Conseil constitutionnel : les dégâts collatéraux de la nomination de Juppé

VIDÉO. Didier Migaud déçu, Laurent Fabius froissé, Pierre Moscovici déstabilisé... La nomination de Juppé chez les sages contrarie les plans de Macron.

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Temps de lecture : 3 min

Jusqu'au bout, la boule a tourné sur le tourniquet. Jusqu'au bout, Richard Ferrand, le président de l'Assemblée nationale, n'a rien voulu savoir et a souhaité « faire un coup » dans son choix pour le Conseil constitutionnel en vue de remplacer Lionel Jospin plutôt que d'entrer dans le jeu de chaises musicales que l'Élysée avait concocté depuis deux ou trois mois. Mais voilà, le président Ferrand y tenait : la nomination d'Alain Juppé au Conseil constitutionnel était sa prérogative et personne, fût-il le chef de l'État, ne l'en dissuaderait. Et il a finalement réussi son coup : Alain Juppé va débarquer rue de Montpensier.

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Problème, Emmanuel Macron et Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Élysée, avaient pensé que Ferrand serait suffisamment accommodant pour nommer Didier Migaud, l'actuel premier président de la Cour des comptes. « Migaud voulait partir, il avait fait le tour de la question rue Cambon, et Laurent Fabius était très heureux de récupérer un ancien de ses réseaux fabiusiens à ses côtés, rue Monpensier », expliquait-on dans l'entourage des deux hommes. Le départ de Migaud arrangeait aussi Pierre Moscovici, le commissaire européen bientôt en fin de mandat (en novembre) à qui Alexis Kohler, un ancien de ses proches collaborateurs, pensait pouvoir offrir un bâton de maréchal en le faisant nommer à la Cour des comptes en lieu et place de Didier Migaud.

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L'avertissement de Fabius

Mais lundi, le vent a commencé à tourner. Richard Ferrand ne rendait pas les armes. Et à l'Élysée, l'idée de reconstituer un tandem fabiusien à la Cour des comptes suscitait quand même « une certaine méfiance », confie un proche du dossier. C'est ce moment précis que choisit Laurent Fabius pour tirer un coup de feu en l'air. Sachant que la décision devait tomber mardi à 17 heures, il s'exprime sur RTL le matin même. En vieux renard, l'ancien Premier ministre de Mitterrand lance un habile avertissement en rappelant qu'il reviendra au Conseil constitutionnel « de lever le pouce ou de baisser le pouce » quand il s'agira, très certainement, d'évaluer la constitutionnalité de la « loi anti-casseurs ». Fabius, faisant la chattemite, rappelle que le Conseil est le « gardien vigilant des libertés ».

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Il en profite pour rappeler les conditions d'un référendum. « La Constitution ne permet pas de poser une question d'ordre général, le référendum doit porter sur un projet de loi, et on demande aux Français oui ou non », lance-t-il. Le message est reçu 5 sur 5 à l'Élysée... Mais Ferrand reste ferme : ce sera Juppé et non Migaud ! « Ça va laisser des traces, car, avec Fabius à sa tête, le Conseil constitutionnel est devenu une véritable monarchie. Il a mis la main sur les services et c'est lui qui rédige tout ! Les autres suivent... » glisse l'un de ceux qui n'ont pas oublié le Fabius politique, celui qui ne faisait aucun cadeau dans les congrès du PS...

Moscovici fragilisé à Bruxelles ?

Victime collatérale : Pierre Moscovici que la macronie convoite de mettre « en marche » (qu'il n'a jamais rallié). Il se voyait bien donner un coup de plumeau à la vénérable Cour des comptes, et le voici cantonné dans ce rôle de commissaire politique. « C'est un peu dommage parce que tout le monde l'a annoncé partant et maintenant, les autres pays vont croire qu'il n'est pas soutenu par la France... » regrette-t-on à l'Élysée. Pierre Moscovici devrait encore faire adopter le budget de la France l'an prochain. Les commissaires les plus libéraux ne vont pas se priver de se montrer plus exigeants vis-à-vis de Paris et Moscovici ne sera pas forcément enclin à tempérer leurs ardeurs.

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En résumé, la nomination de Juppé crée potentiellement trois foyers infectieux pour la macronie : Fabius qui saura s'en souvenir pour l'examen de constitutionnalité des lois en général et de la loi de finances en particulier ; Didier Migaud qui se penchera sur les comptes publics ; et Moscovici qui devra affronter les commissaires libéraux les plus remontés contre les négligences de la France. En plus, toutes ces combinaisons de coulisses ont agacé Jean-Claude Juncker qui n'a été informé de rien et découvre depuis trois mois dans la presse que la France manœuvre sur son collège des commissaires...

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Commentaires (154)

  • maraval59

    ... Avec le scandale du sang contaminé et les dettes annulées de son fils, peut il encore oser sortir de chez lui... Cet homme est une HONTE, le pire des hommes politiques vivants (depuis que son mentor est mort en 95).

  • dernier mot

    A. Juppé, un Homme d'État au-dessus du "lot".

  • ACA

    La politique politicienne pourrit tout. Le Conseil Constitutionnel doit être composé de spécialistes du Droit Constitutionnel nommé à vie pour être indépendants... Ces membres élisent leur président qui devient le numéro 2 dans l'ordre hiérarchique de la République et ils ne sont pas éligibles. Cela évitera le coup de 1969 d'Alain Poher, Président du Sénat qui s'est présenté à l'élection présidentielle. Seul la démission où le décès devra permettre de nommer son remplaçant et réélire le nouveau Président du Conseil Constitutionnel. Quand aux Présidents anciens et actuel, leur place au Conseil Constitutionnel n'est pas justifié.