activité de distributeur en servant de relais aux éditeurs de contenus concurrents de Netflix ou Disney qui n'auront pas forcément les moyens de partir seuls à la conquête des clients au niveau mondial. Certains studios hollywoodiens ne vont ainsi pas ouvrir de services de streaming (par exemple Showtime : « The Affair », « Billions ») et auront besoin de la puissance de distribution des opérateurs clefs de la télé payante comme Canal. Mais bien qu'ayant atteint la barre des 5 millions d'abonnés en France, Netflix dispose encore sans doute d'une vraie réserve de croissance.
Nicolas Madelaine