Chronique d'un flic #13 - « Jérôme Rodrigues, un martyr, vraiment ? »

Cette semaine, KSF revient sur le cas du Gilet jaune Jérôme Rodrigues, qui a perdu un œil. Il estime le pouvoir de ces meneurs néfaste pour la France.

KSF*

Jérôme Rodrigues est dorénavant une icône, un leader d’opinion. 

Jérôme Rodrigues est dorénavant une icône, un leader d’opinion. 

© Karine Pierre / Hans Lucas

Temps de lecture : 4 min

« Je suis le référent de l'organisation de la manif. Je vais te donner mon numéro de téléphone. Si vous avez le moindre souci, tu dis que tu connais Jérôme ! Donc, tu n'hésites pas ! » Propos tenus par Jérôme Rodrigues à un journaliste de Quotidien le 19 janvier, lors de l'acte X.

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Dire que la solution était là sous notre nez. Cela fait quatorze samedis que nous sommes mobilisés, quatorze samedis que nos techniques de maintien de l'ordre sont remises en cause, quatorze samedis qu'on en prend plein la tronche sur le terrain, sur les réseaux et dans les médias, alors que, à en croire ces paroles, il suffisait de connaître Jérôme.

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Grosse tête

Est-ce que je me trompe ou ce mec avait déjà un boulard hors norme une semaine avant sa blessure ? OK, il ne la mérite pas pour autant. Cependant, rappelons tout de même les circonstances qui ont conduit à faire de lui ce héros martyr : nous sommes à l'acte XI, en live avec Jérôme, à deux pas de la Bastille. Il apprend que des Black Blocs s'en prennent aux forces de l'ordre sur cette place.

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Tel Jésus de Nazareth, il se sent subitement investi d'une mission, celle de ramener saines et sauves ces brebis égarées, selon lui piégées au milieu de ces affrontements. Tandis qu'autour de lui, ça canardait des projectiles et des cocktails Molotov dans tous les sens sur mes collègues, monsieur Rodrigues a effectivement été blessé gravement. Comme quoi, journaliste de guerre ou prophète, cela ne s'improvise pas.

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Bien sûr que nous regrettons cette scène. Surtout qu'à l'évidence elle ne pouvait qu'alimenter le bûcher de la raison. Seulement, encore une fois, et comme je l'expliquais lors d'une chronique précédente, on ne peut pas se promener délibérément au milieu d'un champ de mines et se plaindre d'une déflagration, CQFD. Et encore moins prendre une grenade dans la main et s'étonner qu'elle explose. Selon le nouvel évangile que sont les réseaux sociaux, Jérôme est dorénavant une icône, un leader d'opinion. Il a atteint une telle notoriété qu'il fait des jaloux dans le monde de la lutte. Notamment vis-à-vis d'une tête à claques nommée Louis Boyard, oui, le syndicaliste lycéen aux dents démesurément longues, qui fait tout depuis pour se prendre des tirs de LBD.

Le niveau d'influence de Jérôme Rodrigues sur le fonctionnement de notre pays est bien au-delà de ce qu'il devrait être. 

Je ne dis pas que monsieur Rodrigues soit foncièrement quelqu'un de mauvais, loin de là. Je ne dis pas non plus que sa starification soit usurpée dans une société où les candidats de télé-réalité ont une telle aura. Je dis, en revanche, que son niveau d'influence sur le fonctionnement de notre pays est bien au-delà de ce qu'il devrait être. J'ai écouté quelques-unes de ses grand-messes. En effet, difficile de le trouver véritablement antipathique de prime abord, quoique ça commence à venir. Là où ça devient problématique, c'est qu'il est tout aussi difficile de savoir exactement où il veut en venir et, principalement, où il veut nous emmener.

Je ne suis pas un émissaire du gouvernement, je suis un simple flic comme les autres, mobilisé sur les actes. C'est vrai qu'après ça et le reste, nous ne sommes pas censés être à une aberration près. Je reste néanmoins un policier qui réclame du sens. Et je le répète, la poursuite de ce mouvement sous la forme de ces déclinaisons théâtrales en manque cruellement.

Même s'il n'est pas le plus virulent des leaders GJ, j'ai choisi de parler du cas de Jérôme Rodrigues, car je le trouve à la fois emblématique et symptomatique de cette cause initialement juste. Par ces mots, je prétends simplement que la gloire et le pouvoir de ces meneurs sont néfastes pour notre pays, voire dangereux. Si le ridicule ne tue pas, n'oubliez pas que la bêtise dispose de ce pouvoir, surtout à grande échelle.

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Ce jusqu'au-boutisme prolonge leur exposition à la lumière, mais, pendant ce temps-là, beaucoup trop de Français trinquent. À commencer par nous les policiers, même si de plus en plus s'en réjouissent. Leurs appels à la lutte, comme les prêches en banlieue de Jérôme de Nazareth la semaine dernière, créent des drames chaque week-end depuis trop longtemps, le tout sous le couvert d'un plébiscite invraisemblable. Je ne suis pas sûr du tout qu'ils réfléchissent réellement à ces lourdes responsabilités. Et disons-le, pas sûr que tous parmi eux en aient formellement la capacité.

Combien de blessés faudra-t-il encore pour que cela cesse ? Combien de dégâts, de manques économiques, de débilités, avant que l'opinion publique ne siffle la fin de la récré « samedinicale » ? Il y a beaucoup à redire sur la gestion politique de notre pays, mais nous sommes bel et bien une démocratie, et non pas une dictature, contrairement à ce que certains veulent nous faire croire. Plus que jamais, les débats sont ouverts pour l'améliorer, alors, dépassons nos colères pour nous en emparer…

« La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes », disait Winston Churchill.

* KSF, pour K, simple flic, est policier dans la région lyonnaise.


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Commentaires (67)

  • CLAUSEWITZ

    Aucune sympathie pour ce pseudo héros autoproclamé. Bien évidemment de la compassion pour sa blessure, mais quand on cherche autant les ennuis, il arrive malheureusement qu'on les rencontre.
    Notre police a fait preuve d'une patience et d'une indulgence exceptionnelle pour ces anarchistes au motif qu'ils auraient eu un soutien de l'opinion publique. Bizarrement parmi mes connaissances, y compris de milieux modestes, je ne trouve pas grand monde pour exprimer sa sympathie. Que beaucoup de gens ne supportent plus les niveaux d'impots et taxes dans ce pays, rejettent Macron et son gouvernement de "charlots", c'est certain.
    Ce n'est pas pour autant que l'on est prêt à supporter depuis si longtemps cette anarchie rituelle du samedi, défouloir de tous les frustrés et ratés de ce pays.

  • VIVE 2022

    Si c'est vrai, pour être touché par un LBD ou un éclat de grenade - peu importe - il faut vraiment ne pas se trouver éloigné des forces de l'ordre. Ca fait alors partie des risques
    de tout membre d'une sédition. .

  • e.libre

    Pour donner tout son sens au paragraphe sur les gardes, dans la pièce Antigone de Jean Anouilh, j’aurais dû citer le paragraphe en entier. Aussi voici la dernière phrase à méditer (si vous aimez le théâtre) :
    « Pour le moment, jusqu’à ce qu’un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l’arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon.  »