La vidéo circule beaucoup sur Twitter. On y voit un homme portant un bonnet, filmé de dos, répondant aux questions de Jean-Marc Manach, alors rédacteur en chef de l'émission de vulgarisation d'internet, le Vinvinteur, sur France 5. L'idée de ce numéro diffusé en 2013 est de parler avec un "gentil troll", qui expliquerait en quoi sa mission de trolling a presque un intérêt presque public.

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L'interviewé, connu sur Twitter à l'époque sous le pseudonyme de @PascalMéric, raconte comment il a notamment créé un profil Twitter pour l'actrice Vanessa Demouy, la rendant, à dessin, particulièrement intellectuelle.

"C'est comme du théâtre en fait, dit-il, sans que sa voix ne soit altérée. Plus il y avait de gens qui la suivaient, plus je dérivais. J'avais envie de lui créer une personnalité très littéraire, cultivée, elle parlait d'Eschyle, d'épigraphie latine, sans que ça ne choque personne. [...] Le décalage était incroyable", s'étonne encore le troll, qui finit par changer de personnalité, délaissant Vanessa Demouy -qui refuse de récupérer les clés du compte Twitter- pour se transformer en Robert Hue. "J'essaie de ne pas profiter, je suis jamais dans la manipulation," assure-t-il cependant.

"Pascal Meric", qui déplore que les réseaux sociaux se soient professionnalisés au profit du "personal branding" [l'autopromotion] évoque aussi des canulars téléphoniques qu'il a lui-même réalisés. "J'ai fait des canulars mais avec des amis, où je pouvais interviewer des personnalités politiques comme Christian Vanneste (président du Rassemblement Pour la France) . [...] Dès que je suis bourré, je fais un canular téléphonique."

"Oui Pascal Méric, c'était lui"

Depuis les révélations de l'existence de la Ligue du LOL, signées Checknews, cette vidéo de 38 minutes circule énormément sur Twitter. Car ils sont nombreux à voir derrière l'homme au bonnet le rédacteur en chef des Inrocks, actuellement mis à pied par sa rédaction en raison de son appartenance au groupe Facebook privé.

Lui est notamment reproché un canular téléphonique diffusé sur internet : il y fait croire à Florence Porcel, alors intermittente, qu'il est le rédacteur en chef Laurent Bon, et qu'il souhaite l'embaucher dans une émission. Florence Porcel a admis avoir pleuré pendant trois jours à la suite de la diffusion du piège.

Contacté par L'Express, l'intéressé n'a pas encore répondu à nos sollicitations. Jean-Marc Manach auteur de l'interview, affirme : "Je n'avais aucune connaissance de la Ligue du LOL et je ne savais pas non plus que certains de ses membres pouvaient faire du harcèlement, comme on l'a découvert depuis la semaine passée..."

Malgré tout, Jean-Marc Manach tient à remettre cette interview en contexte. "J'avais totalement oublié, pour tout dire, tout ce qui entourait cette interview. Florence Porcel jouait elle-même par ailleurs un troll, déguisée en fée Clochette." Quand l'émission est diffusée sur France 5, en mai 2013 (après sa diffusion en ligne) Pascal Méric publie, dans la foulée, son canular téléphonique. Relayé par Jean-Marc Manach lui-même, comme il le confie à L'Express, tweet à l'appui.

"On s'était fait troller par le troll"

"Je me suis excusé auprès de Florence, car s'il n'y avait pas eu l'émission, elle ne se serait pas fait piéger. Comme je n'étais pas tout le temps là, je ne savais pas qu'elle avait pleuré pendant trois jours... Et par ailleurs, à l'époque, j'avais en effet trouvé ça vraiment drôle : on s'était fait troller par le troll qu'on avait invité... Aujourd'hui, il est accusé d'avoir 'harcelé' Florence, alors que c'était donc un canular, qu'elle a perçu comme faisant partie du harcèlement dont elle avait fait l'objet depuis 2010", déplore le journaliste.

Sur Twitter, la vulgarisatrice scientifique a relayé le message d'excuses de son "troll", qui a lui-même admis être à l'origine du piège. "Cette libération de la parole m'a fait prendre conscience que je comptais parmi les bourreaux. Durant cette période, j'ai en effet réalisé deux canulars téléphoniques dont celui raconté courageusement par Florence Porcel. [...] Je mesure aujourd'hui la dégueulasserie de ces actes et je n'ai pas d'excuses pour cela."

Et auprès de France 3, Florence Porcel a détaillé les actes de malveillance dont elle a été victime. "C'étaient des messages malveillants, qui m'attaquaient moi, ma personnalité, mon travail, et surtout de manière répétée, ciblée, pendant des années. C'était clairement pour me nuire, pour me faire perdre confiance en moi, pour m'humilier."

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