"Les garçons ne pleurent pas, les filles ont peur de tout !" : ce livre invite les enfants à bousculer les clichés de genre

Publié le 14 février 2019 à 17h03, mis à jour le 14 février 2019 à 17h13
"Les garçons ne pleurent pas, les filles ont peur de tout !" : ce livre invite les enfants à bousculer les clichés de genre

STÉRÉOTYPES - Pourquoi les filles devraient-elles forcément jouer à la poupée et les garçons au foot ? Pour bousculer ces clichés avec humour et poésie, Sophie Gourion publie ce jeudi 14 février un album avec deux couvertures, et deux histoires (une côté filles et une côté garçons) qui invitent les enfants (et leurs parents) à valoriser les différences.

Ils peuvent "danser, jouer à la poupée, aimer le rose, pleurer, préférer les cheveux longs, avoir des amies filles, être timide, avoir peur"... Tandis qu'elles peuvent "jouer au foot, s'habiller en noir, fabriquer des avions, escalader, porter des costumes de pirate, vouloir devenir pompier ou astronaute". La journaliste et blogueuse féministe Sophie Gourion a décidé de partir en guerre contre les clichés qui perdurent dans la société sur les garçons et les filles, et pour cela quoi de mieux que de s'adresser aux plus jeunes ? 

Elle publie ce jeudi 14 février "Les filles peuvent le faire aussi !/Les garçons peuvent le faire aussi !"* aux éditions Gründ. Un album avec deux couvertures, destiné aux 3-6 ans, qui parle d’égalité avec humour, tendresse et beaucoup de poésie. "Je voulais que ce soit chantant à l'oreille quand on lit l'histoire, comme des petites comptines", explique l'auteure.

Ludique et pas donneur de leçons

Sophie Gourion a donc décidé de privilégier des phrases très courtes, musicales, avec du rythme, car elle est sûre d'une chose, elle ne déconstruira pas les stéréotypes de genre sous la forme d'une fiction "forcément binaire et naïve", explique-t-elle à LCI. "En gros, ça aurait pu être le méchant escargot sexiste contre la gentille abeille non sexiste"... Trop artificiel, à son goût. "Je me suis dit que les enfants méritaient mieux que ça, et puis certains parents auraient pu m'accuser de vouloir véhiculer, sous des dehors d'histoires mignonnettes, certains messages militants", avoue-t-elle. Ce n'est donc pas sous cette forme littéraire qu'elle s'emparera de ce sujet, un point c'est tout. "Je pars du principe qu'il faut être honnête avec les enfants. Je pense qu'on peut parler de tout avec eux, de racisme, de sexisme, sans l'enrober dans des trucs un peu rose bonbon", raconte-t-elle.

Autre certitude, ce sera un livre à destination des tout-petits, "parce que je me suis rendue compte que la base des inégalités commencent dès l'enfance. Voire même dès le berceau". Et aussitôt de citer un exemple criant à ses yeux : "regardez les larmes des bébés filles, elles sont toujours associées à la peur, tandis que celles des bébés garçons sont associées à la colère, avance-t-elle. Même quand j'étais enceinte de mon fils, j'ai entendu certaines personnes, voyant mon ventre bouger, me dire que ce serait un petit bagarreur. Mon gamin n'était même pas né qu'on projetait déjà sur lui des stéréotypes, c'est fou !", s'offusque-t-elle. 

Pour cet ouvrage, l'auteure a aussi misé sur le côté ludique et surtout pas donneur de leçon : "Par exemple, je ne dis pas aux garçons qu'ils doivent absolument porter du rose, faire de la danse classique et pleurer. Le message c'est surtout de leur dire que rien ne leur est interdit. Même chose pour les filles. L'idée, c'est d'ouvrir le champ des possibles, poursuit-elle.  D'où l'envie également de ne pas faire un livre 'spécial fille ou garçon' comme il en existe plein. Je pense que les petites filles seront surprises de voir que les petits garçons sont également enfermés dans des stéréotypes. Finalement, les filles ne sont pas forcément des victimes et les garçons des bourreaux".

Dire aux garçons de ne pas pleurer, ça peut paraître anodin mais ça revient à leur dire : 'ne soit pas une fille'.
Sophie Gourion

Parmi les clichés que Sophie Gourion a eu particulièrement envie de pointer du doigt, il y a ainsi cette injonction immuable qui consiste à dire aux petits garçons de ne pas pleurer. "Ça peut paraître anodin mais ça revient à leur dire : 'ne soit pas une fille'. En d'autres termes, n'exprime pas tes émotions, ce qui est quand même super violent, dit-elle. Résultat, à l'âge adulte, on sait que les hommes sont sous-diagnostiqués dans les cas de dépression parce que justement on leur a appris à cacher leurs émotions !" Et que dire des petites filles qui doivent forcément avoir les cheveux longs ? "En fait, j'ai réalisé qu'à mon époque (elle est née en 1973, ndlr), dans ma classe, il y avait plein de fillettes avec des cheveux courts. Or aujourd'hui, quand je regarde les petites filles autour de moi, il n'y en a aucune qui soient coiffée comme ça. Que s'est-il passé ?"

Au final, même si l'auteure reconnaît que les lignes sont en train de bouger, des stéréotypes perdurent et selon elle, c'est du côté des garçons que les carcans sont difficiles à briser. "Ainsi, on trouve mignon qu'une petite fille joue avec des voitures ou escalade un arbre. On dira juste que c'est un garçon manqué, même si l'expression est problématique. Mais un petit garçon qui veut jouer à la poupée ou s'habiller en rose, ce n'est pas complètement rentré dans les mœurs. Loin de là. Il y a une tolérance pour les petites filles qui n'existe pas encore pour les petits garçons. Parce que ça n'est pas dans la norme et ça fait peur aux parents", analyse Sophie Gourion. Cette dernière espère maintenant que son album puisse être étudié dans les salles de classe, "toujours dans l'idée d'apprendre aux enfants à exercer leur esprit critique et à adopter une attitude plus tolérante envers les autres". 

"Les filles peuvent le faire aussi !/Les garçons peuvent le faire aussi !"* aux éditions Gründ, 12,95 euros


Virginie FAUROUX

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