L’orthographe, un critère de sélection pour un DRH sur deux

Selon un sondage que nous dévoilons, 52 % des DRH assurent que le niveau d’orthographe joue dans la mise à l’écart de candidatures. C’est devenu aujourd’hui un réel critère de sélection.

    Un CV truffé de fautes, et hop, à la poubelle! Un salarié qui rédige des mails en langage texto, et hop, au placard! Un bon commercial qui confond futur et conditionnel, et hop, adieu la prime, bonjour le manuel de conjugaison! Les lacunes en orthographe sont des freins impitoyables à la recherche d'un emploi mais aussi à la progression de carrière.

    C'est ce qui ressort d'un sondage OpinionWay pour Mon coach Bescherelle - l'application du roi de la grammaire - que nous publions en exclusivité et qui sera présenté mardi à Paris à des responsables de ressources humaines lors d'un colloque.

    Selon cette « grande consultation sur l'orthographe et l'employabilité » menée auprès de plus de 200 DRH, la moitié d'entre eux (52 %) affirment que le niveau en expression écrite a pu jouer dans la mise à l'écart d'une candidature. Ils sont 44 % à reconnaître qu'un faible niveau d'un collaborateur a pu « susciter des remarques » et 15 % que de telles failles ont pu « freiner une promotion ».

    Pour la quasi-totalité des recruteurs (99 %), bien s'exprimer à l'écrit est important quand on recherche un emploi mais aussi une fois embauché, lors des échanges avec les collègues ou les clients. Plus de neuf sur dix (92 %) estiment que des faiblesses en la matière peuvent avoir un impact sur l'image de leur entreprise.

    « Dans un monde d'hypercommunication, la maîtrise du français est essentielle. Les salariés sont amenés de plus en plus souvent à prendre la parole par écrit, beaucoup sont devenus les ambassadeurs de leur employeur sur les réseaux sociaux », analyse Célia Rosentraub, directrice des éditions Hatier-Bescherelle.

    « C'est un plus indispensable pour se détacher »

    Dès l'envoi de leur lettre de motivation, les cancres des dictées sont sanctionnés. « C'est clairement un critère de sélection. Quelqu'un qui écrit comme ça se prononce, ça nous fait un peu peur ! », prévient Nadia Bouya, responsable de marque chez Aliscom, distributeur de produits high-tech. « Lors de la phase de recrutement, si le candidat a un blog ou un compte Instagram, on repère s'il fait ou non des fautes », poursuit-elle. « Entre deux candidats, l'orthographe peut faire la différence. C'est un plus indispensable pour se détacher », résume Stéphane Daviet, à la tête de deux agences immobilières.

    Avec l'arrivée sur le marché du travail d'une génération qui n'a pas grandi avec le Bled, les DRH n'ont jamais autant été confrontés aux fautes de leurs employés occupant tous les postes. Particulièrement visés, les ingénieurs qui ont tout misé sur les maths et la physique, boycottant le passé simple ou la ponctuation.

    Désormais, tout en veillant à ne pas stigmatiser, ils n'hésitent plus à leur proposer des leçons de grammaire dans le cadre, notamment, de la formation continue. Résultat : un véritable business de la chasse aux fautes d'accord dans les multinationales comme les PME est né, alimenté par des applications sur smartphones, des logiciels, des coachs…

    « Un manager peut suggérer une formation »

    Selon l'étude, une bonne moitié de DRH (54 %) envisageraient de financer des séances d'orthographe pour certains salariés. « Pendant longtemps, les entreprises n'osaient pas en parler, il y avait comme une honte à compter dans son personnel des gens fâchés avec l'orthographe. Mais le tabou s'est levé depuis qu'elles ont pris conscience que c'était un fléau généralisé », décrypte Pascal Hostachy, patron du projet Voltaire, leader dans la remise à niveau en orthographe qui compte 1 200 sociétés parmi ses clients.

    « On peut se permettre de dire à un collègue : Fais attention à l'orthographe ! Mais il faut une relation de confiance pour pouvoir aborder le sujet », constate Florence Bonadei, responsable RH chez OPPBTP qui fait du conseil en prévention pour les entreprises du bâtiment. « Lors d'un entretien annuel, un manager peut suggérer une formation à son interlocuteur. Cela aide à progresser mais on ne devient ni Proust ni maître Capello du jour au lendemain ! », sourit-elle.

    La guerre des certifications

    Il existe trois certifications en orthographe. Les postulants à un « job » sont, en effet, de plus en plus nombreux à indiquer sur leur CV le score qu'ils ont obtenu lors d'une évaluation payante sous forme de QCM de leur maîtrise de la langue française. Sous la houlette de sociétés privées, sont nées ces dernières années le certificat Voltaire et les certifications Le Robert et Bescherelle sur le même principe que le TOEFL ou le TOEIC pour évaluer son niveau en anglais.

    Pionnier du genre, le certificat Voltaire, créé en 2010 et noté sur 1 000 points, a une bonne longueur d'avance sur ses rivaux. Pour s'inscrire, il faut débourser 59,90 €. « 50 000 personnes le passent par an dans 1 200 centres d'examen. Quand on peaufine son CV, c'est la référence, celle qui est connue de tous », vante Pascal Hostachy, inventeur du concept.

    « Le fait qu'il y ait maintenant des concurrents accrédite l'idée de l'importance du certificat lors du recrutement. Le monde de l'entreprise et de l'enseignement l'a bien compris », explique-t-il. Ces prochains mois, son bébé, qui se focalise sur l'orthographe, la grammaire et la conjugaison, va étendre son périmètre, « couvrant tous les champs de l'écrit professionnel », avec des questions portant sur le vocabulaire, la ponctuation ou l'argumentation.

    « On a une caution de marque et un savoir-faire »

    Une adaptation liée, en partie, à cette arrivée sur le marché du business des évaluations d'autres opérateurs. En novembre 2016 a vu le jour la certification Le Robert sous l'impulsion du père des célèbres dictionnaires et d' Orthodidacte, plateforme d'apprentissage des pièges de la langue française. Moyennant un chèque de 110€, l'expression et le vocabulaire sont, notamment, notés en plus de l'orthographe. « On a un accord avec la Poste qui permet à nos candidats de passer la certification dans des conditions très rigoureuses en centre postal, auprès de postiers reconvertis dans la surveillance d'examens », signale Charles Bimbenet, directeur général des éditions Le Robert.

    Le Bescherelle a, lui aussi, son mot à dire. Il a débarqué avec son label l'année dernière. « On a une caution de marque et un savoir-faire disciplinaire sans commune mesure. Cela fait un siècle que nous sommes des pros de l'orthographe et de l'expression écrite », se targue Célia Rosentraub, directrice générale des éditions Hatier-Bescherelle. Au-delà de la certification en orthographe (79,90€), sa maison propose, pour se démarquer, une formule « complète » à 189,90 € évaluant, entre autres compétences, la capacité du candidat à « rédiger efficacement ».

    * Etude réalisée du 7 au 14 janvier 2019 selon la méthode des quotas, auprès d'un échantillon de 205 responsables RH d'entreprises françaises privées ou publiques d'au moins 50 salariés.