«Nous voulons que les contenus haineux soient retirés sous 24 heures», réclame une députée

Laetitia Avia rédige en ce moment une loi qui simplifiera le signalement des propos racistes et contraindra les réseaux sociaux à mieux identifier les auteurs.

 La députée Laetitia Avia est la rapporteure de la future loi qui durcira les sanctions pour les réseaux sociaux qui peinent à supprimer les contenus répréhensibles.
La députée Laetitia Avia est la rapporteure de la future loi qui durcira les sanctions pour les réseaux sociaux qui peinent à supprimer les contenus répréhensibles. AFP/CHRISTOPHE ARCHAMBAULT

    Trouver un équilibre entre la liberté d'expression et la lutte contre la haine en ligne, telle est sa lettre de mission. Coauteure du rapport sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme sur Internet rendu l'automne dernier, la députée LREM de Paris, Laetitia Avia, rédige une loi qui devrait être présentée à l'Assemblé nationale en mai ou en juin.

    Elle en dessine pour nous les contours avec notamment la création d'un bouton de signalement et répond aux critiques sur la levée de l'anonymat sur les réseaux sociaux.

    Comment lutter par la loi contre les contenus haineux publiés en ligne sur les réseaux sociaux ?

    LAËTITIA AVIA. Notre but est d'agir du début, c'est-à-dire dès le signalement d'un contenu jusqu'à la fin, soit la sanction de l'auteur du contenu avec une responsabilisation de tous les acteurs. Cela inclut les plateformes tels que les réseaux sociaux, les auteurs mais aussi les victimes qui ont un devoir de signalisation de ces propos. Nous avons le devoir de simplifier les mécanismes pour elles ».

    Il existe déjà des outils pour signaler des contenus illicites ou haineux comme la plateforme Pharos, est-ce qu'il n'y a pas le risque de superposer des dispositifs ?

    Ces mécanismes sont extrêmement lourds, il faut fournir nom, adresse, nationalité et qualifier les faits. Si je suis victime d'une insulte raciste en ligne, ce n'est pas à moi de recherche quel article du code pénal s'applique. Cela décourage et ce n'est pas adapté à la temporalité d'Internet. Pour certains, fournisseurs d'accès à distance (FAI) comme Free, il faut même faire une lettre recommandée pour signaler un abus ! Il faut donc simplifier la procédure de signalement pour les victimes comme pour les témoins.

    Quelles formes concrètes cela pourrait prendre pour les victimes ?

    Nous allons demander à tous les acteurs d'avoir une procédure similaire pour tous avec notamment un bouton unique de signalement. L'idée n'est pas de l'imposer par la loi mais je pense qu'un drapeau rouge, déjà utilisé sur certaines plateformes, se comprend rapidement. Il serait facilement identifiable notamment pour les plus jeunes qu'il faut protéger. En moins de trois clics, je dois pouvoir signaler un problème.

    Vous avez rencontré toutes les grandes plateformes (Facebook, Twitter, Snapchat…), quel a été l'accueil de vos propositions qui vont être contraignantes pour elles ?

    Elles ont une certaine appréhension sur les sanctions potentielles car nous prévoyons de demander le retrait des contenus haineux en 24 heures en créant pour elles le statut d'« accélérateur de contenus » car ces sites et applications créent de la viralité qui booste la diffusion de ces messages de haine. Nous comptons aussi mettre en place des sanctions qui pourraient aller jusqu'à 37,5 millions d'euros d'amende. Ces entreprises sont toutefois prêtes et elles sont volontaires.

    Elles ont dû vous opposer des arguments techniques comme le fait de devoir mettre en place un outil de signalement pour un seul pays alors que ce sont des plateformes mondiales…

    Le point de difficulté porte sur le bouton de signalement car cela touche au développement de chaque plateforme. Elles nous assurent toutes vouloir du civisme en ligne mais à un moment il faut des actes pour accompagner les bonnes volontés. Personne n'a vraiment envie de ce bouton unique mais si la loi les contraint, elles le feront. Ils ont déjà tous des outils de signalement, nous leur demandons qu'ils soient plus visuels et intuitifs. Cela peut être ensuite une bonne pratique partout dans le monde.

    Nous serions ainsi le premier et seul pays à en disposer…

    Nous sommes dans le pays des droits de l'Homme donc c'est important que nous portions des valeurs et des combats. Nous allons les défendre ensuite à l'échelle européenne.

    Un autre volet de la future loi va se concentrer sur les auteurs avec en ligne de mire une réflexion sur la levée de l'anonymat qui suscite déjà le débat, que répondre aux critiques sur une mesure liberticide?

    L'anonymat total n'existe pas et certains ont pu croire que nous voulions nous attaquer au « pseudonymat ». Toute personne qui utilise un pseudo pourra continuer à le faire. Mais lorsqu'il y a une réquisition de la justice pour identifier un fautif, il faut que les plateformes soient en capacité de répondre rapidement.

    C'est uniquement dans le cadre de délit, nous ne voulons pas lever l'anonymat et que tout le monde utilise son vrai nom sur les réseaux sociaux. Il y a une liberté d'expression mais aucune liberté de commettre des délits comme l'incitation à la haine ou l'insulte raciste.