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En Algérie, des associations ferment sous la pression de l’administration

Comptes bancaires gelés, responsables interrogés, locaux fermés. Depuis un an, le contrôle des autorités sur les organisations privées s’est accentué.

Par  (Alger, correspondance)

Publié le 18 février 2019 à 16h30, modifié le 18 février 2019 à 16h33

Temps de Lecture 4 min.

Des bénévoles de l’Association des femmes algériennes pour le développement (AFAD), à Annaba, à 600 km à l’est d’Alger, en mars 2010.

L’annonce a été accueillie avec beaucoup de soulagement. Lundi 18 février, à la veille du procès qui lui était intenté, l’association algérienne Bariq 21 a annoncé que le wali (préfet) a retiré sa plainte.

A Skikda, à 470 kilomètres à l’est d’Alger, Bariq 21 était convoquée au tribunal administratif, accusée d’enfreindre la loi, de recevoir des financements de l’étranger et de participer à des événements à l’extérieur du pays. Elle risquait d’être dissoute. Dans un communiqué, le président de l’association explique avoir pu, lors d’une «réunion amicale» avec les autorités, expliquer et clarifier les activités de l’association.

Créée en 2006, Bariq 21 n’a pourtant rien d’une association politique. Elle travaille sur les énergies renouvelables et le développement durable. Reconnue dans le secteur – plusieurs de ses membres ont été invités à la COP 22 et à la COP 23 –, elle a même signé plusieurs partenariats avec les autorités locales et nationales, notamment pour former les jeunes entrepreneurs à ces énergies.

Dans un communiqué publié le 4 février, un collectif d’associations s’alarme. Il estime que « cette affaire n’est pas un fait isolé mais constitue bien une guerre déclarée marquée par les multiples pressions, harcèlement contre les militant.e.s associatif.ve.s, interdictions et non-autorisations des activités ».

Les militants serrent les dents

Au fil des mois, la liste des associations empêchées de continuer leur mission s’allonge. En janvier, un autre événement a provoqué l’émoi. Cette fois, c’est à Oran, dans la deuxième ville d’Algérie, qu’un restaurant du centre est condamné à une fermeture administrative d’une semaine. Quelques jours auparavant, des membres de l’association locale Santé Sidi El Houari s’y étaient réunis. L’administration reproche au commerce de ne pas avoir « obtenu d’autorisation » pour cet événement. Dans la ville, les militants serrent les dents, face à ces pressions, directes ou indirectes, qui se sont accentuées, et les histoires sont désormais nombreuses.

« Un président d’association a été obligé de se rendre au commissariat en 2018 pour répondre à un interrogatoire, après qu’on ait menacé de lui retirer son agrément », témoigne l’employée d’une association qui requiert l’anonymat. En mars de la même année, les locaux de l’association Femmes algériennes revendiquant leurs droits (FARD) avaient été fermés sur décision administrative. La mobilisation de la société civile et la saisie de la justice ont permis leur réouverture.

« Se bagarrer et être inventif »

Parfois, en revanche, les requérants baissent les bras. En juillet 2018, c’est la Plateforme migration Algérie (PMA), un collectif d’associations, qui a vu l’organisation d’une réunion privée interdite. Les forces de sécurité allant jusqu’à s’assurer que ses membres ne s’asseyaient pas à plus de trois par table au restaurant de leur hôtel.

« Nous ne sommes pas en Europe ici : être militant, c’est se bagarrer et être inventif. Il faut trouver des solutions administratives pour contourner les bâtons qu’on nous met dans les roues », estime la responsable d’une association d’Alger, coutumière de ces obstacles qui vont des blocages administratifs aux pressions directes sur les employés d’associations, en passant par des saisies de comptes bancaires.

La société civile algérienne ne découvre pas la résistance avec cet épisode. Elle a de longue date appris à faire face. Cependant, de nombreux militants observent que, ces derniers temps, une nouvelle étape a été franchie. « Une note a été envoyée par le ministère des affaires étrangères à l’Union européenne et à une représentation des Nations unies en leur signifiant qu’elles n’avaient le droit de travailler et de financer que des associations avec agrément », explique une responsable. Selon les médias algériens, cette note a même été envoyée à toutes les représentations diplomatiques présentes dans le pays.

« Nous sommes marginalisés »

Ce qui est nommé « agrément » est en réalité la mise en conformité des associations avec la nouvelle loi de 2012, entrée en vigueur en 2014. Cette dernière, qui promettait de simplifier les procédures administratives, a obligé tous les acteurs associatifs, qui avaient obtenu des autorisations d’exercer depuis des années, à en demander le renouvellement. « La conséquence est que la plupart des associations qui travaillent sur les questions de femme, de droit, de violence n’ont pas eu ce nouvel agrément. Nous sommes marginalisés et beaucoup d’associations ont disparu du paysage », s’alarme Fatma Boufenik, responsable de l’association FARD.

Dans son rapport annuel de 2018, la Ligue de défense des droits de l’homme algérienne va plus loin et analyse qu’« aucune des organisations qui travaillent sur la thématique des droits de l’homme et de la citoyenneté, avec une approche critique, n’a vu son agrément renouvelé ». Or, sans autorisation de l’administration, une association ne peut ni organiser d’événement ni ouvrir un compte bancaire.

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En octobre 2018, neuf d’entre elles ont proposé un projet alternatif de loi qui consacrerait « le retour au système déclaratif » et un contrôle a posteriori confié à la justice et non plus à l’administration. L’hôtel privé où devait se tenir la conférence de presse n’a pas obtenu d’autorisation de la wilaya (préfecture) et a annulé l’événement au dernier moment. Les associations prévoient de déposer le projet de loi dans les prochains mois auprès du ministère de l’intérieur et des différents groupes parlementaires.

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