Remaniement : les petites manÅ?uvres de François Hollande

Très secret sur ses intentions pour le remaniement, le chef de l'Etat livre pourtant lui-même confidences et petites phrases pour mieux brouiller les pistes.

Le second tour des municipales a confirmé la déroute de la gauche, le rebond de la droite et la percée du FN. François Hollande devrait en tirer très vite les conséquences. 
Le second tour des municipales a confirmé la déroute de la gauche, le rebond de la droite et la percée du FN. François Hollande devrait en tirer très vite les conséquences.  Patrick Kovarik

    ON SAVAIT François Mitterrand adepte des préceptes de Machiavel. On découvre que son successeur socialiste à l'Elysée n'est pas en reste en matière de ruse et d'habileté. Le roi de l'enfumage, François Hollande ? Dans cet entre-deux-tours des municipales, le président n'est pas pour rien dans le flot des spéculations qui jaillissent dans les médias sur le big-bang gouvernemental imminent. Car, en coulisses, il distille volontiers petites phrases et confidences aux journalistes qu'il reçoit par tablées entières ces jours-ci. Manière de tester ses idées... et de brouiller les pistes pour ménager son effet de surprise.

    « Les deux expressions favorites de François sont : j'enfume ! et il faut laisser dégorger les escargots ! » rigole un vieux compagnon de route, qui se targue de « bien connaître l'animal ». Voilà qui fera plaisir aux ministres qui tremblent pour leur fauteuil et aux élus qui rêvent d'un maroquin, ravalés au rang de simples gastéropodes... Un exemple ? En début de semaine, deux agences de presse révèlent, en citant une source à l'Elysée, que le président va annoncer un cadeau fiscal ciblé aux ménages après les municipales. Un petit geste qui, à défaut d'être nouveau (l'Elysée y travaille depuis des mois), tombe à pic pour amadouer les catégories populaires avant le second tour à haut risque de demain. Or, c'est François Hollande lui-même, et pas l'un de ses conseillers, qui a fait fuiter l'information en recevant des journalistes mardi ! « Ã?a, c'est signé papa », rigole l'un de ses familiers. En petit comité, le président juge en effet que « l'exaspération fiscale a peut-être jou? dans le premier tour catastrophe de dimanche.

    Hollande joue sciemment avec les nerfs du Landerneau. « Je vois tous les noms qui sont cités dans la presse, je n'ai pas grand-chose à ajouter... » se délecte-t-il en petit comité, plus que jamais roi de l'esquive. Au petit jeu de bonneteau présidentiel, Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls et Laurent Fabius, les trois favoris pour Matignon, en sont eux-mêmes réduits à attendre la fumée blanche. Et à démêler le vrai du faux dans les rumeurs, savamment alimentées en haut lieu. Ces dernières heures, un autre nom est ainsi sorti du chapeau pour Matignon : celui de Bertrand Delanoë. Info ou intox ? « C'est bidon », balaie un hollandais. « Ã?a aurait du sens », rectifie un autre. Autant dire que les visiteurs du président ressortent ces jours-ci de son bureau plus embrouillés qu'en y entrant... « Personne ne sait ce qu'il a dans la tête », soupire un ministre régalien, qui décrit un Hollande mutique et suggère : « Demandez-lui, vous ! »

    Ces dernières heures, le chef de l'Etat faisait même mine d'hésiter sur le calendrier du remaniement. « Si on perd les européennes, qu'est-ce qu'on fait ? » s'interrogeait-il à voix haute. « Ne vous fiez pas à ça. Ce sera lundi ou vendredi, mais pas mardi car c'est le 1 er avril », balaie l'un de ses plus proches. « François s'amuse, il teste pour voir comment ça réagit, décrypte un autre ami. Il enfume pour gagner du temps pour construire son dispositif. Il bordélise par tactique. » En ces heures noires pour son quinquennat, où il affronte sa première gifle électorale â?? selon son propre mot â??, le chef de l'Etat ne se confie en effet qu'à un tout petit carré de proches. Des intimes de trente ans comme Jean-Pierre Jouyet, Jean-Pierre Mignard ou Ségolène Royal, avec qui il échange très régulièrement. Et des politiques comme Stéphane Le Foll, François Rebsamen ou Julien Dray. Comme dit Hollande lui-même : « C'est important d'être libre. De prendre sereinement la bonne décision. »