Interdiction de la pêche électrique : la fin d'une "politique de la mer brûlée"

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Interdiction de la pêche électrique : la fin d'une "politique de la mer brûlée"

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Un exemple de poisson abimé, qui présente des marques de brûlures qui pourraient provenir des électrodes des chalutiers néerlandais
Un exemple de poisson abimé, qui présente des marques de brûlures qui pourraient provenir des électrodes des chalutiers néerlandais
© Radio France - Rosalie Lafarge

Un accord vient d'être trouvé entre le Parlement européen et les États membres concernés pour interdire la pêche électrique à l'été 2021. La méthode est particulièrement critiquée pour son impact désastreux sur l'environnement, dénoncé notamment par l'ONG Bloom. Sa présidente Claire Nouvian s'en réjouit.

FRANCE INTER : Cela fait des années que votre association se bat pour faire interdire cette pêche, quelle est votre première réaction à cette annonce ?

CLAIRE NOUVIAN : "C'est un compromis politique : dans le meilleur des mondes, on aurait voulu une interdiction à la fin de l'année 2019, mais ça n'a pas été possible. On est quand même partis dans cette campagne en 2016, en se disant que c'était impossible de gagner une interdiction... et là, on y est ! On peut se débarrasser de ce fléau de la pêche électrique à long terme.

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C'est une pêche barbare, et un artifice technologique qui permettait aux Néerlandais d'arrêter de perdre de l'argent. Ils ont de grandes machines industrielles, des bateaux qui raclent le fond, ils dépensent donc beaucoup d'énergie et de gasoil avant d'attraper le premier poisson. Ils perdaient de l'argent parce qu'il n'y avait plus assez de poissons ! Ils étaient donc obligés de trouver des astuces pour continuer à remplir leurs filets et donc leurs comptes en banque. Ça permet de se débrouiller pendant un temps... Mais à long terme, même eux sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis."

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En quoi c'est une très bonne nouvelle pour l'environnement ?

"D'une part, le chalutage électrique, c'est du chalutage, des filets qui raclent le fond. Mais en plus, on électrocute la vie marine. Les grands poissons se retrouvent parfois avec la colonne vertébrale fracturée, tellement l'impact est violent, et on tue aussi l'ensemble de l'écosystème : les larves, les juvéniles, les œufs... On est dans une politique de la "mer brûlée".

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Pour ceux qui ont investi de l'argent dans une machine de guerre, il faut rentabiliser. Mais pour les autres, nous, les pêcheurs artisans, la santé de l'écosystème, la santé de la Mer du Nord, la santé de nos finances publiques ? C'est ça qu'il faut prendre en compte ! Eux, ils sont hystériques de rage, c'est leur problème, mais c'est le bon sens qui gagne."

Est-ce que cette décision marque la fin du combat pour vous ?

"Non, car on a encore un problème très important : le fait que les pêcheurs artisans dans le nord de la France, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Angleterre, sont dans une situation financière qui n'est plus tenable. Les pêcheurs artisans du nord de la France ont perdu 75 % de leurs revenus et de leur capture de poissons en dix ans à cause de la pêche électrique. Notre première bataille ça va être d'obtenir des fonds publics pour éviter leur disparition.

La deuxième chose, c'est qu'on va demander dès aujourd'hui aux députés de l'Assemblée nationale de se mobiliser pour obtenir tout de suite une interdiction de la pêche électrique dans les eaux françaises, pour que les pêcheurs néerlandais ne puissent plus venir pêcher jusqu'à la côte chez nous. Enfin, l'autre grand combat, c'est celui de la subvention publique : on est dans un système économique où les incitations sont faites de telle sorte qu'elles encouragent à détruire l'environnement et l'emploi. On a encore un énorme travail !"

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