Déminage à Paris : à la Porte de la Chapelle, tout un quartier se prépare à évacuer

Pour les besoins d’une vaste opération de déminage d’une bombe de la Seconde Guerre mondiale, 1600 habitants du quartier de la porte de la Chapelle devront quitter les lieux dimanche. Reportage.

 93, rue de la Chapelle (XVIIIe), ce vendredi. Comme 1 600 habitants du quartier, François, 36 ans, devra évacuer son logement dimanche dès 6 heures et jusqu’au début d’après-midi. « Je n’ai pas de solution de repli » explique-t-il.
93, rue de la Chapelle (XVIIIe), ce vendredi. Comme 1 600 habitants du quartier, François, 36 ans, devra évacuer son logement dimanche dès 6 heures et jusqu’au début d’après-midi. « Je n’ai pas de solution de repli » explique-t-il. LP/J.D.

    Pas une voiture, pas un train, pas un tram et surtout pas un être humain dans un rayon de 300 m. Ce dimanche, le quartier de la porte de la Chapelle (XVIIIe) sera littéralement désert. Après la découverte, le 4 février, d'une énorme bombe aérienne de la Seconde Guerre mondiale sur un chantier proche du périphérique, la préfecture de police a programmé ce matin-là une opération exceptionnelle pour neutraliser l'engin explosif, qui sera déplacé sur 200 m puis explosé dans un puits creusé à 7 m de profondeur.

    Conséquence : 1 600 riverains, employés et commerçants d'une demi-douzaine d'immeubles de la rue de la Chapelle (les n° 81-83, 85-87, 93 et 100) devront avoir quitté les lieux dès 6 heures (et impérativement avant 8 h 30) jusqu'au début d'après-midi. Sont notamment concernées les deux tours qui dominent le quartier. Au pied de celle du 93, rue de la Chapelle, qui abrite à elle seule au moins 800 habitants, l'évacuation était au cœur de toutes les discussions ce vendredi.

    «Je ne sais pas où aller dimanche»

    « Il y a beaucoup de questions » reconnaît une gestionnaire du bailleur ICF Habitat La Sablière aux 400 coups. Car de nombreux locataires sont pris au dépourvu. « J'ai appris ça en rentrant du boulot jeudi soir et je suis un peu dégoûté, lâche François, 36 ans. Je ne sais pas où aller dimanche : je n'ai aucune solution de repli. Si au moins c'était l'été, je serais allé me balader à Montmartre… ». Jean, 54 ans, est aussi perdu. « Je vais peut-être aller à la mairie » lâche-t-il.

    La mairie du XVIIIe (place Jules-Joffrin) proposera en effet dès 6 heures café, jus viennoiseries, livres et jeux aux évacués. Même dispositif au gymnase des Fillettes tout proche (54, boulevard Ney). « Rester huit heures dans un gymnase, ça ne m'enchante pas, grimace Maya, 16 ans. D'autant qu'on a un bébé à la maison et aussi un chat : c'est compliqué ». Une locataire passe en coup de vent, excédée : « c'est aberrant cette procédure : on casse les pieds aux gens ».

    «J'ai réservé une chambre d'hôtel à Bagnolet»

    D'autres habitants ont déjà anticipé. « Dès que j'ai vu l'affiche dans le hall, je suis allée sur Internet pour réserver une chambre d'hôtel à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), explique Valérie, 56 ans. Pas question de me lever aux aurores ! ». Maïté et Jean-Yves, un couple de retraités, iront dormir chez leur fille porte de Versailles (XVe) mais ils s'interrogent : « doit-on baisser nos volets ? ». « J'ai beaucoup d'amis dans le quartier donc je vais trouver un hébergement » sourit de son côté Jean-Michel, responsable d'une association locale, qui rappelle que la zone a été tapissée d'obus en 1944 : « il faut faire avec : cette bombe on ne peut pas la laisser où elle est ».

    Dimanche, les autorités s'assureront que pas un habitant ne reste sur place. Des maraudes sont prévues pour recueillir les nombreuses personnes toxicomanes, SDF ou migrantes du secteur. ICF Habitat mobilisera 9 personnes tout le week-end dans la tour du 93, rue de la Chapelle pour repérer notamment les personnes en situation de fragilité et faire du porte-à-porte. « Ce samedi, une permanence sera assurée dans le hall pour expliquer et rassurer, confie une porte-parole du bailleur. Car cela peut faire peur de s'entendre dire qu'on est dans le périmètre d'explosion d'une bombe ».

    Le numéro d'information 0 805 200 450 est accessible jusqu'à la fin de l'opération.

    La tour du 93, rue de la Chapelle (XVIIIe). LP/Julien Duffé
    La tour du 93, rue de la Chapelle (XVIIIe). LP/Julien Duffé LP/J.D.